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Arabie Saoudite, des gesticulations, Etats-Unis, Europe, MBS
Il n’est pas étonnant que le jeune prince héritier Mohammad Bin Salman se croit autorisé à toutes les exactions
Ardavan Amir-Aslani
L’Arabie saoudite du prince héritier Mohammad Bin Salman vient de franchir une nouvelle étape dans la violence gratuite. Il est vrai que ce prince héritier se croit tout permis. Les exemples de ses irruptions colériques et irréfléchies ne manquent pas. Il y a quelques mois, il aurait en effet suffi d’une déclaration banale du ministre canadien des Affaires étrangères appelant à la libération d’une femme, militante des droits de l’homme, pour que non seulement Riyad rompe toute relation diplomatique avec Ottawa, mais que de surcroît, ce pays rappelle ses étudiants inscrits dans les universités canadiennes et y retire tous ses investissements. On n’est plus dans une démarche fondée sur la diplomatie du portefeuille, mais sur celle du chantage. Et ceci n’est qu’un petit aspect des initiatives hasardeuses auxquelles ce prince a habitué le monde.
Europe et États-Unis aux abonnés absents
Un tel sentiment d’impunité est la conséquence du silence américain et européen. La place démesurée accordée à Riyad par Washington au Moyen-Orient a été actée dès les premières semaines du mandat de Donald Trump. Ce dernier, rompant avec une tradition séculaire qui veut que le président nouvellement élu réserve ses premiers déplacements aux voisins mexicains et canadiens, a inauguré ses déplacements internationaux avec Riyad. Ce déplacement a placé l’Arabie saoudite, aux yeux de Donald Trump, devant la Chine, l’Otan et même l’allié anglais traditionnel. Il n’est donc pas étonnant que ce jeune prince héritier se croit autorisé à toutes les exactions. Tout y est passé. Du kidnapping du premier ministre libanais nécessitant l’intervention du président français pour sa libération, à la guerre meurtrière et tragique au Yémen, en passant par la prise d’otage des dignitaires du régime et l’extorsion de fonds qui a suivi, ou encore le blocus du Qatar. Ses initiatives bafouent le droit international et les droits de l’homme dans le silence le plus total des États-Unis et de l’Europe. Le silence européen est devenu honteux dès lors qu’il se manifeste même quand des pays européens sont directement menacés par le courroux saoudien, et ce pour avoir juste attiré l’attention sur les questions de droits de l’homme. Les cas de l’Allemagne au mois de mai dernier ou de la Suède sont révélateurs. Dans les deux cas, les ministres des Affaires étrangères des pays concernés avaient osé prendre la parole sur les agissements saoudiens.
Ce journaliste saoudien a beau avoir été assassiné et son corps mutilé, il est peu probable qu’avec la composition actuelle de la Maison Blanche, totalement obnubilée par l’Iran, l’administration américaine fasse un cas d’école de cette affaire. Il en va de même pour l’Europe qui, sous la présidence de la Pologne, a réussi l’exploit par l’intermédiaire de son président de proposer aux États-Unis une base sur le territoire polonais, qu’il se propose d’appeler “Fort Trump”. Le silence complice des États-Unis et de l’Europe, assorti des divisions européennes, fait que des pays comme l’Arabie saoudite se considèrent en droit d’assassiner impunément des dissidents dans leurs représentations consulaires. Ne nous étonnons pas que les Chinois fassent de même et kidnappent le directeur général d’une organisation internationale comme Interpol ! À part des gesticulations rhétoriques et des faux-semblants, ne nous attendons pas à autre chose. Les États-Unis et l’Europe, pour des raisons différentes, sont aux abonnés absents.