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L'émission "Envoyé spécial" a diffusé jeudi un reportage sur les jeunes blessés des tirs israéliens lors de la "marche du retour" au printemps.L’émission « Envoyé spécial » a diffusé jeudi un reportage sur les jeunes blessés des tirs israéliens lors de la « marche du retour » au printemps.

Pressions. L’ambassadrice d’Israël à Paris a écrit une lettre à la présidente de France Télévisions, jeudi 11 octobre. Elle y réclame qu’un reportage d’“Envoyé spécial” sur la bande de Gaza ne soit pas diffusé.

 

L’ambassadrice d’Israël à Paris, Aliza Bin Noun. Photo © EREZ LICHTFELD/SIPA

l’ambassadrice d’Israël à Paris, Aliza Bin Noun, a écrit une lettre à Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, jeudi 11 octobre. Elle y réclamait qu’un reportage d’ « Envoyé spécial » ne soit pas diffusé le lendemain sur France 2. Le document vidéo, intitulé « Gaza : une jeunesse estropiée », a été réalisé auprès de jeunes habitants de la bande de Gaza, beaucoup étant blessés et amputés à la suite de tirs à balles réelles de l’armée israélienne durant les manifestations de la « marche du retour », survenue entre les mois de mars et mai derniers.

Pour appuyer sa demande, l’ambassadrice évoque des « répercutions dommageables et dangereuses » que pourraient avoir ces images sur la communauté juive de France. Elle estime que le reportage présente un « point de vue déséquilibré » et « met […] Israël en avant d’une façon très négative ». Elle ajoute qu’il est « susceptible d’inciter à la haine à l’encontre d’Israël et peut ainsi avoir des répercussions directes, notamment physiques, sur les Français de confession juive ».

Celui-ci filme des familles gazaouies, et de nombreux jeunes, souvent mineurs, venus protester contre Israël dans le cadre de la « Marche du retour » en 2018. La majorité n’est pas armée, mais certains viennent avec des outils pour couper les barbelés qui encerclent la bande de Gaza, des lance-pierres ou des cerfs-volants enflammés. Le reportage témoigne de ce que de nombreux médias ont déjà relayé au printemps : l’armée israélienne tirant systématiquement à balles réelles sur les manifestants, dont certains étaient non-armés et se trouvaient à plusieurs centaines de mètres de la frontière.

Le reportage évoque 180 Palestiniens morts touchés par les tirs israéliens et plus de 5 000 autres blessées depuis le début de la « marche du retour ». Côté israélien, un soldat a perdu la vie.

« Ingérence inédite et inquiétante »

D’autres personnalités ont également vivement critiqué le reportage d’Envoyé spécial. Francis Kalifat, président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), a notamment dénoncé un message de « haine » envers Israël.

La Société des journalistes de la chaîne a, en revanche, tenu à saluer le reportage et sa diffusion.

La rédaction d’Envoyé spécial s’est, elle, dite peu surprise par le jugement porté par les diplomates israéliens sur le reportage. 

Yvan Martinet, journaliste de la rédaction France 2 et auteur du sujet, a déclaré au Monde être « consterné de voir l’ambassade d’Israël interférer dans [leur] ligne éditoriale avant même la diffusion ». « Je n’ai pas une virgule à enlever à ce reportage et je regrette cette tentative d’ingérence inédite et inquiétante de l’ambassade et d’autres instances et personnalités », a-t-il ajouté.

Près de 180 morts et  5000 blessés

Titré Gaza, une jeunesse estropiée et diffusé jeudi soir, le reportage met au jour ce que d’innombrables médias, français et étrangers ont déjà souligné au cours de ces derniers mois : l’usage systématique des balles réelles contre les manifestants, que ceux-ci tentent de franchir la barrière ou qu’ils se tiennent à plusieurs centaines de mètres, pour certains.