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Pascal Pavageau, le numéro un du troisième syndicat français est sous pression après la révélation par le Canard Enchainé, de la tenue d’un fichier occulte sur ses collaborateurs. Muriel Pénicaud, ministre du Travail, s’est dit, ce dimanche, sur France Inter, « choquée et scandalisée » par cette « histoire indigne ».
Fanny Guinochet
Ce lundi, se tient à FO un bureau confédéral. Mais c’est surtout mercredi lors de la réunion de la commission exécutive que va devoir s’expliquer sur la tenue d’un document occulte crée dès 2016 sur les membres du syndicat. Le successeur de Jean-Claude Mailly va devoir aussi rendre des comptes sur sa gestion interne que beaucoup qualifient d’autoritaire. Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, s’est dite, ce dimanche, sur France Inter, « choquée et scandalisée » par cette « histoire indigne ». PASCAL PAVAGEAU, le patron de Force Ouvrière, est dans la tourmente. Depuis mercredi dernier, et la révélation par Le Canard enchaîné de l’existence d’un mémo secret dans lequel plus d’une centaine de responsables de FO ont été fichés et affublés d’annotations du type « niais », « collabo », « franc-maçon » ou même de « trop intelligent pour entrer au bureau confédéral », l’heure est au règlement de comptes. Alors que les syndicats sont les premiers à dénoncer ces pratiques dans les entreprises, les adhérents de FO sont nombreux à estimer ce listing « impardonnable ». Le chef de file de la fédération Force Ouvrière de la métallurgie, Frédéric Homez, – appartenant au camp des réformistes –, a déjà appelé le numéro un du syndicat à la démission.
Aussi, la semaine qui s’ouvre promet-elle d’être compliquée pour Pascal Pavageau. Lundi, se tient un bureau avec les 14 personnalités confédérales, mais c’est surtout mercredi que les choses devraient se tendre. Une commission exécutive est fixée, comme tous les mois. Véritable gouvernement du syndicat, cette instance est composée de 35 membres dont la plupart sont susceptibles d’être mentionnés dans le fameux fichier. « On veut savoir ce qu’il y a sur chacun d’entre nous, et pourquoi nous n’étions pas au courant », explique l’un d’eux, furieux.
« Belle connerie ». Surtout la commission exécutive a les moyens, statutairement, de convoquer un comité confédéral national extraordinaire, pour destituer le secrétaire général. Car aujourd’hui la question est sur toutes les lèvres : Pascal Pavageau peut-il tenir ? Cinq mois après son élection peut-il rester à la tête de FO ? Dans la salle Bothereau, au rez-de-jardin du siège de la confédération avenue du Maine, que va répondre le numéro un de FO ? Le quadragénaire si prolixe d’habitude ne s’exprime plus guère. Sollicité par l’Opinion, Pascal Pavageau n’a pas répondu. Si d’aucuns espèrent une démission de lui-même, peu y croient.
Après la publication par l’hebdomadaire satirique, Pascal Pavageau a cependant reconnu les faits, les qualifiant de « belle connerie » et de « grave erreur ». « Pour moi, c’était un mémo, de l’ordre de la prise de notes, mais je n’avais jamais vu ni avalisé le résultat, qui est truffé d’âneries, de raccourcis », a-t-il expliqué au Canard. Dans une lettre aux adhérents, il a aussi présenté ses excuses pour ce document qui lui a échappé. Et de porter la faute sur deux de ses collaboratrices sans en préciser les noms. Sa directrice de cabinet serait directement visée.
Pascal Pavageau a aussi dénoncé une « tentative de déstabilisation de l’organisation, lancée par quelques détracteurs en interne ». Un scénario du complot classique, qu’avait déjà emprunté – sans grand succès – Thierry Lepaon, l’ancien numéro un de la CGT lorsqu’il avait été accusé d’avoir commandé des travaux onéreux dans le bureau de la centrale de Montreuil, ou encore dans son appartement de fonction.
Pas sûr toutefois que cette ligne de défense suffise à convaincre les cadres de FO. Car cette révélation paraît dans un contexte difficile pour le successeur de Jean-Claude Mailly. En interne, beaucoup contestent la ligne de Pascal Pavageau, très radicale, qui risque de marginaliser FO dans le paysage social.
La gestion de cet ingénieur diplômé des travaux publics est aussi très décriée. Depuis son arrivée en avril dernier, son mandat a été émaillé de démissions, comme celle de Martine Derobert, la secrétaire générale de l’Association de consommateurs de FO, qui a dénoncé dans un courrier un « caporalisme arbitraire ». « Des personnels détachés ont été renvoyés dans leur administration ou entreprise, d’autres sont poussés au départ via des avertissements, des mises au placard, se désole un membre de l’organisation. On est dans du harcèlement moral. » Quelques ruptures conventionnelles auraient été signées ces dernières semaines, alors même que FO dans une résolution, s’est prononcée contre ce dispositif légal. Mercredi, Pascal Pavageau devra plus précisément s’expliquer sur la manière dont deux militants du bureau confédéral sont traités. Cyril Lama et Nathalie Homand estiment être, en effet, dans le collimateur du nouveau dirigeant, et ont demandé à être auditionnés à huis clos par commission exécutive. Du jamais vu.
C’est sans compter aussi, sur la question financière qui empoisonne la centrale. Pascal Pavageau aurait commandité un audit sur les comptes de l’organisation, lorsque Jean-Claude Mailly était aux manettes. Interrogé sur BFM, début octobre, ce dernier dénonce « des mensonges », et s’estime tranquille dans la mesure où les comptes sont publics, certifiés conformes par des commissaires aux comptes. Et Pascal Pavageau n’a pas changé de trésorier. Reste que ce dossier nourrit un peu plus l’hallali mené contre l’ex-secrétaire général. Pascal Pavageau, pourtant seul candidat en lice pour succéder à JeanClaude Mailly, n’avait pas été tendre avec son prédécesseur. Beaucoup ne lui pardonnent pas l’humiliation infligée à celui qui avait tenu quatorze ans la maison FO.
Risque pénal. Enfin, Pascal Pavageau doit faire face à une procédure engagée par la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la Cnil, avec un risque pénal à la clef. Elle a effectué un contrôle, vendredi, au siège de FO.
Faut-il s’attendre à d’autres affaires ? Les rumeurs vont bon train, sur des scandales à venir concernant d’autres fichiers, ou des notes de frais – notamment de taxi –… De quoi affaiblir le syndicat, à l’aube des élections professionnelles dans la fonction publique le 6 décembre. Un scrutin pourtant déterminant pour FO très présente dans l’administration d’Etat.
Si Pascal Pavageau est démis, qui pour le remplacer ? Aucun nom ne se détache, même si plusieurs hypothèses circulent. Frédéric Homez de FO métaux s’est, dès le congrès d’investiture, positionné comme le premier opposant. Mais beaucoup le jugent trop clivant. Le nom de Franck Bergamini, le secrétaire général de l’Union départemental de FO13 à Marseille revient aussi parfois, même s’il est qualifié de trop jeune… Reste une certitude : aujourd’hui, les réformistes, largement mis de côté par la direction, rêvent de reprendre la main. Ils seraient même en train de s’associer avec les trotskistes de l’organisation pour pousser Pascal Pavageau vers la sortie. Son seul soutien se trouve désormais du côté des anarchistes…