Journaliste torturé au consulat saoudien : des détails particulièrement glauques émergent

Étiquettes

, , ,

Ch. Ly.

Des « substances toxiques » et des murs fraîchement repeints étaient ce que les enquêteurs turcs avaient trouvé dans le consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, selon le président turc Recep Tayyip Erdogan. Jeudi, après une fouille de neuf heures, ils sont sortis cette fois-ci de la résidence du consul avec des boîtes.

De nuit comme de jour, la police turque continue d’enquêter sur le meurtre présumé, le 2 octobre, du journaliste Jamal Khashoggi, dont les résultats seront partagés « avec le monde entier », a promis le ministère turc de l’Intérieur.

Si l’on en croit les fuites dans la presse gouvernementale turque, le dossier contre Riyad est accablant. Des images vidéo montrent l’arrivée de quinze hommes à bord de deux jets en provenance d’Arabie saoudite, puis leur départ dans la soirée. Après vérification sur les réseaux sociaux, il en ressort qu’au moins trois colonels, des membres de la garde rapprochée du prince héritier Mohammed Ben Salman (dit « MBS ») et surtout le médecin légiste Mohammed al-Tubaigy faisaient partie de cette équipe, présentée par la presse saoudienne comme de « simples touristes ». Al-Tubaigy dirige l’institut médico-légal du ministère saoudien de l’Intérieur. Ce diplômé de Riyad et de Glasgow est spécialisé dans les autopsies criminelles.

Et puis il y a cette bande audio, dont la Turquie ne révèle pas comment elle l’a obtenue, qui détaillerait comment, après sept minutes de torture, le chroniqueur du Washington Post a été tué : ses doigts coupés, sa tête décapitée, puis le corps démembré par le médecin légiste qui conseille à l’entourage d’écouter comme lui de la musique, casques aux oreilles, pendant qu’il travaille.

Les États-Unis ont réclamé cette bande-son, mais ne l’ont pas obtenue, ce qui pourrait indiquer une volonté de ne pas partager avec son allié de l’Otan une interception illégale de conversations à l’intérieur du consulat saoudien ou de se ménager une marge de manœuvre avec l’Arabie saoudite avec qui les relations sont au plus mal, la Turquie faisant jeu avec le Qatar.

Une heure et 54 minutes après l’arrivée de Khashoggi le 2 octobre au consulat, un van noir s’était ensuite rendu dans le garage de la résidence du consul, à environ 2 km de là.

Dès lors une question se pose : où le corps a-t-il été caché ? A-t-il été dissous dans l’acide ? Caché chez le consul ou ailleurs à Istanbul ? Ramené en Arabie saoudite ? Selon le quotidien Yeni Safak, les policiers étendent leurs recherches à la forêt de Belgrade, le poumon vert d’Istanbul, et à la ferme de Yalova, au sud, où un van utilisé par l’équipe saoudienne a été aperçu.

Sa dernière Opinion au Post

De son côté, le Washington Post a rendu un hommage à son chroniqueur, critique pointu de MBS, en publiant sa dernière contribution. Dans celle-ci, Jamal Khashoggi, installé aux États-Unis depuis 2017, appelle à la liberté de la presse dans le monde arabe, constatant que sa population est « mal informée ou désinformée ». Dépité par l’issue du Printemps arabe, il souligne qu’il reste « quelques oasis » comme le Qatar, propriétaire de la chaîne de télévision Al-Jazeera, où « le gouvernement soutient une couverture des nouvelles internationales, par contraste aux efforts de ses voisins visant à maintenir le contrôle de l’information afin d’appuyer ‘l’ancien ordre arabe’ ».

Proche dans sa jeunesse des Frères musulmans, Khashoggi était avant tout désireux de libérer les Arabes des régimes autoritaires qu’ils subissent. Selon le Post, Riyad avait tenté – comme avec d’autres opposants – de l’attirer en Arabie saoudite en lui assurant argent et sécurité.

http://www.lalibre.be/

Les commentaires sont fermés.