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L’emprisonnement de Raïf Badawi et des militantes pour les droits des femmes ainsi que la crise humanitaire au Yémen n’ont pas réussi ces dernières années à faire bouger la communauté internationale face à l’Arabie saoudite. L’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi par des agents saoudiens, le 2 octobre dernier, a finalement semblé ébranler l’impunité dont jouit depuis trop longtemps le régime saoudien. Malheureusement, la grande majorité des pays tergiversent encore pour sévir, et le Canada est du lot.

Les pays membres du G7 ont bien condamné d’une seule voix le meurtre commis dans le consulat saoudien, mais ils n’ont soufflé mot de possibles sanctions. Ils se sont limités à demander à l’Arabie saoudite, pourtant derrière ce crime, de « mener rapidement une enquête minutieuse, crédible et transparente, en collaborant pleinement avec les autorités turques », et de « prendre des mesures pour qu’une chose pareille ne puisse jamais se reproduire ».

De son côté, le Canada dit « accorder une importance primordiale aux droits de la personne » et être « très préoccupé par le meurtre de Jamal Khashoggi », a indiqué le premier ministre Justin Trudeau jeudi. Et d’ajouter que le Canada travaille avec ses alliés « pour trouver des réponses aux questions » sur l’implication des Saoudiens et qu’il est « en train de réviser actuellement les permis d’exportation vers l’Arabie saoudite ».

Il pourrait les suspendre ou les annuler, répète-t-on, mais l’hésitation d’Ottawa est irritante. L’Allemagne n’a pas attendu pour suspendre ses ventes d’armes au régime saoudien. Les Pays-Bas ont depuis des années un régime très restrictif en ce qui regarde les ventes d’armes à Riyad et ils font pression sur le Conseil européen pour que les États membres adoptent la même attitude.

Rien n’empêche le Canada de suspendre immédiatement les contrats de vente d’armes à l’Arabie saoudite. Et si la défense des droits de la personne est primordiale pour lui, comme le dit M. Trudeau, il devrait aller plus loin et cesser de vendre des armes à un régime reconnu comme un des pires en matière de violation des droits de la personne et qui est devenu notre deuxième client militaire après les États-Unis !

Dès qu’il est question d’annulation, M. Trudeau met des bémols. Il a d’abord dit qu’il en coûterait un milliard pour annuler le contrat de vente de véhicules blindés légers qui défraie la chronique depuis trois ans. Un milliard ? Vraiment ? Et payé à qui ? Il ne l’a pas dit. Jeudi, il montait les enchères, parlant de « milliards » en réponse aux journalistes qui tentaient de savoir s’il s’agissait d’un chiffre lancé en l’air ou du montant exact. Aucun de ses ministres n’a voulu se mouiller, mais personne ne s’est gêné pour blâmer les conservateurs pour le contrat initial.

Le premier ministre invoque une clause de confidentialité pour rester vague, mais si le contrat est annulé, les contribuables en connaîtront le prix puisqu’ils épongeront la facture. Il est inadmissible de ne pas avoir l’heure juste dès maintenant, surtout qu’il est difficile de ne pas être sceptique. Une pénalité d’un milliard pour un contrat de 15 milliards serait excessif. Si c’est le cas, les libéraux doivent expliquer pourquoi ils n’ont pas exigé une correction avant d’accorder les permis demandés. Parce que si les conservateurs ont signé le contrat, ce sont les libéraux qui ont approuvé les permis nécessaires.

Ce contrat fait grincer des dents depuis le début. Depuis deux ans, divers sondages ont démontré qu’une majorité de citoyens désapprouvaient cette transaction. Quelle horreur devra commettre Riyad pour qu’Ottawa bouge enfin ?

De passage à Tout le monde en parle, M. Trudeau a affirmé que la vente d’armes ne passait pas avant les droits de la personne. Il est temps qu’il le prouve.