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Le feuilleton de ces derniers jours sur la taxe d’habitation n’illustre pas seulement les relations schizophréniques entre les Français, les responsables politiques et les impôts. Il souligne aussi l’ambiguïté des rapports qu’entretiennent les collectivités locales et le pouvoir central, sans oublier l’importance de la communication.
Un cas d’école à enseigner ainsi : comment ce qui devait être une bonne nouvelle, la baisse de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages, a failli échouer ; et pourquoi elle va sans doute réussir quand même à s’imposer. L’idée de la baisse de la taxe d’habitation a été lancée par Emmanuel Macron, début 2017, pour relancer une campagne électorale alors en manque de gestes en direction des classes moyennes.
Sur le fond, elle est très discutable parce qu’elle coupe le lien unique qu’ont les habitants d’une commune avec leur maire, ce qui intéresse les premiers et responsabilise le second. Mais ce cadeau a rencontré un succès immédiat et logique s’agissant d’une mesure simple.
Attention ! Simple en réalité à moitié seulement. Car une fois élu, le Président s’est trouvé confronté à deux difficultés. La première de nature constitutionnelle : impossible de supprimer un impôt pour quatre Français sur cinq sans porter atteinte au principe d’égalité. Il a fallu s’engager à étendre à tous la suppression de la taxe. Coût : 8 milliards d’euros qui se rajoutent à 11 milliards. Ensuite, le gouvernement a dû inventer un mécanisme permettant de compenser le manque à gagner pour les collectivités.
Les contribuables heureux ont la joie discrète
Cela fait, la bataille la plus importante restait à venir : convaincre les contribuables que leur pouvoir d’achat allait vraiment augmenter. Biberonnés à la formule d’Alphonse Allais selon laquelle les politiques sont très forts pour « demander moins aux contribuables tout en demandant plus à l’impôt », les Français sont par nature sceptiques. Et c’est là qu’un grain de sable a failli tout casser. Six mille communes ont augmenté leur taxe d’habitation, arguant de la baisse des dotations de l’État.
Sur 35 000, c’est peu : une sur six. Mais cela risquait de brouiller le message gouvernemental sur la première étape de l’allégement fiscal. Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a alors été malin. Il a rendu publique la bonne opération de la ville de Sceaux avec le relèvement de sa taxe. Or, le maire de cette ville des Hauts-de-Seine n’est autre que le secrétaire général de l’Association des maires de France. Des fuites ont aussi concerné, par exemple dans l’Ouest, Cholet et Châteaubriant.
Cette désignation (name and shame, en anglais) a stoppé net, il y a dix jours, la polémique, avant qu’elle dérive avec le stupide #balancetonmaire apparu sur les réseaux sociaux.
Que retenir de cette passe d’arme ? Que les contribuables heureux, les plus nombreux, auront comme toujours la joie discrète. Que le gouvernement, lui, mise beaucoup sur l’augmentation de près de 1 % que constateront les salariés sur leur feuille de paie, à la fin de la semaine, pour enfoncer le clou sur le pouvoir d’achat.
À l’inverse, toutes les victimes de la hausse des taxes d’habitation ou foncière rejoindront la cohorte des retraités pénalisés par le relèvement de la CSG. Tous, ils pourront se consoler avec le mot d’esprit de Jean Yanne : « J’ai essayé de payer mes impôts avec le sourire. Ils préfèrent un chèque. »
