L’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi fait apparaître au grand jour la cruauté de la dictature de l’Arabie saoudite.
Dans l’ombre de cet homme connu, combien de Saoudiennes et de Saoudiens sont victimes de cette barbarie ? « Cet assassinat s’inscrit dans […] une vague de répression à grande échelle contre les défenseurs des droits humains, des avocats, des journalistes, des écrivains et des blogueurs », écrivent les députés européens. Torture, peine de mort, supplices de la charia sont toujours pratiqués dans ce royaume !
Ce crime odieux a suscité un tollé mondial. Sous pression, l’Arabie saoudite a dû reconnaître cet assassinat, perpétré en Turquie, alors qu’elle le niait. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont, ensemble, exigé une « enquête crédible ». Les Nations Unies devraient s’en saisir. Car, « le crime a été prémédité et a impliqué des responsables de l’État », conclut l’experte de l’ONU, Agnès Callamard. Le Parlement européen demande à ses États de se préparer à « imposer des sanctions ciblées » à l’Arabie saoudite.
L’Allemagne et la France : des positions différentes
Mais quand il faut passer à l’action, l’Allemagne et la France ne prennent pas le même chemin.
L’Allemagne, et c’est à son honneur, suspend ses fournitures d’armes à l’Arabie saoudite jusqu’à ce que l’affaire soit éclaircie. De plus, Angela Merkel met la guerre du Yémen dans la balance : « L’Arabie saoudite doit tout faire pour résoudre la situatio[…] au Yémen. Il y a […] des millions de personnes en proie à la faim. Nous sommes témoins de l’une des plus grandes catastrophes humanitaires. »
La France, troisième marchand d’armes au monde, fuit la question en attendant les résultats de l’enquête. Le président de la République a même déclaré : « C’est pure démagogie que de dire d’arrêter de vendre des armes », elles « n’ont rien à voir avec M. Khashoggi… »
Les ventes d’armes
L’Arabie saoudite, premier fournisseur de pétrole, est aussi un gros acheteur d’armes françaises. Il ne faudrait pas qu’une politique soi-disant réaliste l’emporte sur les impératifs du droit humanitaire international ni sur le respect des engagements de la France.
Car la France a signé les traités internationaux régulant les ventes d’armes. Or, ils interdisent de transférer des armes à des pays quand il y a des « risques de violation grave du droit humanitaire international ». (1) Ce qui est le cas : l’Arabie saoudite est à la tête de la coalition qui a bombardé des hôpitaux, des entrepôts de vivres…, provoquant la crise humanitaire dont par Mme Merkel.
« Le prince héritier doit restaurer la dignité de son pays en mettant fin à la cruelle guerre du Yémen », écrivait Jamal Khashoggi dans un récent article qui lui a peut-être coûté la vie. Car ses assassins ont aussi voulu faire taire sa voix à tout jamais. Ce crime devrait faire l’objet d’une enquête indépendante sous l’égide du Conseil de sécurité. La France, qui en est membre, se doit de la promouvoir. Et il est heureux que la France et l’Allemagne aient décidé d’avoir, à l’avenir, une position commune.
Dès à présent, l’humanité nous commande de décréter un embargo sur les ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Alors, Jamal Khashoggi ne sera pas mort en vain.
(1) Mondialisation.ca
