Étiquettes
Une fois les Gilets jaunes mis en perspective historique, demandons:
Qu’est-ce qui va maintenant se passer ? Et surtout : qu’est-ce qui vient après ?
Désormais tout peut arriver, n’importe quoi devient possible, car il n’y a aucune solution solide et sérieuse pour remplacer le néolibéralisme, et trop de gens n’en veulent plus.
Il faudrait imaginer 1° une économie mondiale d’entreprise, plus solidaire mais non socialiste, 2° une culture mondiale de liberté au-delà de l’idéologie libérale, 3° une politique de paix organisant les nations sans les annuler, et enfin 4° une démocratie nationale plus effective mais qui ne tende pas au socialisme.
Cette réforme est mentalement impossible dans le cadre de la pensée postmoderne. Celle-ci d’abord est trop complice du néolibéralisme par sa critique relativiste et libertaire de la raison, de la morale et de la métaphysique. Ensuite, elle empêche trop toute vision d’ensemble et grand récit. La réforme est impossible sans rationalité et normativité contestant l’arbitraire individuel. Nous avons besoin d’un nouvel humanisme synthétisant toute la tradition humaniste antique, moderne, chrétienne.
A défaut, nous pouvons décider de simplement cesser d’évoluer et de revenir en arrière, auquel cas nous nous exposerions à un déclassement rapide et à une vrille de type vénézuélien, sauf que nous n’avons pas encore de Chavez.
Où donc tout cela peut-il aller ? L’immense jacquerie actuelle ne mène à rien qu’à un immense gâchis, s’il n’y a pas d’élites pour la conduire, dotées d’une vision claire et fonctionnelle de l’avenir. La justice est une vertu, une valeur, une idée générale, pas un programme ni une méthode, surtout si la « justice » est affirmée sans morale ni raison fortes. Les partis d’opposition, modérés ou populistes, n’ont pas le début d’un projet sérieux de remplacement du néolibéralisme mondial technocratique. Le psychodrame protestataire devient ainsi une fin en soi et se déploie sans idée directrice ni vision. A lui seul, il ne peut que pourrir et retomber dans la morosité de la désespérance. Pourrait-il s’installer dans une sorte de guérilla nihiliste soft ?
Toutefois certains séditieux ne sont pas dépourvus de vision. Ils ne disparaitront pas. Ils pourront profiter du désordre endémique pour tenter de remettre à l’ordre du jour diverses formules totalitaires, néo-communistes, trotskystes ou islamistes. D’autres peuvent estimer que l’avenir consiste dans la démondialisation radicale : la réorganisation de chaque économie sur une base strictement nationale, autarcique ; le renfermement de chaque nation dans sa propre culture et sa propre population. Il est malheureusement très clair que ce choix ne peut à terme conduire qu’à des dictatures néo-fascistes ou néo-communistes, non pas comme dans le passé, mais sur le mode postmoderne. En l’absence de nouvelle vision sérieuse, telle ou telle de ces tentatives pourrait peut-être avoir quelque chance de réussite, si une main de l’étranger pouvait les pousser. Le recours à l’armée serait-il alors nécessaire ? Nous n’en sommes pas là.
Une base politique beaucoup trop étroite
Le président de la République est en grande difficulté, car il aurait besoin des « conservateurs » (pas seulement des gens qui ont peur des casseurs), et il se les est aliénés par son image de progressiste dogmatique. De plus, le péché originel de sa présidence est le « coup d’Etat légal » qui a volé la présidence aux Républicains. Inutile d’y revenir, mais cela explique en partie sa solitude actuelle. Le président ne retrouvera une base politique minimale que s’il renonce définitivement à tout nouveau délire « sèciétal » pour la durée de ses mandats et remet à plat sa politique européenne, pour la sauver. Sinon, beaucoup jugeront qu’il ne vaut pas la peine de l’empêcher de couler.
Allons-nous vers le « Bruxout » en mai 2019 ?
Aucun de nos pays européens ne fait le poids dans le monde actuel sans la présence des autres, mais virtuellement la majorité d’entre eux ne veut plus du Bruxelles néolibéral. Alors que faire ? Une mise à plat est la seule façon d’éviter ce qu’il faut appeler le Bruxout : autrement dit, l’Europe votant significativement en mai pour sortir de Bruxelles, ou, ce qui revient au même, pour sortir Bruxelles de l’Europe. Et, à terme, le rejet du libéralisme signifiant peu à peu l’établissement de régimes dictatoriaux (version postmoderne).
Le président doit bien se rendre compte que l’Allemagne ne sait pas davantage où elle va et n’est plus un partenaire fiable pour longtemps. Il n’a de toute façon plus aucune autorité ou marge de manœuvre désormais, tant qu’il n’a pas rétabli sa situation à la maison.
Les Italiens ont compris qu’il fallait choisir entre le déficit et la révolution sociale. Dans une telle situation, il faut évidemment opter pour le déficit, mais l’utiliser pour investir massivement dans la création d’emploi, réelle, pas dans les « ateliers nationaux ».
Macron canard boiteux ? Ou alors quel Acte II ?
Chacun peut admettre de bonne foi que personne n’aurait fait ou vraiment mieux ou vraiment pire que Macron, en l’absence de pensée directrice suffisante pour l’avenir. La Constitution ne permet pas aujourd’hui le départ du Chef de l’État et son expulsion de fait inconstitutionnelle par la rue détruirait l’état de droit avec des conséquences incalculables.

Mais si Macron ne fait pas ce qu’il faut, il est condamné à se survivre impuissant pendant encore trois ans et la France à ramer dans le marécage. Le rôle principal du président est d’organiser la recherche d’une pensée commune véritablement innovante, pour trouver les solutions et nous sortir tous du trou.
Le second acte de sa présidence ne peut commencer que par un acte d’humilité. Il doit reconnaître ouvertement qu’il a trop valorisé le néolibéralisme, sous-estimé les difficultés et voulu forcer trop de gens à trop de choses détestées, sans perspective ni contrepartie.
L’acte d’humilité ne suffira jamais sans un acte de conversion de la technocratie à l’humanité. Même s’il n’y a pas de politique sérieuse sans compétence technique, la technocratie est une idéologie désormais haïe, tant elle exclut la chaleur humaine, l’amitié et l’amour, la solidarité naturelle et cordiale vis-à-vis des gens qui ne s’en sortent plus, des familles qui s’endettent et des personnes âgées dans le besoin. Ce peuple a besoin de dirigeants capables d’être authentiquement chaleureux, sans singeries de « communicants ». Qu’ils prennent sincèrement à cœur, comme si c’était les leurs propres, les soucis de pouvoir d’achat et de sécurité pour l’avenir.
Seul un tel acte d’humilité du président et une telle conversion à l’humanité peuvent ouvrir sur un projet de refondation, dont la recherche redonnerait un but commun aux esprits, un sens à sa présidence et qui permettrait d’affronter le problème de fond de notre pays et de l’Europe. Selon certains, on peut redouter que sa présidence soit paralysée, ou même qu’il soit fini à brève échéance. Toutefois, en l’absence de concurrence vraiment crédible, de vision alternative rationnelle et non extrémiste, et surtout à défaut d’un goût soudain des Français pour l’aventure et la violence, ce mouvement risque plutôt de pourrir dans la désespérance. Mais si Emmanuel Macron veut faire plus que survivre en tapant dur, il doit briser son isolement. Il ne semble pas avoir pour cela trente-six solutions