Les mesures annoncées par le président Macron ne semblent pas avoir apaisé le mouvement de contestation qui agite la France depuis quelques semaines. Plusieurs « gilets jaunes » appellent à un « 5e acte », c’est-à-dire une nouvelle journée de mobilisation nationale samedi prochain.
Radio-Canada avec Reuters
D’après le compte rendu de l’AFP, la déception est perceptible un peu partout en France, où des « gilets jaunes » dénoncent la « mascarade », « l’esbroufe », voire la « provocation » du président Emmanuel Macron, dont le discours très attendu n’a pas l’air d’avoir eu l’effet escompté. Outre l’insuffisance des concessions consenties, il lui est reproché d’avoir ignoré les appels pressants pour rétablir l’impôt sur la fortune (ISF), une des revendications phare des frondeurs.
À Saint-André-de-l’Eure, en Normandie, où s’est rendu notre envoyé spécial Sylvain Desjardins, les annonces d’Emmanuel Macron ont eu l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. David Lebouteiller, porte-parole des « gilets jaunes » du coin, ne cache pas sa déception. « La sortie de crise, elle n’est pas pour maintenant », tranche-t-il d’emblée, ne trouvant grâce ni dans la hausse du salaire minimum (SMIC) ni dans la défiscalisation des heures supplémentaires.
« Il n’y a rien qui nous convient, je ne pense pas que ça convient aux « gilets jaunes ». Parce que 100 euros d’augmentation au salaire, 60 euros nets on va dire, ça ne fait pas grand-chose. À la fin du mois, les 60 euros sont déjà partis dans les factures, dans les crédits », explique M. Lebouteiller. Et d’ajouter : « Il [Emmanuel Macron] parle des salariés, c’est bien, mais il ne parle pas des pensionnés, pas des personnes qui sont en intérim, les veuves, ceux qui sont à la retraite, il n’y a pas d’augmentation, rien du tout. »
Non, il n’y a pas que les salariés. Oui, les salariés travaillent, ils méritent quelque chose, mais 60 euros, c’est des miettes de pain.
« Il nous prend pour des abrutis »
En ce qui concerne les heures supplémentaires, « les gens vont en faire plein, ils vont être payés plus, mais ça ne suffit pas », estime le porte-parole, qui ne croit pas non plus que les employeurs vont être enclins à verser des primes de fin d’année à leurs salariés. « Vu que c’est à la bonne foi du patron et que le patron a pas mal de charges à payer, il n’y en aura pas », prédit-il.
« Ça va pénaliser les petits patrons, ça ne va pas pénaliser les grandes entreprises qui font vraiment de l’argent. […] Le petit artisan du coin, il ne peut pas embaucher, parce qu’il est surtaxé. Il ne peut pas augmenter son salarié, parce qu’il est surtaxé », renchérit une femme « gilet jaune ».
Elle fait remarquer qu’« il y a les multinationales, les grosses sociétés qui arrivent à vivre, mais les petits artisans, les petits commerçants, ils n’y arrivent pas, ils ne pourront pas embaucher. C’est ridicule, encore une fois, je suis désolée du terme, mais il [Emmanuel Macron] nous prend vraiment pour des abrutis ».
Une autre intervenante a fait part de sa stupéfaction après avoir écouté le laïus présidentiel. « C’est infernal, comment on peut avoir un président qui s’exprime comme ça en face des Français? », demande-t-elle, déplorant que le président ne parle qu’aux riches.
Plusieurs des « gilets jaunes » rencontrés par notre envoyé spécial à Saint-André-de-l’Eure étaient unanimes pour dire que la mobilisation devait se poursuivre.
« Les gens crèvent de faim »
Même constat chez les « gilets jaunes libres », dont le mouvement est caractérisé par un appel au dialogue. Leur porte-parole, Benjamin Cauchy, est d’avis lui aussi que la mobilisation ne faiblit pas. « Il y aura une continuité du mouvement sans aucun doute. Les assemblées générales vont se réunir et vont pouvoir réfléchir entre eux (sic), à savoir s’il faut ou non faire continuer le mouvement. Mais je vous assure que les premières remontées que nous avons, c’est vraiment de l’insatisfaction de la part des Français », observe-t-il.
Les gens crèvent de faim, ils ont du mal à remplir le frigo, ils ne savent même pas comment le père Noël va mettre des cadeaux sous le sapin d’ici 15 jours. Je peux vous assurer que les Français sont motivés.