Étiquettes

, ,

Que faisait Alexandre Benalla au Tchad peu de temps avant le déplacement officiel d’Emmanuel Macron ? Entre les explications du principal intéressé, la réponse de l’Elysée et les différentes informations de presse qui circulent, LCI.fr fait le point sur cette nouvelle affaire potentiellement embarrassante pour le pouvoir.

Que faisait Alexandre Benalla au Tchad début décembre, trois semaines avant la visite d’Emmanuel Macron ?  Les réponses de l’Elysée et de son ancien collaborateur se contredisent-t-elles ?  Ce jeudi 27 décembre, les questions restent nombreuses autour de cet encombrant voyage d’affaires. Une polémique qui grandit encore après les révélations du Monde sur les activités de l’ex- adjoint au chef de cabinet d’Emmanuel Macron, reconverti dans le « consulting » en Afrique.

Que faisait Alexandre Benalla au Tchad et qui y a-t-il rencontré ?

Alexandre Benalla s’est rendu au Tchad début décembre pour un court séjour dans la capitale du pays, N’Djamena. Accompagné d’une « demi-douzaine de personnes », il y aurait tout d’abord rencontré Oumar Déby, le frère du président, à la tête de la direction générale de la réserve stratégique, selon La lettre du continent, daté du 12 décembre. Une information démentie par son entourage mercredi, qui confiait à LCI que ce n’est pas le frère mais bien le président du Tchad lui-même, Idriss Déby, qu’Alexandre Benalla a rencontré. Selon Le Monde, l’ancien conseillé élyséen s’est entretenu avec les deux hommes.

Quant aux raisons de ce voyage aujourd’hui polémique, Alexandre Benalla assure dans un communiqué s’être rendu dans le pays pour accompagner « une délégation économique étrangère dans le cadre d’investissements qu’ils vont effectuer sur place », mais pas dans les domaines sensibles que sont la pharmaceutique, la défense ou la sécurité, a-t-il précisé à LCI. Un point relativement remis en question par Le Monde qui écrit jeudi matin que la délégation agissait notamment pour Sur International, une société soudanaise de textile. L’objectif du voyage étant de « négocier la vente d’uniformes pour les forces de sécurité camerounaises et tchadiennes et discuter d’investissements au Qatar. » Ambition qui prend tout son sens lorsqu’on sait qu’Oumar Déby gère les commandes d’équipements militaires du pays.

Depuis qu’il a été contraint de quitter ses fonctions en juillet, cet ancien salarié de l’Élysée mis en examen à la suite des événements survenus le 1er mai place de la Contrescarpe à Paris, tente donc de faire carrière dans les affaires internationales. Joint ce mercredi, il nous confie que son quotidien consiste désormais à être « consultant » pour se « reconstruire professionnellement ». « Je suis consultant pour des entreprises qui venaient au Tchad pour monter des usines dans l’industrie qui vont créer 3.000 emplois à N’Djamena », a-t-il ainsi précisé. Cette nouvelle activité le conduit à effectuer des dizaines de déplacements en Afrique ces dernières semaines et à rencontrer plusieurs présidents africains, selon son entourage, dont les noms viennent d’être précisés par Le Monde. Ainsi, il aurait logé à la résidence présidentielle du Congo et dîné avec le chef d’Etat et au Cameroun, l’homme de 27 ans se serait entretenu avec le chef d’état-major et le directeur du cabinet du président de Paul Biya, à la tête du pays depuis 1982.

L’ex-collaborateur de l’Élysée assure toutefois avoir « tenu informé les plus hautes autorités françaises de l’ensemble de [ses] déplacements à l’étranger, et de leur nature. »

Mais au-delà de chefs d’États du continent, l’ancien salarié du palais présidentiel a aussi fait des rencontres plus étonnantes. À commencer par celui qui est désormais son mentor : Philippe Hababou Solomon. C’est le « chef de la délégation » qui aurait pris en charge l’ensemble des frais concernant le voyage, comme le confiait hier Alexandre Benalla. Décrit comme un « discret homme d’affaires franco-israélien » par Le Monde, il est l’ex-conseiller spécial de Jacob Zuma, ancien président sud-africain. Celui qui est désormais devenu conseiller au ministère des affaires étrangères et de la défense de l’émirat du Golfe aurait rencontré Alexandre Benalla en novembre. Il indique au journal l’avoir « pris en apprentissage » car il connaît « les rouages d’un État ». Un nom qui s’ajoute à la longue liste des personnalités rencontrées par l’ancien proche d’Emmanuel Macron, et citées par le quotidien : Vincent Miclet, Marc Francelet, et même Alexandre Djouhri. L’homme d’affaires franco-algérien entendu par la justice française dans le cadre de l’enquête sur le présumé financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy de 2007, aurait bien rencontré Alexandre Benalla, et ce à trois reprises. Des informations qu’Alexandre Benalla avait pourtant démenties.

Que répond l’Élysée?

Interrogé par LCI ce mercredi, le palais présidentiel explique, et ce en opposition avec ce qu’affirme son ancien salarié, n’avoir « jamais été informé par Benalla de ses déplacements ». À l’exception du 20 décembre, « quand il a réalisé que cela avait fini par être su de tous, à l’Élysée comme dans les rédactions. » Le Quai d’Orsay aussi fait savoir qu’il n’avait pas été prévenu.

Des réactions qui n’ont pas attendu le communiqué d’Alexandre Benalla. Ainsi, Emmanuel Macron aurait expliqué au président Idriss Déby, et ce dès son arrivée au Tchad le 22 décembre,  que « cette personne n’était en aucun cas un intermédiaire officieux ou officiel ». Et à la même date, Patrick Strzoda aurait écrit une lettre à son ancien employé. Le Monde a eu accès à cet écrit dans lequel le directeur du cabinet du Président demande fermement qu’il donne « toutes informations pertinentes » sur « d’éventuelles missions personnelles et privées » en tant que consultant. « Nous ne pourrions laisser sans réaction l’existence de relations d’affaires en France ou à l’étranger avec des intérêts privés, tout à fait incompatibles avec vos fonctions (…) et que vous n’avez jamais révélées », écrit ainsi Patrick Strzoda, cité par le quotidien, qui rappelle aussi à Alexandre Benalla qu’il lui est interdit de se prévaloir « d’une quelconque recommandation ou appui tacite de la présidence. »

Pourquoi Alexandre Benalla accuse l’Élysée de « propos diffamatoires »?

Suite aux vives réactions de l’Élysée à son encontre, Alexandre Benalla a fait savoir auprès de LCI qu’il était « choqué » et « scandalisé ». Des propos qu’il juge « irresponsables » et « d’autant plus méprisables qu’il est de notoriété mondiale que [il] n’exerce plus aucune fonction depuis le 1er août 2018. » L’ancien collaborateur accuse même dans le communiqué « certaines personnes » de l’entourage du président de la République de tenir des propos « diffamatoires et calomnieux » pour lesquels il dit avoir d’ores et déjà prévu de saisir le procureur de la République par l’intermédiaire de ses avocats.

Alexandre Benalla accuse des proches du président de vouloir le « salir ». « Je suis continuellement, et depuis le début de cette affaire, harcelé par ces mêmes personnes dont le but ultime est de saccager mes vies familiale et professionnelle », écrit-il ainsi. Une situation qui l’amène à considérer qu’il serait la cible d’un coup monté par « certaines personnes au plus haut sommet de l’état », qui souhaiteraient le « faire taire » ou le « neutraliser ». Et qui le pousse à conclure : « Ça suffit, de vouloir m’accuser de tout et n’importe quoi, je ne me tairai plus. »

Que dit l’opposition?

Du côté de l’extrême gauche et de l’extrême droite, on regrette les non-dits qui continuent d’entourer cet ancien chargé de mission. Sur LCI, Éric Coquerel, député la France Insoumise, estime qu’il faudra « continuer d’enquêter ». « S’il était au Tchad que faisait-il ? », se demande l’élu du 93, trouvant l’offensive d’Alexandre Benalla envers l’Élysée particulièrement « étonnante ». « C’est assez incompréhensible et j’espère que nous aurons un jour la vérité sur cette affaire. »

A l’extrême opposé de l’échiquier politique, on parle même de « baratinage ». « Je pense que Alexandre Benalla n’est visiblement pas sorti de l’orbite élyséen et cela pose un certain nombre de problèmes », estime ainsi Sébastien Chenu. Le porte-parole du Rassemblement national évoquant notamment les « zones d’ombres importantes de cette affaire ».

Cette affaire fait aussi réagir l’UDI qui trouve le communique de l’intéressé « gênant ». Selon Jean-Christophe Lagarde, président des députés UDI, Alexandre Benalla « menace l’Élysée et le président de la République comme s’il avait quelque chose à révéler et ça, c’est très malsain. »

https://www.lci.fr/politique/