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Donald Trump, nouvelle opposition, parti démocrate américain

C’est par un tweet que la mesquinerie présidentielle s’est faufilée. Forcément. Jeudi, le président américain, Donald Trump, a accusé les démocrates, qui cette semaine ont repris le contrôle de la Chambre des représentants à Washington, de s’opposer au financement de son projet de mur entre les États-Unis et le Mexique pour des « raisons strictement politiques ».
Le calcul serait, selon lui et comme toujours, très simple : la nouvelle majorité au Congrès cherche à profiter de cette division pour faire des gains en prévision des élections de 2020, a-t-il indiqué sur son réseau préféré, en soulignant que, sur la base de ses réalisations passées, les démocrates savent qu’ils n’ont « aucune chance de gagner ». CQFD.
Alors que le blocage budgétaire se poursuit, avec comme point d’achoppement le financement de ce mur promis par Trump à ses électeurs lors de la dernière campagne électorale, le commentaire cinglant du président était prévisible. Il cristallise également le ton d’une présidence américaine atypique qui, depuis jeudi, est entrée dans une nouvelle phase avec l’assermentation du 116e Congrès des États-Unis.
Après huit années passées dans l’opposition, les élus du Parti démocrate y redeviennent en effet la force majoritaire, sous la présidence de Nancy Pelosi qui, à 78 ans, renoue avec ce rôle qu’elle a joué entre 2007 et 2010. Une reconfiguration des forces politiques qui, loin d’apaiser les divisions dans un pays déchiré sur les enjeux de son présent, pourrait bien venir les amplifier.
« Avec l’augmentation des incertitudes et des comportements imprévisibles au sein du pouvoir exécutif », le rôle du Congrès n’en devient que plus important, a résumé cette semaine l’ex-secrétaire à l’Agriculture sous le gouvernement Clinton, Dan Glickman, dans les pages du quotidien politique The Hill. « Tant les démocrates que les républicains devront ne pas se laisser distraire par les excès du président, particulièrement sur les questions militaires, de politique étrangère, d’accords commerciaux ou d’immigration », a-t-il insisté en rappelant que la Maison-Blanche devait désormais se comporter avec plus de maturité et en précisant que le Congrès devait l’aider à le faire.
Tant les démocrates que les républicains devront ne pas se laisser distraire par les excès du président
Opposition singulière
L’appel au calme n’est pas chose nouvelle. Mais il risque de se heurter à la réalité de cette nouvelle opposition à Donald Trump. Sa présidence, avec ce 116e Congrès des États-Unis, est entrée cette semaine dans une ère singulière avec une majorité démocrate, certes, mais aussi avec de nouveaux visages et surtout une énergie nouvelle portée au pouvoir en novembre dernier par les électeurs : 102 femmes ont fait leur entrée dans ce haut lieu du pouvoir législatif cette semaine. Un record. Trente-cinq d’entre elles ont été élues pour la première fois.
Les portes du Capitole ont été ouvertes aux deux premières députées issues des Premières Nations, Sharice Davids et Debra Haaland, aux deux premières femmes de confession musulmane, Ilhan Omar et Rashida Tlaib, ainsi qu’à la plus jeune femme élue à ce jour, Alexandria Ocasio-Cortez, qui, à 29 ans, va représenter New York au Congrès.
De l’autre côté de la frontière, les analystes ont été nombreux à le souligner : la Chambre des représentants est depuis jeudi la plus progressiste et la plus diversifiée de l’histoire américaine. Et elle se retrouve désormais en face d’un pouvoir exécutif et d’une Maison-Blanche qui depuis deux ans incarnent tout le contraire, et devrait trouver dans les dossiers qui se profilent sur les tables de tous les élus matière aux divisions que le président aime entretenir.
C’est qu’en contrôlant les débats et l’ordre du jour, les démocrates se préparent à changer par le fait même l’ordre des priorités, en profitant entre autres de leur majorité pour donner plus de tonus aux enquêtes sur les liens troubles entre Donald Trump et la Russie, mais aussi entre les affaires de l’homme et celles de l’État. La Chambre devrait forcer également le président à dévoiler le contenu de ses déclarations de revenus, alors qu’il est le premier président à ne pas l’avoir fait.
Destitution incertaine
Sur la question de la destitution de Donald Trump, que l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence russe dans la campagne électorale pourrait venir alimenter, Nancy Pelosi s’est montrée toutefois un peu plus modérée en rappelant qu’une collaboration entre les partis démocrate et républicain devrait être nécessaire au sein de la Chambre et du Sénat pour déclencher cette procédure que souhaite vivement la frange la plus libérale des représentants démocrates.
Une fois la crise budgétaire surmontée, un grand nombre de projets de loi sur des sujets que ni Donald Trump ni les républicains ne voient dans leurs soupes devraient faire apparaître les points de friction entre l’exécutif et le législatif, à commencer par celui visant à resserrer la réglementation autour de l’accès aux armes à feu. Sous la houlette de l’élue démocrate de Floride Debbie Wasserman, le Congrès pourrait bien faire revivre ce projet de loi, défendu par Barack Obama en 2013 après la tuerie de l’école secondaire de Sandy Hook au Connecticut, et qui cherche à renforcer de manière universelle l’évaluation psychiatrique des acheteurs d’armes à feu tout comme celle de leurs antécédents criminels.
Autre point de tension : la stabilisation de la Loi sur les soins de santé abordables, pièce maîtresse de l’Obamacare, malmenée depuis deux ans par les courants conservateurs et la présidence de Donald Trump et que les démocrates ont promis de remettre à l’ordre du jour. Cette loi fait actuellement face à une poursuite devant les tribunaux pour être déclarée anticonstitutionnelle. Elle avait été soutenue par Nancy Pelosi lors de sa dernière présidence du Congrès. Et la Maison-Blanche devrait se montrer réticente à tout compromis.
Vers la présidentielle de 2020
Enfin, le Parti démocrate va devoir serrer les rangs et éviter les trop grandes divisions autour du « New Deal vert » que souhaite faire avancer devant les élus du peuple la jeune représentante Alexandria Ocasio-Cortez afin d’établir un cadre législatif plus sévère et cohérent pour une réelle lutte contre les changements climatiques. Un sujet qui oppose autant la droite et la gauche aux États-Unis que des factions au sein du parti désormais majoritaire à la Chambre des représentants.
Un parti qui va devoir se méfier malgré tout des oppositions stériles et des « caprices » présidentiels pour réussir à s’imposer, comme il le souhaite, durant les deux prochaines années, comme le parti de la raison face à un président qui depuis deux ans a largement déplacé les frontières symboliques autour de la fonction qu’il occupe. Et ce, pour faire émerger les figures capables de faire face à Donald Trump lors du prochain scrutin en 2020 et redonner les clefs du Bureau ovale aux démocrates.
Une présidence sur la sellette
En reprenant le contrôle de la Chambre des représentants, les démocrates reprennent aussi le contrôle de plusieurs commissions dont les pouvoirs d’enquête risquent de mettre la présidence de Donald Trump sur la sellette en ramenant sur le devant de la scène des « affaires » qu’il avait jusque-là bien pris la peine de cacher. Que vont-ils chercher à éclairer en forçant des témoins à se présenter devant les élus ?
L’utilisation de courriels privés par des membres du gouvernement Trump pour gérer des dossiers gouvernementaux.
Les liens d’affaires de Jared Kushner avec des gouvernements étrangers, mais aussi l’habilité en matière de sécurité qui lui a été accordée, donnant au gendre de Trump l’accès à une batterie de documents secrets, contre l’avis d’experts en sécurité nationale.
L’impact sur les enfants de la politique de séparation des familles imposée par Trump aux migrants.
Les tentatives de minage par le gouvernement Trump de la Loi sur les soins de santé abordables et comment l’influence des pharmaceutiques au plus haut sommet de l’État menace les programmes de réduction des prix des médicaments.
Comment Donald Trump a dépensé des millions en dons lors de la cérémonie d’investiture présidentielle et comment l’ex-avocat de Trump, Michael Cohen, a perçu des dons d’AT&T en échange de faveurs du nouveau gouvernement.