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Dans le bras de fer qui l’oppose au parquet de Tokyo, Carlos Ghosn cherche à reprendre l’initiative. L’ancien dirigeant de Nissan et de Mitsubishi a donc profité de sa première apparition publique depuis son arrestation le 19 novembre pour déplorer d’être « faussement accusé et détenu de manière injuste ».

Le patron de Renault et ancien président de Nissan et de Mitsubishi, Carlos Ghosn, a eu recours à une procédure rare (utilisée par seul 0,6% des accusés en 2017). Basée sur l’article 34 de la constitution, elle permet à tout gardé à vue d’obtenir une audience publique pour connaître les motifs de son arrestation. Le juge n’a légalement pas pu la refuser, mais les procureurs du bureau d’enquête spéciale du parquet de Tokyo n’étaient pas obligés d’y assister.

Motonari Otsuru, l’avocat principal de Carlos Ghosn.

Carlos Ghosn s’est présenté à 10h30, heure locale, devant la chambre d’instruction 425 du tribunal de Tokyo. Débarrassé des menottes qui l’entravaient à l’entrée de l’austère salle aux murs beiges et de bois clair, il avait choisi d’apparaître en costume sombre. Amaigri de neuf kilos, il a lu une présentation d’une dizaine de minutes dans laquelle il a clamé son innocence, expliquant « avoir agi avec honneur, légalement et avec la connaissance et l’approbation des dirigeants de la compagnie ». Il a rappelé qu’il avait consacré deux décennies de sa vie « à relever Nissan et bâtir l’alliance », une entreprise qu’il dit aimer.

« Votre Honneur, je suis innocent des accusations proférées à mon encontre. J’ai toujours agi avec intégrité et je n’ai jamais été accusé d’avoir mal agi au cours de ma carrière professionnelle de plusieurs décennies. »

Carlos Ghosn

Le juge a de son côté expliqué que le maintien en détention était justifié par la crainte d’une fuite du suspect ou de le voir détruire des preuves, un argument classique des enquêteurs japonais pour justifier un maintien derrière les barreaux.

Le choix de Ghosn d’intervenir publiquement pour clamer son innocence tient au fonctionnement de la justice japonaise. Pendant une garde à vue, le suspect ne sait pas dans le détail pourquoi il est détenu. Les informations sont distillées peu à peu par les enquêteurs au fil des interrogatoires quotidiens, réalisés hors la présence d’un avocat.

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Carlos Ghosn a été arrêté trois fois:

  • La première était pour avoir minoré ses déclarations de revenus aux autorités boursières japonaises entre 2010 et 2015, des faits pour lesquels il a été mis en examen.
  • La deuxième, le 10 décembre, pour un motif similaire, mais entre 2015 et 2018.
  • La troisième le 21 décembre pour « abus de confiance aggravé ». Il aurait imputé à Nissan des pertes réalisées dans le cadre de placements personnels.
« La présomption d’innocence doit absolument être respectée. Le plus important aujourd’hui c’est que cette présomption d’innocence soit respectée et qu’on veille à l’alliance Renault-Nissan. Il y a beaucoup d’emplois à la clef, il y a beaucoup de sujets économiques et sociaux. »

Muriel Pénicaudé
Ministre française du Travail

Depuis le début de l’affaire, les révélations circulent abondamment dans la presse sur ses malversations présumées. Elles seraient alimentées soit directement par Nissan, qui est à l’origine de l’arrestation de son ex-patron, soit directement par le Parquet. Elles tendent à noircir l’image du patron qui aurait choisi d’intervenir publiquement pour présenter lui-même sa défense et tenter de restaurer quelque peu son image. Ses enfants ont de leur côté accordé des interviews à différents médias, le New York Times pour ses filles, le Journal du dimanche pour son fils.

Première audience publique de Carlos Ghosn au Tribunal de Tokyo.

Cette stratégie sera-t-elle payante? La nouvelle garde à vue de Carlos Ghosn se termine le 11 janvier. Il peut ensuite:

– soit être une nouvelle fois mis en examen
– soit être arrêté pour d’autres faits
– soit être maintenu en détention en attendant son procès
– soit être libéré sous caution

Son offensive médiatique pourrait avoir mécontenté les procureurs chargés de l’enquête. En quête d’aveux, ils se heurtent à une vive résistance de Carlos Ghosn. Pas de quoi les inciter à la clémence.

L’avocat de Ghosn va demander sa libération

Pour l’avocat de Carlos Ghosn, Motonari Otsuru, une chose est claire: il n’y a aucune raison de détenir son client. À l’issue de la première audience publique devant le tribunal de Tokyo, il a ainsi déclaré qu’il allait soumettre aujourd’hui une demande pour mettre fin à la détention du patron automobile. Il reconnaît toutefois qu’il y a une possibilité de voir Ghosn inculpé ce vendredi.

Il a aussi démenti des rumeurs selon lesquelles les procureurs auraient demandé à son client de signer une confession en japonais.

Sur le fond, Me Otsuru déclare que Nissan, les banques et Carlos Ghosn s’étaient tous mis d’accord sur le transfert des contrats. Que ces transferts avaient été conditionnés à ce que toute perte ou tout gain incombe à Ghosn.

Enfin, il indique n’avoir pas été autorisé à consulter les comptes-rendus des conseils de Nissan sur la rémunération; Nissan qui affirme par ailleurs qu’une enquête interne a permis de mettre au jour des preuves substantielles et convaincantes de fautes commises par son ancien président.

 

Source: L’Echo.be