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L’ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum, quittera ses fonctions à la demande de Justin Trudeau.
Photo: Paul Chiasson La Presse canadienne L’ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum, quittera ses fonctions à la demande de Justin Trudeau.
Delphine Jung

Justin Trudeau a demandé et a accepté, samedi, la démission de l’ambassadeur du Canada en Chine, John McCallum, au cœur d’une polémique depuis quelques jours. Ce congédiement survient alors que le Canada traverse l’une des pires crises diplomatiques de son histoire avec la Chine.

Le premier ministre n’a pas donné de raison précise sur les motivations du renvoi de M. McCallum. « Pendant près de vingt ans, John McCallum a servi les Canadiens avec honneur et distinction. Je le remercie, ainsi que sa famille, pour ses nombreuses années de service », est-il écrit dans le communiqué qui en fait l’annonce.

Cet événement arrive « à un bien mauvais moment », explique Guy Saint-Jacques, le prédécesseur de John McCallum à Pékin. « C’est la première fois qu’il y a un problème bilatéral entre les deux pays aussi important, d’autant plus que le processus pour lui trouver un successeur risque de prendre du temps », a-t-il commenté lors d’une entrevue téléphonique.

M. Saint-Jacques estime toutefois que Justin Trudeau « a pris la bonne décision », même s’il se dit désolé pour M. McCallum.

John McCallum a affirmé mardi soir que Meng Wanzhou, la directrice financière du géant technologique chinois Huawei, avait de bons arguments à faire valoir contre son extradition aux États-Unis.

Ce commentaire a mis le feu aux poudres. Le chef de l’opposition, Andrew Scheer, a tout de suite appelé à son congédiement, ce que Justin Trudeau avait aors refusé de faire.

Jeudi à 17 h, M. McCallum a publié un communiqué dans lequel il a soutenu que ses mots avaient dépassé sa pensée. Il s’est dit désolé que ses commentaires « aient semé la confusion ».

Puis, vendredi, le désormais ex-ambassadeur en a rajouté une couche, à Vancouver, où il était de passage pour rassurer la communauté sino-canadienne. M. McCallum a alors avancé que « du point de vue du Canada, si [les États-Unis] abandonnaient la demande d’extradition, ce serait bien pour le Canada ».

Finalement, vendredi soir, il a accepté de démissionner. C’est Jim Nickel, chef de mission adjoint à l’ambassade du Canada à Pékin, qui prend maintenant le relais en tant que chargé d’affaires.

Samedi, Andrew Scheer a déploré que cette décision n’ait pas été prise plus tôt. « Justin Trudeau aurait dû exercer son leadership sur ce dossier et mettre l’ambassadeur à la porte il y a plusieurs jours. Il a continué de [mettre à mal] notre réputation sur ce dossier », a déclaré le chef des conservateurs en entrevue à CBC.

Son député Pierre-Paul Hus avait estimé, quelques minutes plus tôt sur les ondes d’ICI RDI, que « depuis le début », M. McCallum « n’était pas l’homme de la situation ».

Pas un diplomate de carrière

Guy Saint-Jacques, pour sa part, ne comprend toujours pas les multiples faux pas de M. McCallum, qu’il qualifie d’« erreurs de débutant ».

« Il aurait dû faire preuve d’un peu plus de retenue, car une fois qu’il s’est immiscé dans le processus judicaire, cela a envoyé un message de confusion; on s’est demandé s’il parlait au nom du gouvernement. Après s’être excusé jeudi, je ne comprends pas pourquoi il a renchéri vendredi, alors qu’il s’était déjà fait rabrouer », explique l’ex-diplomate de carrière.

Nommé par Justin Trudeau au poste d’ambassadeur en Chine, M. McCallum ne possédait aucune expérience dans un tel poste auparavant. Il avait toutefois occupé divers poste de ministre au sein du cabinet à Ottawa, notamment à la Défense nationale, aux Anciens Combattants et à l’Immigration, à l’apogée des efforts de réinstallation des réfugiés syriens.

Généralement, rappelle M. Saint-Jacques, les ambassadeurs ont une formation en amont, avant d’entrer en poste.

J’ai toujours dit qu’il y avait des avantages énormes à nommer un diplomate de carrière, qui parle la langue et connaît la culture [du pays]. M. McCallum avait effectué quelques voyages en Chine, mais il n’en avait pas une très bonne connaissance.

Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine

L’affaire Huawei

Meng Wanzhou porte une oreillette et regarde vers sa droite. La directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, a été arrêtée le 1er décembre 2018 lors d’une escale à l’aéroport de Vancouver. Photo : Reuters / Alexander Bibik

Mme Wanzhou a été arrêtée à Vancouver le 1er décembre en vertu d’un mandat américain.

Elle fait l’objet d’une demande d’extradition de la part des États-Unis, qui la soupçonnent d’avoir cherché à contourner, au moyen d’une filiale, les sanctions commerciales imposées à l’Iran.

Depuis son arrestation, qualifiée de « trahison » par l’ambassadeur de Chine au Canada, les relations entre Pékin et Ottawa se sont détériorées.

Deux ressortissants canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, ont notamment été arrêtés par les autorités chinoises.

Si aucun des deux pays n’a formellement associé les deux événements, de nombreux experts ont peu de doute sur leur lien.

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