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En 2015, près de 1,4 millions de demandes d’asile ont été déposées en Europe, puis 1,2 millions en 2016. Si les flux ont diminué depuis, cette crise a donné à voir les insuffisances des outils juridiques européens en matière de gestion des demandeurs d’asile.

Sauver le droit d asile - crise

Le droit d’asile dans l’Union européenne est en danger.

Dans ce contexte, l’Institut Montaigne et Terra Nova appellent à une refonte de la politique européenne de l’asile et à une réponse rapide et solidaire à l’urgence humanitaire en Méditerranée.

« Notre exigence commune est de marier le plus étroitement possible humanisme et réalisme, dignité et efficacité, afin de sortir d’un jeu politique pervers où ceux qui formulent des promesses toujours plus nombreuses de fermeté, voire de fermeture, se rendent en réalité complices du plus grand désordre et d’un sourd reniement. Une approche plus rationnelle et un peu de courage politique permettraient de corriger les dysfonctionnements identifiés dans notre rapport. »

Thierry Pech, directeur général de Terra Nova,
Jean-Paul Tran Thiet, Senior Fellow à l’Institut Montaigne et fondateur de JPTT & Partners
et Jean-François Rial, membre de Terra Nova et de l’Institut Montaigne et président de Voyageurs du Monde,
tous trois auteurs du rapport Sauver le droit d’asile.

La loterie de l’asile

Bien que tous les Etats membres appliquent la même convention de Genève, il existe de grandes disparités dans l’octroi du droit d’asile entre vingt-sept pays européens.

Sauver le droit d asile - loterie

On remarque que ce taux varie fortement entre pays, mais également qu’au sein même d’un pays il n’est pas stable dans le temps. S’agissant par exemple des demandeurs d’asile afghans en Allemagne, le rejet est ainsi passé de 27 % en 2015, à 53 % en 2017.

Au total, 61 % des demandes d’asile déposées en 2017 dans les 28 Etats de l’Union ont abouti à une décision positive. Cependant, en Hongrie le taux de rejet atteint 90 %, alors qu’il n’est que de 30 % dans les Pays-Bas ou en Allemagne.

La situation est telle que l’on peut parler d’une véritable « loterie de l’asile » en Europe !

es solutions pour diminuer les entrées

Le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, à la tête d’un gouvernement de coalition populiste a proposé en 2018 une série de mesures visant à renforcer le contrôle des frontières extérieures de l’UE. Selon lui, en réduisant les flux en amont – c’est à dire les entrées sur le territoire européen -, nous réduirons les flux en aval et ainsi les problèmes de circulation de migrants entre Etats européens.

Dans cette même logique, en mars 2016, l’UE a conclu un accord avec la Turquie afin que cette dernière mette notamment fin aux passages clandestins sur son territoire en direction de l’Union, en contrepartie de versements financiers (trois milliards d’euros pour 2016 et 2017, puis un même montant pour 2018 et 2019). En février 2017, l’Union est également tombée d’accord pour verser 200 millions d’euros à la Libye, notamment pour permettre au pays de mieux équiper ses garde-côtes.

Toujours dans cette logique, la Commission a proposé en 2016 d’adopter un nouveau règlement qui imposerait aux Etats membres de procéder à un examen préalable de recevabilité des demandes d’asile avant le démarrage de l’instruction. Les demandes des personnes ayant séjourné dans un « pays tiers sûr » avant de rejoindre l’UE seraient irrecevables.

Limites de ces solutions 

Peut-on externaliser la gestion de migrants voulant rejoindre notre territoire à des pays tiers – parfois dans des conditions déplorables – alors que certains seraient éligibles à une protection en Europe ?

  • S’agit-il de solutions viables sur le long terme ? Certains pays pourraient vite être débordés par l’arrivée de migrants. De plus, tous ne parviendront pas à assurer l’étanchéité de leurs frontières comme le fait la Turquie.
  • Peut-on à ce point tordre l’esprit de la Convention de Genève ? L’HCR a récemment rappelé qu’en vertu de l’article 35 de la Convention « l’asile ne peut être refusé uniquement pour le motif qu’il aurait pu être demandé à un autre Etat. »
  • Est-ce viable pour l’Europe que de se placer dans une telle position de dépendance ? D’ores et déjà, les revendications d’Ankara vont grandissantes.

Les solutions pour répartir la charge entre les Etats membres

En 2015, face à un afflux record de migrants sur le territoire de l’Union, la Commission a proposé au Conseil la mise en place d’un mécanisme provisoire de relocalisation des demandeurs d’asile entre les différents Etats membres, à la fois automatique et contraignant. Cela afin de répartir 160 000 personnes présentes en Italie, Grèce ou Hongrie, « ayant manifestement besoin d’une protection internationale ».

Le Conseil a par la suite validé cette proposition, s’agissant de 120 000 personnes présentes en Italie et en Grèce. En mai 2018, la Commission a publié une analyse de la mise en oeuvre de ce dispositif, indiquant que seul 35 % des migrants avaient été relocalisés. Cela s’explique en partie par le refus de certains pays de mettre en oeuvre ce plan, la Hongrie et la Pologne n’ayant relocalisé aucun migrant. En 2017, la Commission a ouvert une procédure d’infraction contre ces pays et la Slovaquie, pour non respect des conclusions du Conseil.

Face à ces blocages et à l’urgence de la situation, il est urgent de réformer en profondeur le système européen de l’asile.

Que faut-il faire pour réformer la politique européenne du droit d’asile ?

Depuis 2015, les Etats membres peinent à tomber d’accord sur une solution pour répondre à la crise des réfugiés. L’Union européenne est face à un dilemme toxique. Les pays de première ligne voient le règlement de Dublin comme une contrainte qui concentre massivement sur eux la charge des flux migratoires. Les pays de deuxième ligne s’y accrochent comme à la garantie, non seulement d’une responsabilisation des pays de première ligne sur la gestion de leurs frontières, mais aussi d’une sorte de frontière interne entre eux et les pays méditerranéens

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