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En Haute-Vienne, les partis politiques sont désemparés par le climat social

Limoges, 2 février 2019. © SALLAUD Thierry

Florence Clavaud-Parant

En Haute-Vienne comme ailleurs, ils croisent les doigts en attendant que la crise passe. Mais alors que le champ de la contestation semblent leur échapper, les responsables des Républicains, des Socialistes, des “Insoumis” et même des élus “Marcheurs” – plus novices en politique – ont du mal à cacher leurs doutes face à des événements sociaux dont ils ignorent l’issue et la traduction politique…

Au-delà d’une rhétorique habituelle qui veut qu’en politique, on n’avoue jamais publiquement que l’on est pessimiste, l’inquiétude a gagné tous les partis.

En Haute-Vienne, où les réunions et débats se multiplient dans un contexte certes relativement apaisé, mais  marqué par un rejet implicite de la représentation du pouvoir et des institutions en place, les formations traditionnelles peuvent-elles encore être considérées comme un repère fiable ? Et surtout, l’issue de ce conflit inédit passe-t-elle par les partis ? A droite comme à gauche, on l’espère encore…

1. À droite, les Républicains cultivent l’autocritique et espèrent un retournement de situation favorable

«  Il y a un sentiment de défiance indéniable », reconnaît le président des LR Haute-Vienne, Guillaume Guérin. Premier adjoint au maire de Limoges, fidèle à la ligne Wauquiez, il décrit un mouvement des Gilets jaunes d’abord basé  sur un ras-le-bol fiscal, puis progressivement infiltré par des Black blocs et des militants d’extrême droite, même si la Haute-Vienne semble peu touchée par le phénomène.

« La plupart des premiers Gilets jaunes sont rentrés car Macron a fini par tout lâcher. Maintenant, la contestation prend un autre visage.  La théorie du complot, le coup d’Etat vu par Chalençon… il faut arrêter ce délire  », poursuit l’élu républicain qui, s’il dit n’essuyer aucune attaque personnelle, n’en admet pas moins  percevoir un climat inquiétant. « Les gens ont de moins en moins de repères et la parole se libère, mais elle se libère mal. »

L’heure est donc à l’autocritique… « Ma famille politique a longtemps été aux manettes, on a parfois bien géré, parfois moins bien. On est le seul parti qui a perdu deux élections présidentielles de suite… », reconnaît l’élu qui se dit persuadé que « Macron ne sera qu’une courte parenthèse ».

Mais pour  Guillaume Guérin, une nécessaire remise en question ne se conçoit que dans une stratégie de reconquête, laquelle implique évidement de balayer une gauche fragilisée. « On ne va pas se mentir : les catégories socio-professionnelles supérieures sont parties chez Macron et notre électorat de base est parti chez Le Pen. Or, si l’on regarde histoire de l’Europe, à chaque fois qu’il y eu un épisode de social-démocratie, l’extrême-droite a suivi. La droite républicaine doit d’urgence se refaire une santé pour éviter un drame… »

2. À gauche, les socialistes, en quête d’une nouvelle unité, craignent une explosion sociale

«  Je n’ai pas une longue expérience en politique, mais je n’ai jamais vu une telle crispation » , constate Gulsen Yildirim. Enseignante à l’université de Limoges, élue au conseil départemental, cette spécialiste de droit privé, qui a pris les rênes de la fédération  socialiste de Haute-Vienne en pleine tourmente, en mars 2018, déplore une situation politique et sociale « inédite et inquiétante ».

« On n’en est pas directement la cible, mais on ressent nous aussi de plus en plus ce discours qui tend vers les amalgames dans une logique du “tous pourris”. Emmanuel Macron a une vraie responsabilité : sa manière d’appréhender sa fonction, sa façon hautaine de s’adresser aux Français. La suppression de l’ISF n’est pas que symbolique, c’est un geste qui restera sans doute comme la plus grande maladresse de son quinquennat… »

Si elle dit voir dans la genèse des Gilets jaunes « un mouvement extrêmement sincère, parfois fait de souffrance et de misère qui s’expriment enfin », Gulsen Yildirim avoue pour l’heure son impuissance face à une somme de doléances faites avant tout de demandes individuelles.

« C’est à Emmanuel Macron de faire de vraies propositions et de veiller à ne pas faire du grand débat un simple calcul politicien. Pour notre part, nous devons répondre à un objectif : tenter de restaurer l’unité à gauche, car ce sont nos valeurs de solidarité, si on se rencentre enfin autour d’elles, qui peuvent nous sauver. Et c’est pour cela qu’on réfléchit encore à notre tête de liste pour les Européennes. Mais en attendant, L’instant de vérité sera celui des urnes… »

3. À gauche (bis), la France insoumise se rassure en rêvant de reprendre le flambeau

Il ne suffit pas de jeter un regard bienveillant sur le mouvement des Gilets jaunes, encore faut-il le synthétiser en combat politique, convient à demi-mot Pierre-Edouard Pialat, l’un des porte-parole de la France insoumise en Haute-Vienne et candidat aux Européennes. Visiblement, ce n’est pas encore gagné… «  Sur les marchés, on voit bien que parfois, les gens nous rejettent un peu en tant que représentants d’un parti politique. Mais lorsqu’on discute, ils s’aperçoivent très vite que les revendications sociales que l’on entend actuellement correspondent à 70 % de notre programme. » Depuis quelques semaines, les militants FI se sont donc lancés dans un inlassable travail de terrain. Celui-ci sera-t-il payant ? Pierre-Edouard Pialat veut y croire, mais… « le fonctionnemnt oligarchique et la langue de bois des partis comme le PS, LR et LREM ont fait des dégâts. L’abstention sera l’un de nos principaux ennemis. »

4. Chez LREM, on prône le débat pour éviter la rupture

« Le débat ne va pas s’arrêter le 15 mars », promet Marie-Ange Magne, la députée  de la 3e circonscription de Haute-Vienne. L’élue LREM, novice en politique, admet qu’elle ne s’attendait pas à vivre un tel contexte lorsqu’elle a décidé, il y a moins de deux ans, de briguer pour la première fois les suffrages des électeurs…

Elle ne cache pas avoir été un peu désemparée par un climat qu’elle n’avait pas prévu. « Je crois que notre défaut, c’est d’avoir mal communiqué. On a voulu aller vite dans une société ultramédiatisée. la fiscalité sur le carburant est peut-être une mesure de trop, surtout sur un territoire comme le nôtre. Maintenant, il est urgent de dialoguer et le plus possible, avec le terrain. Nous devons très vite donner du sens à notre politique. »

 

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