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Stanislas Guerini a fait connaître dimanche les propositions de La République en Marche pour le grand débat. Ce faisant, il donne selon Arnaud Benedetti une certaine autonomie au parti présidentiel, qui jusque-là vivait dans l’ombre du chef de l’État.
Arnaud Benedetti est professeur associé à l’Université Paris-Sorbonne.
Comment sortir du grand débat? C’est à cette question que s’est efforcé de répondre le jeune secrétaire général de La République en Marche, en proposant quelques pistes dont il s’est empressé de préciser qu’elles ne constituaient que des propositions à débattre.
Par-delà les solutions envisagées, l’initiative de Stanislas Guerini dit d’abord toute la difficulté du parti majoritaire à trouver sa juste place dans la galaxie macroniste. Comment exister en tant que parti, même majoritaire, dans un univers qui s’est bâti implicitement contre cette forme politique, emblématique du «vieux monde» renversé en 2017? Les marcheurs ont dessiné un imaginaire ambigu: leur vélocité apparente ne se satisfaisait pas de la lourdeur partisane, à laquelle ils reprochaient son conservatisme ; dans le même temps, ils renouaient avec un mythe encore plus ancien que celui du parti, celui de l’entreprise politique, dont Max Weber avait compris avant tout le monde qu’elle participait à la professionnalisation de l’espace démocratique.
Tout procédait d’un individu, investi d’une aura d’énergie frôlant la force de la magie.
Les marcheurs étaient ralliés à un homme, un leader providentiel, un chef en quelque sorte à qui ils devaient tout. Il leur fallait un chef, ils s’en donnèrent un et ce fut une marque, à défaut d’être un tribun romain ou un guerrier cicatrisé. Aussi inspiré qu’inspirant à leurs yeux, ce dernier portait un langage qui, sous couvert de renouveau, en appelait à une mémoire ancestrale. Tout procédait d’un individu, investi d’une aura d’énergie frôlant la force de la magie. Macron réinventait la providence incarnée. Mais à la différence d’un De Gaulle ou d’un Bonaparte brûlés par les mèches de l’histoire, le jeune audacieux avait fabriqué de toutes pièces une nouvelle formation à l’apparence démocratique mais au contenu fortement «brandé». Il était un chef, certes, mais un chef 2.0, c’est-à-dire un manager. Et au pays du management, c’est la cohésion de la team qui compte, bien plus que le débat. Ne débattant pas dans sa propre formation, le Président, «gilets jaunes» aidant, a été contraint de débattre avec le pays, ouvrant ainsi une sorte de boîte de Pandore… Dès lors, son parti qu’il avait voulu si resserré autour de lui ne pouvait échapper au mouvement qu’il avait impulsé pour s’efforcer de canaliser la crise «giletiste».
Monsieur Guerini s’est en conséquence essayé à un exercice d’émancipation dont l’objectif consiste à montrer que les marcheurs eux-mêmes peuvent s’autonomiser de la verticale du pouvoir, comme s’il fallait apporter la démonstration qu’au saint des saints du macronisme, une page du quinquennat se tournait. «De la com’», sans doute et encore, s’exclameront les plus sceptiques, mais c’est parfois la vertu de la communication que de porter au-delà des mots. Ballons d’essais ou pas, les propositions des marcheurs, à l’évidence insuffisantes pour éponger les doutes du pays, n’en clôturent pas moins l’affichage revendiqué de la verticale managériale dont le macronisme inaugural se parait de manière décomplexée.
Retour à la vieille politique républicaine…