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Par Arthur Nazaret et Sarah Paillou

Alors que Place publique se lance dans la campagne, le trio fondateur du mouvement se sépare, en conflit sur la stratégie. L’économiste Thomas Porcher explique son choix au JDD.

L'économiste Thomas Porcher a décidé de claquer la porte du mouvement Place publique.
L’économiste Thomas Porcher a décidé de claquer la porte du mouvement Place publique. (Sipa Press)

L’essayiste Raphaël Glucksmann et l’écologiste Claire Nouvian lancent une liste aux européennes avec le Parti socialiste (PS), lequel a adoubé samedi le premier comme tête de liste. Mais sans le troisième cofondateur : l’économiste Thomas Porcher a décidé de quitter Place publique. Et s’explique : « Je n’ai pas envie de servir de caution de gauche au PS », clame-t-il, en désaccord sur l’orientation prise par le mouvement selon lui censé « mettre les citoyens au cœur des institutions en rassemblant toutes les forces de gauche ».

Pourquoi ne participerez-vous pas à la campagne européenne de Place publique (PP)?
Quand on a créé PP, on avait une promesse : mettre les citoyens au cœur des institutions en rassemblant toutes les forces de gauche. Aujourd’hui, on se retrouve cornérisé avec le PS, quelques petites chapelles, comme l’Union des démocrates et des écologistes [UDE], et un mouvement de centre droit, Cap21, qui a fait campagne pour Emmanuel Macron ! Olivier Faure, le premier secrétaire du PS, a annoncé que toutes les tendances de son parti seraient représentées : ce sera une liste d’apparatchiks, pas de citoyens. C’est pourquoi je préfère quitter Place publique.

Pourquoi ne pas se satisfaire de cette union d’au moins quelques forces de gauche?
Je n’ai pas envie de servir de caution de gauche au PS, ni que Place publique soit le nouvel emballage d’un produit périmé.

La décision a été prise en deux semaines, par un petit cercle, au sein de Place publique

Qu’est-ce qui vous rebute?
Si d’autres forces de gauche avaient pu servir de contre-feu à ce qu’est le PS depuis trente ans, pourquoi pas. Moi, j’ai combattu la loi travail, la déchéance de nationalité et la logique austéritaire du quinquennat Hollande. Et il y a des contradictions factuelles : Claire Nouvian dit que notre colonne vertébrale, c’est l’écologie ; mais c’est un maire socialiste qui s’oppose à l’annulation du projet immobilier EuropaCity [dans le Val-d’Oise]… Je ne pouvais pas surmonter ces incohérences.

Qu’en disent les militants de PP?
Nos 28 000 adhérents doivent voter : aller aux européennes ou non, y aller en tête à tête avec le PS et quelques confettis… Pour l’instant, aucun vote n’est prévu. La décision a été prise en deux semaines, par un petit cercle, au sein de Place publique. En matière de démocratie et de renouvellement des pratiques, c’est une trahison de la promesse initiale.

Qu’aurait dû faire Place publique?
On voulait rassembler du PS à La France insoumise. Mais les appareils politiques se sont recroquevillés sur eux-mêmes. Les communistes veulent se reconstruire ; Yannick Jadot veut y aller seul, sur une ligne difficile à cerner : écologie libérale ou populaire, on n’arrive plus à savoir. À partir de là, on aurait dû passer notre tour.

Je ne comprends pas cette stratégie qui consiste à affaiblir la gauche pour renforcer le PS

Donc ne pas participer au scrutin?
On avait identifié quatre urgences : démocratique, sociale, écologique et européenne. Je ne savais pas qu’il y en avait une cinquième : se faire élire à tout prix! Moi, j’ai refusé la proposition d’une place éligible. Pourquoi notre mouvement doit-il s’allier avec le parti le plus à droite de la gauche? Il y a encore deux ans, le PS défendait le pire. Pourquoi être la caution écolo d’un parti productiviste? Pour placer des gens au Parlement européen?

Cette liste PS-PP ajoute-t-elle de la division à gauche?
C’est un jeu de vases communicants. On prendra des voix à Yannick Jadot ou à Benoît Hamon [Génération.s]. Je ne comprends pas cette stratégie qui consiste à affaiblir la gauche pour renforcer le PS.

Rejoindrez-vous une autre liste?
Non. Je vais poursuivre mon métier d’enseignant-chercheur, mes bouquins, mes projets en banlieue ou en province par exemple, et continuer à m’investir dans la société civile.

Pour qui voterez-vous le 26 mai?
On verra. J’annoncerai peut-être publiquement mon soutien à une liste. Mais chaque chose en son temps.

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