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Tout le monde attendait le discours mardi après-midi du secrétaire général du Hezbollah. Pendant une heure, Hassan Nasrallah a répondu point par point aux accusations portées contre son parti par le secrétaire d’État américain Mike Pompeo dans le communiqué écrit que celui-ci a lu après sa rencontre avec son homologue libanais. Mais le plus important dans le discours du numéro un du Hezbollah, ce sont les remerciements qu’il a adressés aux responsables, aux partis libanais et à la population en général.
Hassan Nasrallah a commencé par rendre hommage au président de la République pour ses positions fermes et claires à l’égard des incitations américaines contre le Hezbollah. Il a ensuite rendu hommage aux prises de position du président de la Chambre et à celles du ministre des Affaires étrangères. Jusque-là, tout est normal. Mais le leader chiite a été encore plus loin, englobant sans les nommer spécifiquement le Premier ministre ainsi que les différentes parties politiques dans ses remerciements. Et c’est là la grande nouveauté.
Le chef du Hezbollah a ainsi affirmé que « grâce à l’éveil des responsables et des forces politiques, le Liban a pu dépasser les conséquences de la visite de Mike Pompeo que plusieurs parties avaient considérée comme le début d’une étape dangereuse pour le pays ».
Le secrétaire général du Hezbollah s’est ainsi étendu sur la cohésion interne et sur le fait que le Liban, dans toute sa diversité politique et confessionnelle, a affiché une position unifiée devant le responsable américain, dont la visite avait pour principal objectif de semer la discorde interne et d’accentuer les clivages, dans une tentative d’isoler le Hezbollah.
Hassan Nasrallah a d’ailleurs tenu à prononcer ce discours le plus tôt possible après la visite du secrétaire d’État américain à Beyrouth, pour pouvoir développer ce point et rendre hommage aux responsables, aux partis politiques et aux Libanais en général.
Il avait en effet reçu des informations précises sur les grandes lignes des entretiens de Mike Pompeo avec les différentes parties libanaises. S’il s’attendait à ce que le chef de l’État, le président de la Chambre et le ministre Bassil adoptent des positions fermes face au responsable américain, il a tenu à marquer dans son discours son appréciation des positions des autres parties qui sont généralement dans le camp opposé à celui du Hezbollah. Hassan Nasrallah ne l’a pas clairement dit, mais il a adressé indirectement des remerciements au Premier ministre Saad Hariri en parlant en général des responsables libanais. À ce sujet précis, le secrétaire général du Hezbollah n’a pas voulu citer nommément Saad Hariri, pour ne pas lui faire de tort au niveau de la rue sunnite, surtout en pleine période électorale pour la partielle de Tripoli.
Mais le leader chiite a aussi inclus dans ses remerciements, toujours sans les nommer, le chef druze Walid Joumblatt ainsi que les Forces libanaises. Selon les informations parvenues au Hezbollah, M. Joumblatt aurait été très clair avec son interlocuteur américain, lors de leur rencontre à Clemenceau, en développant un historique de la politique américaine dans la région et en insistant sur la tendance de Washington à lâcher ses alliés, qui s’est récemment concrétisée dans l’attitude de l’administration Trump à l’égard des Kurdes en Syrie. Il a ainsi voulu transmettre au responsable américain un message de doute et de manque de confiance dans la politique américaine, qui explique en partie son attitude actuelle par rapport aux nombreux dossiers politiques qui se posent au Liban. Le même message a aussi été transmis au secrétaire d’État américain, lors du dîner donné en son honneur par le député Michel Moawad, à travers les multiples questions qui lui ont été posées sur les détails concrets du plan américain pour lutter contre l’influence de l’Iran et de ses alliés au Liban.
Les remerciements de Hassan Nasrallah ont aussi été adressés aux Forces libanaises, sans qu’elles soient spécifiquement nommées. Ce parti a en effet adopté publiquement une position en faveur du Hezbollah pendant et après la visite de Mike Pompeo. Au cours d’une émission télévisée, dimanche, le vice-président du parti, le député Georges Adwan, a ainsi déclaré que pour les Forces libanaises, le Hezbollah est un parti libanais non terroriste, il a des députés et des ministres avec lesquels il y a une coopération effective dans certains dossiers. Dans d’autres circonstances, les FL auraient pu profiter de la visite du responsable US pour attaquer le Hezbollah, ou à tout le moins pour le critiquer et estimer qu’il cause du tort au Liban, à cause de ses armes et de sa participation aux combats en Syrie. Or rien de tel n’a été dit et les FL ont montré le même souci que les autres composantes politiques du pays de préserver un minimum d’entente et d’unité nationale, face aux incitations américaines contre le parti chiite.
Finalement, les accusations contre le Hezbollah figurant dans le communiqué de Mike Pompeo n’ont trouvé d’écho que chez quelques personnalités publiques, qui ont paru isolées face à la détermination de la plupart des composantes politiques à faire primer la sécurité et la stabilité internes sur toutes les autres considérations.
Pour certains irréductibles, ce souci de la stabilité et de la cohésion internes reste fragile et il pourrait ne pas résister à la moindre secousse au Golan ou ailleurs, mais d’autres pensent, au contraire, que la position libanaise face au secrétaire d’État américain constitue une base solide sur laquelle il faut miser et qu’il faut consolider. C’est dans ce contexte qu’il faut placer les remerciements de Hassan Nasrallah…