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Il y a tant de dépenses inutiles que nous devrions pouvoir faire des économies considérables pour prendre en compte la misère partout où elle n’a pas été éradiquée. Il y a tant de richesses dont ne jouissent que quelques-uns seulement ! Jean-Michel Muglioni considère que cette exigence légitime est aujourd’hui devenue folle. Il choquera, mais peut-être faut-il aujourd’hui plus qu’hier oser choquer : aujourd’hui en effet le moindre mot vexe et paraît méprisant. Mais il faut que l’ironie irrite.

Il y avait dans les années trente un slogan qui accusait l’empire des deux cents familles de tous les maux du pays. Nous y revoilà. Les médias répercutent une haine des milliardaires dont je ne sais pas si elle touche la France entière ou quelques groupuscules. J’entends ce matin [19 avril] d’une oreille distraite une radio qui donne la parole à une dame qui se plaint que le parc d’attraction Le Puy du Fou donne de l’argent pour reconstruire Notre-Dame de Paris détruite par un incendie et qu’on abandonne son église de campagne. Le haut-parleur médiatique laisse tel autre proclamer que cet argent devrait être distribué aux pauvres ou aux associations. Maintenant, c’est au tour des urgences (en effet en piteux état dans nos hôpitaux) de se faire entendre.

Je propose donc qu’on rase Notre-Dame de Paris et qu’on installe un stade sur l’île de la Cité. Les dons seront cette fois approuvés. Car je ne sache pas qu’on se soit plaint de l’argent dépensé à construire des stades. Mais il est vrai que l’entrée y est payante et que si les milliardaires paient pour les construire, ils s’y enrichissent parce que les plus pauvres y dépensent le peu qu’ils ont. Et que dire de l’enrichissement de quelques artistes du ballon ?

Je propose aussi que le Musée d’art moderne de la ville de Paris, immense bâtiment dont les plafonds sont très hauts, soit divisé en deux de façon qu’on y accueille les sans-abris. On pourrait aussi mettre dans les caves du Louvre quelques toiles – il y a en a tant dans ce musée que personne ne s’en rendrait compte – et réserver des salles aux pauvres. Bref, tout un programme d’économie politique original est aujourd’hui en gestation. De quoi accouchera-t-il ?

Je pourrais aussi demander de cesser tout mécénat et qu’on ferme l’Opéra de Paris qui nous ruine. Ou encore qu’on renvoie aux riches Américains les sommes considérables qu’ils ont données depuis plus d’un siècle pour sauver Versailles. Ou encore qu’on détruise les fontaines Wallace offertes à Paris par un millionnaire ou milliardaire américain. Faut-il allonger la liste ?

Une seule question se pose donc : faut-il que la loi favorise les dons, ou au contraire que l’État soit le seul mécène ? Aujourd’hui la déduction fiscale correspondant aux dons est limitée par la loi, et par conséquent le débat doit porter sur cette limite, qui dépend des priorités de la politique générale de l’État. Mais même si le mécénat est un moyen d’optimisation fiscale, l’État consacrerait-il à la culture des sommes équivalentes ?

URL : http://www.mezetulle.fr/mecenat-de-la-misere/ « Faut-il un mécénat de la misère? » par Jean-Michel Muglioni,