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élections européennes, programme, renaissance, Union Européenne

La République en Marche a révélé, ce jeudi, son programme pour les élections européennes du 26 mai prochain. Un document de 32 pages qui rassemble 79 propositions. Parmi les point principaux, la transition écologique, l’harmonisation fiscale et la question migratoire sont abordés. Trois points primordiaux mais trois points qui divisent également les européens. Alors que les proposition apparaissent plutôt généralistes et attendues un tel programme peut-il réellement séduire ? Les Français sont-ils réceptifs à des propositions telles que la création d’une banque du climat ou encore ou encore la mise-sur-pieds d’une « armée européenne » ?
Bruno Cautrès : Le programme qui a été présenté est tout d’abord largement inspiré des propositions d’Emmanuel Macron et notamment de la tribune aux européens du 4 mars dernier. C’est bien Emmanuel Macron qui est la tête de liste….Ce programme essaie d’incarner le « en même temps » ou le « et de gauche, et de droite » : la justice sociale et fiscale (gauche), les frontières et les questions migratoires (droite), l’écologie (centrale et au centre). Si tous ces thèmes sont des thèmes qui portent sur des préoccupations et des motivations de vote des Français, le problème est que ces thèmes sont présentés par presque toutes les listes comme des thèmes importants : par exemple, les listes de la France insoumise ou du PS/Place publique mettent aussi beaucoup en avant la question de la transition écologique, la liste LR met beaucoup l’accent aussi sur les questions économiques ou des frontières. Il ne vas donc pas être évident pour les Français de clairement voir les lignes de partage et de différences entre les listes. La liste de LaREM veut marquer les esprits avec des propositions comme une armée européenne ou une banque du climat. Des belles idées mais très générales et qui vont soulever de nombreuses difficultés pour obtenir un consensus européen !
Au-delà de la France, avec des propositions qui reprennent globalement la pensée européenne d’Emmanuel Macron ce programme a-t-il la capacité de rassembler en Europe ? Revenons sur la création d’une banque du climat, ou encore la taxation des Gafam, l’harmonisation fiscale, la mise-en-place d’une armée européenne… toutes ces idées dans le contexte européen actuel sont-elles réalistes ?
Plusieurs de ces idées ont déjà fait l’objet de prises de positions nuancées, voire opposées, en Europe : sur la taxation des GAFA ou encore la non-signature d’accords commerciaux avec des Etats qui ne respectent pas l’accord de Paris sur le climat, la France s’est déjà retrouvée assez seule. Les incertitudes européennes liées au Brexit et au stand-by européen de l’Allemagne font des avancées souhaitées par Emmanuel Macron des objectifs de long terme. Et surtout, nos partenaires européens attendent toujours de la France la réduction de ses déficits publics et ne considèrent pas que nous soyons les mieux placés pour proposer des projets européens de dépenses publiques. Notre problème, en France, est toujours le même avec l’Europe : nous sommes dans l’incantatoire très souvent, dans le réaliste moins souvent ; nous clamons l’Europe mais nous voulons en être les « leaders » ; nous avons une vraie difficulté à admettre que l’Europe se fait à 28 (ou 27) et à admettre que notre vision d’une Europe de projection (on se projette toujours vers un avenir et on projette aussi sur l’Europe un destin à la française) n’est pas partagée nécessairement pas les autres européens.
Si l’on s’attarde sur un autre point de désaccord en Europe, sur la question migratoire, LaREM propose de conserver l’espace Schengen et donc de pousser chaque Etat à participer à l’effort commun notamment en instaurant un Conseil européen de la sécurité migratoire qui piloterait et coordonnerait les questions migratoires et la politique d’asile commune. Alors que l’Europe est plus jamais divisée sur cette question, un tel projet n’est-il pas illusoire ? Peut-on imaginer l’Italie ou encore la Hongrie se rallier à cette proposition ?
Emmanuel Macron tente, sur ce point aussi, de faire vivre son idée de « souveraineté européenne » afin de casser l’argument de protection des frontières nationales utilisé par les souverainistes et ceux qui contestent l’UE. Le compromis européen sur ces questions sera très difficile même si beaucoup de pays souhaitent redéfinir l’espace Schengen et le rôle ou les moyens de Frontex. L’Italie s’est sentie laissée seule face à la crise migratoire et a mal vécu la position de la France qui n’était pas, jusqu’à récemment (et même encore aujourd’hui), la mieux placée en matière d’accueil des migrants…Les résultats des européennes nous diront mieux quels pays sont également sous pression d’une opinion publique inquiète sur ces questions. La France ne fera peut-être pas exception à la règle.