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De ses annonces à l’issue du Grand débat au programme de son parti pour les élections européennes, le chef de l’État assume selon le communicant Jacky Isabello un virage à gauche, espérant trouver là un réservoir de voix, et anticipant ainsi sur les scrutins locaux à venir.
Jacky Isabello est le fondateur de CorioLink, une agence de communication et de relations publiques.
Emmanuel Macron a personnifié à lui seul une conception liquide de la politique française. C’est-à-dire un projet politique qui se transforme au gré des circonstances: «liquide» au sens où l’entendait Zygmunt Bauman, analyste très fin de l’irruption du numérique et de ses conséquences sur la vie publique.
Alors qu’il entame l’acte 2 de son quinquennat, Emmanuel Macron ne peut plus désormais dissimuler qu’il est un homme politique de gauche. Il révèle en fait sa véritable nature, celle qui jusque-là avait échappé à de nombreux observateurs. Dissimulé derrière la facilité rhétorique du «en même temps», nommant un Premier ministre issu des rangs de la droite, rassemblant autour de lui des anciens socialistes, il avait pour le moment réussi à semer le doute. Ce doute aujourd’hui n’est plus permis: depuis sa conférence de presse du 25 avril dernier et la publication de son programme pour les élections européennes du 26 mai prochain, c’est certain: «Gauche is back» pour paraphraser sa célèbre formule «France is back».
La défense de l’emploi public est un marqueur très clair de la gauche – et un ressort électoral puissant chez les socialistes.
En voici quelques preuves, parmi les plus éclatantes.
Tout d’abord l’abandon d’une promesse importante, formalisée lors de la campagne à l’élection présidentielle: celle de réduire de 120 000 le nombre de fonctionnaires. Ce point-là a été noté et souligné lors de sa longue communication du 25 avril dernier dont l’objet principal était de tenter de mettre enfin un terme à la crise qui secoue le pays depuis près de sept mois. La défense de l’emploi public est un marqueur très clair de la gauche – et un ressort électoral puissant chez les socialistes.
En matière de traitement des déficits, le ministre Gérald Darmanin a souhaité maintenir le déficit global «le plus bas possible». Toutefois si l’on s’attarde sur les seuls chiffres du déficit de l’État, les perspectives se sont franchement dégradées. Il y a un an, le gouvernement prévoyait que son besoin de financement devrait être ramené de 2 %à 1,2%. Après la crise, la transformation du CICE en baisse de charge et autres réintégrations de la dette de la SNCF ramènent en 2019 ce chiffre à 3,6% du PIB. Les propositions pour baisser la dépense publique paraissent largement insuffisantes pour y remédier.
Le président s’installe à présent confortablement dans une politique de la demande.
Partisan à ses débuts d’une politique de l’offre, favorable à la création de la valeur en entreprise pour ensuite la redistribuer dans la société, le président s’installe à présent confortablement dans une politique de la demande, proposant ainsi des baisses d’impôts financées par une réduction de l’ordre de 5 milliards des dépenses qui ne consistera en réalité qu’en un rabotage des niches fiscales des entreprises.
Sur les frontières, la démission là encore ne fait aucun doute: alors qu’il prétendait «remettre à plat l’espace Schengen», Macron privilégie désormais dans son manifeste européen une formule plus vague: «sauvegarder Schengen».
Emmanuel Macron n’a ni écrasé son adversaire au second tour de l’élection présidentielle, puisque selon les sondages le score du Rassemblement national talonne voire surpasse celui de la liste conduite par la majorité ; ni décomposé la droite, qui trouve un second souffle depuis l’entrée de François-Xavier Bellamy dans l’arène. Jusqu’à laisser imaginer que d’ici au 26 mai, LR puisse même dépasser LREM…
Après la longue crise des «gilets jaunes», Macron espère donc que la gauche reste un réservoir de voix pour son parti, et met la barre à bâbord. Dans l’espoir aussi que les élections locales à venir lui offrent une assise politique au cœur des territoires, que la gauche emporte plus facilement que la droite. L’énarque et jeune inspecteur des finances a laissé place au calculateur politique.
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