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Roland HUREAUX, Président  de Mouvance France

Personne n’a  vraiment de quoi se réjouir de l’élection européenne de dimanche.

Avec 23,3  % des  voix,   le Rassemblement national  sort premier de la compétition  mais   de peu et  avec un résultat  qui ne marque qu’un petit progrès par rapport au premier tour  de la dernière présidentielle : encore a-t-il bénéficié du « vote utile » de  tous ceux  voulaient   sanctionner Macron  coûte que coûte : ce ne  sont pas forcément  là des votes  d’adhésion.  En faisant élire  trois personnalités extérieures dont  l’ancien député républicain Jean-Paul Garraud , le RN   a entre-baillé  la porte de la citadelle, juste ce qu’il fallait pour  ne pas avoir l’air d’une secte   mais pas assez pour se crédibiliser pleinement . Marine Le Pen   demande des législatives, ce qui est normal , avec  plus de proportionnelle , ce qui l’est moins : une telle revendication montre que le  RN n’est pas encore  dans sa tête  un parti de  gouvernement  ; il veut plus de places, il ne  veut pas se donner les moyens de réformer la France en profondeur ce qui  ne lui serait  possible  qu’ avec le maintien du  mode de scrutin actuel .  

Macron n’a pas réalisé son pari  d’être  en tête  malgré les efforts considérables   qu’il a prodigués dans la dernière    ligne droite  et  la valeur de test qu’il a conféré à l’élection . 22,4  % des voix  pour le parti du président, c’est bien peu même si ses partisans chantent victoire   : ce matelas apparemment incompressible  est surtout composé de personnes âgées légitimistes , issues pour une part  de l’électorat de Fillon. Tout au plus peut-il se consoler  en voyant que les partis européistes qu’il appelle « progressistes »,  sont au total majoritaires.

          Ce serait en revanche  une illusion  que d’imaginer que la remontée du taux de participation par rapport à 2014 , de 42,4 à 50,1 % marquerait un progrès de l’idée européenne. L’explique principalement  l’enjeu  très fort de politique intérieure que représentait cette élection.

Le parti socialiste ne sombre pas mais confirme son déclin. En ajoutant les 6,2 % de Glücksmann, dont les maladresses ont montré la légèreté ,  et les 3,3 % de Hamon , les socialistes arrivent péniblement à 9,5  %  

Le vote Mélenchon aurait pu être l’exutoire des gens de  gauche déçus de Macron – ils  sont nombreux : la perquisition  opérée chez lui en début de campagne,  contraire à tous les usages républicains , visait à  l’ affaiblir pour empêcher ce scénario ;  avec 6,3 %, elle n’y a que trop bien réussi.

Mais il fallait quand même un exutoire : ce fut le parti des  Verts .  Troisième parti avec 13,5  % : quel succès ! Mais il n’est que d’apparence :  loin de signifier  comme on le croit le retour en force de la préoccupation environnementale, ce résultat montre  que le vote écologiste était le seul qui restait  possible  aux déçus du macronisme  qui ne voulaient pas  voter  à droite ou aller aux extrêmes.  Un choix vague qui n’engage à rien et qui a l’air gentil ( faussement gentil : rien de plus sectaire que cette mouvance ). Vote de défiance envers  Macron , surtout chez les jeunes, le vote vert   débouche sur un renforcement des orientations essentielles du macronisme : européisme , mondialisme .

Des petits partis patriotes  ou identitaires ( Dupont-Aignan,   Asselineau, Philippot , Camus ), aucun n’a réussi à se poser  comme une force significative entre le RN et LR  . Ils ont été eux aussi victimes  du vote utile et   peut-être tout autant  de leur grisaille.

Reste le grand perdant de ces élections  : Les Républicains à 8,5 % . On ne saurait imputer cet échec retentissant ( au moins par rapport aux sondages), au seul  François-Xavier Bellamy   qui a fait une bonne campagne sans toutefois  percer l’écran .  Il est trop facile de l’imputer aux divisions des chefs ( ainsi la rivalité sournoise Sarkozy-Wauquiez) qui ne sont jamais que des causes secondes.  Bien plutôt à un mauvais positionnement ; sur les sujets  essentiels  ( euro, sociétal , politique étrangère ) ce parti est divisé  , moins entre ses dirigeants qu’entre  les chefs et la base ;   cette division  aurait pu être  une force , l’occasion de faire des Républicains un lieu d’ouverture et de débat , limitant la déperdition à droite , mais la hantise du politiquement correct  ne l‘a pas permis : la différence « catho » de sa tête de liste y était  tout juste   tolérée.   L’autre erreur :   sans doute pour suivre une partie de leur  électorat,   les Républicains ont été conduits  à faire  une opposition « constructive »   à Macron là où il aurait fallu  se montrer  , en bonne logique bipartisane , opposant intraitable . Pour être reconnu   comme le chef de file de l’opposition, il faut s’opposer . A qui ? Au pouvoir en place et à lui seul.  Attaquant inutilement  le Rassemblement   national, ce qui déplait à tous les électeurs de droite et d’une certaine manière le met en valeur , LR s’est  complu  dans le rôle du tiers parti entre les deux grands ; il s’est en quelque sorte « modemisé ».  

Le petit parti centriste de Lagarde ,  à 2,5 %,  n’a l’air de rien  . Mais que serait-il passé sans lui ?  Les Républicains  auraient  pu passer la barre des   10  % : 8,5 + 2,5 = 11  %  et ainsi sauver la face . Ou alors Macron , venant  en tête,  aurait remporté une nette victoire: 22,4  + 2,5 = 24, 9 %. Petites causes, grands effets.  

Reste un  champ politique en ruines : les deux partis qui émergent, les mêmes qu’à   la présidentielle, le RN et EM  sont tous deux pauvres en cadres,  mal structurés,   alors que les partis  classiques ( PS et LR), bien que menacés de disparaitre ,  ont encore des réseaux et des compétences ( au moins aux niveaux – 1 et au-dessous) :   situation  bien  singulière. Les partis classiques prendront-ils leur revanche aux municipales   où ils gardent des   atouts ? Peut-être. En émergera t-t-il de vrais chefs ,  plus convaincants que ceux qui aujourd’hui s’en  disputent la  tête ; c’est à voir.

Il est difficile  de prévoir de ce qui sortira de cette décomposition du paysage  politique . Macron qui pratique la stratégie du chaos et qu’  en bon idéologue , rien n’arrête,   semble s’en accommoder.    Tout reste à faire si l’on veut éviter que la présidentielle de 2022 ne soit la réédition de celle, calamiteuse, de  2017.

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