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AFP / Lionel BONAVENTURE Le Premier ministre Edouard Philippe (D) et le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner (G) le 30 juillet 2019 dans la cour de Matignon, à Paris

En plaçant Edouard Philippe en première ligne, l’exécutif cherche à éviter à tout prix que la mort de Steve Maia Caniço se transforme en nouvelle affaire politique estivale, alors que l’opposition continue mercredi à cibler le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner.

Un an après l’affaire Benalla, qui a plongé la Macronie dans la crise, le gouvernement semble déterminé à ne pas reproduire les mêmes erreurs en occupant cette fois le terrain en force.

Depuis le perron de Matignon, Edouard Philippe a tenu mardi à affirmer en personne que le rapport de l’IGPN n’établissait « pas de lien » entre l’intervention des forces de l’ordre et la disparition de Steve Maia Caniço lors de la Fête de la musique à Nantes le 21 juin, tout en saisissant l’inspection générale de l’administration (IGA) afin d' »aller plus loin ».

A ses côtés mais en retrait, Christophe Castaner est resté silencieux, visage fermé. L’affaire est suivie de près par Emmanuel Macron qui, depuis son lieu de vacances, a selon l’Elysée, appelé Edouard Philippe et Christophe Castaner à « prendre les initiatives nécessaires ».

Mercredi lors d’un déplacement dans l’Essonne sur le thème des cambriolages, le chef du gouvernement s’est une nouvelle fois présenté face aux micros pour apporter « tout (s)on soutien » au ministre de l’Intérieur. Il n’est « pas fragilisé », a insisté Edouard Philippe, malgré les attaques en règle de l’opposition.

Christophe Castaner s’est cette fois-ci exprimé pour assurer que le gouvernement était « totalement engagé (…) pour faire toute la transparence et répondre à toutes les questions ». Dans l’après-midi, il a enchaîné deux déplacements, à Perpignan, où il a dénoncé le saccage des permanences de députés LREM, et dans le Gard, où il a évoqué le projet d’attentat déjoué et l’incendie qui a ravagé 480 hectares à Générac.

Dans l’entourage d’Edouard Philippe, on se refuse à évoquer toute mise sous tutelle de Christophe Castaner. Selon un proche, Edouard Philippe voulait faire passer deux messages en montant ainsi en première ligne: « Un message d’émotion forte, celle de tous les Français, et l’engagement de transparence. Or, c’est plus fort quand c’est le Premier ministre lui-même qui fait passer ce message, au nom du gouvernement », explique cette source.

AFP / LOIC VENANCE Protestation de manifestants le 30 juillet 2019 à Nantes

Pour Philippe Moreau-Chevrolet, professeur en communication politique à Sciences-Po, il n’est pourtant « pas logique que le Premier ministre doive intervenir » sur un tel dossier. Selon l’expert, le soutien exprimé à Christophe Castaner est « à double tranchant », marquant le « désaveu, la marginalisation » du ministre de l’Intérieur qui « n’est plus capable de gérer seul la situation ».

– « Abject » –

Cette supposée relégation au second plan est largement exploitée par l’opposition. A droite, le député Julien Aubert (LR) a reproché au ministre de l’Intérieur une « forme de dilettantisme » et appelle à un remaniement gouvernemental.

A gauche, le chef de file de La France insoumise Jean-Luc Mélenchon a fustigé le « régime macroniste qui a ouvert le cycle des violences et de la politisation de la police et de la justice » avec les ministres « Castaner et Belloubet, les bras ballants, toujours prêts à justifier n’importe quoi ».

La montée au front d’Edouard Philippe marque une « co-responsabilité » qui démontre « un problème à l’échelle de l’exécutif », a estimé le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure réclamant, comme LFI, une commission d’enquête parlementaire.

« C’est assez abject ce que fait l’opposition » en « demandant la tête d’un ministre ou une commission d’enquête parlementaire », alors que, sur les faits, elle n’en sait « pas plus que nous », a réagi Jean-François Cesarini, député LREM du Vaucluse.

A Toulouse mercredi, environ 200 personnes ont manifesté en scandant « Castaner démission » et « la police mutile, la police assassine », a constaté une journaliste de l’AFP. De nombreux appels à se rassembler samedi à Nantes en hommage à Steve Maia Caniço ont par ailleurs été diffusés sur les réseaux sociaux.

« Si c’était une affaire isolée dans un contexte neutre, il n’y aurait pas de problème » mais le décès de Steve Maia Caniço intervient après de nombreuses affaires et la crise des « gilets jaunes », explique M. Moreau-Chevrolet.

« Il y a une chance pour que l’affaire en reste là », ajoute l’expert, en raison notamment des départs en vacances. Mais sur le long terme, l’exonération de la police « risque de nourrir un sentiment d’impunité » et « d’ancrer l’image de droite dans le gouvernement », avertit-il.