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Dans un passé lointain, il m’est arrivé d’être pris à partie, en tant qu’ancien conseiller du président Sarkozy, par des chroniqueurs du Monde, de Libération ou le Nouvel Observateur. Par Valeurs Actuelles, cela ne m’était jamais arrivé. Une lacune désormais comblée… Et M. Jean-Paul Brighelli, dans le dernier n° de VA, ne mâche pas ses mots, m’assimilant aux « crétins, les mous de la coiffe, les obsédés de l’internationalisme prolétarien et autres militants de l’anti-colonialisme primaire », pour une tribune publiée au début de l’année dans le Figaro Vox. Traité de réactionnaire par la gauche et de gauchiste par la droite, ne serais-je pas sur la bonne voie?
« La loi, écrit-il « Pour une école de la confiance », enfin votée, modifie ainsi l’article L. 111-1-2 du Code de l’Education : « L’emblème national de la République française, le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge, le drapeau européen, la devise de la République et les paroles de l’hymne national sont affichés dans chacune des salles de classe des établissements du premier et du second degrés, publics ou privés sous contrat. » Depuis février dernier, début de la polémique, les Saint-Jean-bouche-d’or de la Gauche bien-pensante rivalisent de sarcasmes pour stigmatiser cette idée nécessairement réactionnaire — voire fasciste […] Il n’est pas jusqu’à un ancien conseiller de Nicolas Sarkozy, Maxime Tandonnet, qui dénonce sur le FigaroVox « un leurre pour masquer l’échec de notre école » : « Tout drapeau est le signe d’une allégeance. L’école et l’armée ont chacune leur vocation et leur grandeur. Mais elles ne doivent pas être confondues. La première a pour mission fondamentale la diffusion entre les générations de la culture et d’un savoir-faire. La seconde est consacrée à la défense de la Nation. Dans une démocratie libérale, leurs deux rôles doivent être clairement séparés. Le livre est à l’école ce que le drapeau est au régiment. » […] Si les crétins, les mous de la coiffe, les obsédés de l’internationalisme prolétarien et autres militants de l’anti-colonialisme primaire sont légion, quelques Français véritables, de tous bords, savent ce que représente ce drapeau : la liberté de la France et la liberté des peuples — parce que c’est drapeau tricolore à la main que les armées révolutionnaires ont libéré l’Europe de l’emprise des tyrans. »
Et pourtant, malgré cette déferlante de paroles aimables, je persiste et signe: la décision de rendre obligatoire dans les salles de classe les drapeaux tricolores, et européens, et d’ailleurs tout autre drapeau, est lamentable. La question n’est évidemment pas celle de la valeur du drapeau tricolore, en tant qu’emblème de la liberté et de la patrie. Elle touche à l’usage qui en est fait. Le drapeau tricolore sur la façade des lycées et de tous bâtiments publics, comme c’est le cas depuis toujours, n’est bien sûr pas un sujet de discussion. En revanche, l’installer dans toutes les salles de classes est selon moi une aberration. La salle de classe doit être sanctuarisée en tant que lieu de l’acquisition du savoir et de l’intelligence, sous la responsabilité du professeur. Elle n’est pas celui d’une allégeance, qu’elle soit nationale, régionale ou européenne, ou internationaliste… Les Hussards noirs de la République, qui ont forgé la France moderne par l’alphabétisation, n’ont pas eu besoin de drapeau dans les classes. A mes yeux, cette mesure est une fois de plus de pur enfumage: deux petits drapeaux, un tricolore, un européen, pour couvrir pudiquement, dans chaque classe, l’effondrement vertigineux du niveau scolaire, la violence et l’indiscipline qui rongent l’éducation nationale, la souffrance des professeurs, l’inégalité des chances, monstrueuse, entre les « bons établissements » de la bourgeoisie urbaine et ceux qui sont à l’abandon. Cette décision est à l’image de la politique française: soigner la façade pour couvrir l’écroulement de la structure. Peu m’importe qu’elle vienne de droite, de gauche, du centre, ou des extrêmes, et ce n’est pas de l’opposition systématique: je trouve cette idée tout simplement lamentable. Le nationalisme de pacotille n’a strictement aucun rapport, à mes yeux, avec le patriotisme. M. Brighella traite de crétins et de mous de la coiffe, [ainsi que de Français non-véritables] ceux-là qui ne partagent pas son point de vue. Il faut le remercier d’illustrer, à travers une argumentation aussi subtile et raffinée, à l’image de toute sa chronique, l’état du débat d’idées en France.
Maxime TANDONNET
https://maximetandonnet.wordpress.com/