Étiquettes
AFP/Archives / Sebastien SALOM-GOMIS Daniel Cueff, le maire de Langouët, commune bretonne, qui a pris un arrêté anti-pesticide en mai 2019Maire écolo non encarté adepte d’une « écologie de l’action », Daniel Cueff expérimente depuis 20 ans dans le village breton de Langouët des réalisations « vertes » souvent en avance sur la réglementation. Depuis son arrêté anti-pesticides en mai, il fait figure de fer de lance de la lutte contre les produits phytosanitaires.
A 64 ans, ce natif du Pays léonard (Finistère), décrit comme « humble et discret », se serait bien passé de la soudaine notoriété occasionnée par sa décision d’interdire l’épandage de pesticides de synthèse à moins de 150 mètres des habitations, suspendu mardi par le juge des référés. « Quand j’ai pris en 2016 un arrêté interdisant les pesticides tueurs d’abeilles dans un rayon de trois kilomètres autour des ruches, ça n’avait posé aucun problème », se souvient-il.
Mais cette fois, c’est l’agriculture conventionnelle, dont il souhaite « voir évoluer les pratiques », qui est visée.
« C’est un homme de forte conviction et audacieux », assure le sénateur écologiste du Morbihan Joël Labbé, auteur de la loi éponyme interdisant les pesticides pour les collectivités et les particuliers.
Fils d’un infirmier de l’armée, marié, père de deux garçons, Daniel Cueff raconte s’être éveillé à l’écologie lors de la lutte contre l’implantation d’une centrale nucléaire à Plogoff (Finistère) il y a 40 ans. « J’ai été époustouflé de voir comment un État pouvait imposer son point de vue à une population qui ne voulait pas d’une centrale nucléaire dans l’un des plus beaux sites du monde, la Pointe du Raz », se souvient-il.
Ancien maître de conférences associé en sciences de l’Éducation à Rennes 1, le Finistérien a auparavant longtemps dirigé, pour le compte de l’ONG qu’il a créée, un programme européen d’aide aux enfants des rues en Pologne.
L’arrêté antipesticides pris par le maire de Langouët (Ille-et-Vilaine), Daniel Cueff, a été suspendu, mardi 27 août, par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, selon une copie de cette décision. L’édile a annoncé dans la foulée son intention de faire appel.
Le juge Pierre Vennéguès invoque dans son ordonnance « le moyen tiré de l’incompétence du maire de Langouët pour réglementer l’utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire de sa commune » qui est « propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté contesté ». M. Cueff avait pris le 18 mai un arrêté interdisant l’utilisation de produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 150 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d’habitation ou professionnel ».
Mais la préfecture d’Ille-et-Vilaine avait demandé la suspension de cet arrêté en référé, au motif qu’un maire n’est pas compétent pour prendre des décisions sur l’utilisation de produits phytosanitaires, y compris au nom du principe de précaution, un pouvoir réservé à l’Etat. « Pour faire bouger les lignes, pour protéger les habitants, il faut peut-être désobéir un peu », a estimé M. Cueff après la décision de justice, affirmant avoir reçu des « milliers de messages de soutien ». « Beaucoup de maires sont interpellés par leurs habitants. Il va falloir trouver une solution », a-t-il ajouté.
« C’est quoi le pouvoir d’un maire ? »
« C’est quoi le pouvoir d’un maire ? Un maire peut-il ignorer la santé de ses habitants ? », avait interrogé M. Cueff à l’audience le 22 août en invoquant le principe de précaution. « Une directive européenne impose depuis 2009 à la France de prendre des mesures pour protéger les habitants de l’épandage de pesticides, mais rien n’est fait », a-t-il plaidé, rappelant qu’il n’avait « pas interdit les pesticides mais imposé une distance d’éloignement entre les champs traités et les habitations ».
Si la justice lui a donné tort, l’édile avait reçu le soutien du président de la République, Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat, dans une interview à Konbini, a affirmé soutenir « dans ses intentions » le maire breton. « Il y a des lois, elle [la préfète] doit les faire respecter, donc je serai toujours derrière les préfets qui font respecter les lois », a d’abord plaidé M. Macron, en estimant que « la solution n’est pas de prendre un arrêté qui n’est pas conforme à la loi » mais plutôt « de mobiliser pour changer la loi ». En ce sens, le chef de l’Etat a souhaité « aller vers un encadrement des zones d’épandage de pesticides », en pointant « les conséquences sur la santé publique ».
Un nouvel arrêté antipesticide près de Bordeaux
La maire de Parempuyre, une commune de la métropole bordelaise, a pris un arrêté similaire le 21 août. Béatrice de François a interdit « formellement » les produits phytopharmaceutiques « à moins de 100 mètres de toute habitation ou espace public » au sein de sa commune de 8 200 habitants. Le texte vise aussi bien les bailleurs qui utilisent des pesticides pour l’entretien des espaces verts communs que les agriculteurs et les viticulteurs.
Comme Daniel Cueff et Béatrice de François, une vingtaine d’autres élus locaux ont interdit l’usage de pesticides dans une partie de leur commune. L’arrêté de Parempuyre évoque notamment « la carence » du ministère de la transition écologique « dans l’obligation » qui lui est faite de « protéger les riverains des zones traitées par des produits phytopharmaceutiques ». La municipalité fait valoir qu’il existe dans la commune de « nombreuses habitations et d’espaces publics à moins de 20 mètres d’exploitations agricoles » utilisant des produits phytopharmaceutiques.
« Nous espérons que le gouvernement ira plus loin en interdisant les pesticides sur le territoire national et en mettant des financements pour aider les agriculteurs à se convertir au bio », a expliqué Mme de François.