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Par   Paul Sugy , Louise Darbon

«La base conservatrice britannique reste largement acquise à Boris Johnson»

 

 Malgré la défection de plusieurs députés de la majorité, Boris Johnson a resserré autour de lui la base de son parti, radicale et pro-Brexit, défend Jeremy Stubbs.


Jeremy Stubbs est président du Parti conservateur britannique à Paris et professeur affilié à l’ESCE International Business School à Paris.


Dans Le Figaro, vous prédisiez une guerre des tranchées entre le Premier ministre et son Parlement. On y est! Boris Johnson a-t-il perdu le contrôle de la situation politique au Royaume-Uni?

Jeremy STUBBS.- Pas complètement. La base, très radicale, favorable à un Brexit même sans un accord, lui reste acquise. En revanche, et c’est le «point crucial», l’exclusion des «rebelles», quoique logique d’un point de vue disciplinaire, a eu plusieurs effets négatifs capables de couler son navire. Tout d’abord, elle a choqué l’opinion publique. Or, Boris Johnson ne peut pas gagner une élection seulement avec les gens qui sont pour un hard Brexit, il lui faut aussi des gens plus modérés.

C’est un problème mathématique qui met Boris Johnson en danger.

De plus elle a renforcé la détermination des «rebelles» à s’opposer à lui: ils paraissent encore plus prêts à voter contre lui et à lui refuser les élections qu’il souhaite. Finalement, son problème le plus sérieux est un problème mathématique puisqu’il a perdu une vingtaine de députés conservateurs: ses chances de voir de nouvelles élections se tenir s’amenuisent.

Cependant cette possibilité de nouvelles élections n’est pas totalement perdue. Il a présenté un projet de loi qui a échoué mercredi soir. L’opposition a expliqué ne pas en vouloir parce qu’elle attendait que sa proposition de loi destinée à repousser le Brexit et présentée la veille soit entérinée par la chambre des Lords. Quand ce processus sera terminé, Johnson aura une nouvelle chance pour présenter à nouveau un projet de loi pour de nouvelles élections qui, cette fois-ci, pourrait fonctionner. On verra cela lundi prochain, le 9 septembre.

Sauf qu’à présent, il n’a plus de majorité parlementaire…

C’est bien ce problème mathématique qui le met en danger. S’il n’avait pas expulsé les membres qui s’opposaient à lui, peut-être ces élus-là auraient-ils voté pour des élections. Or, ces élections, même si elles représentent un grand risque, restent sa meilleure chance pour arriver à ses fins. Mais il reste toujours la probabilité que les conservateurs frondeurs soient déterminés à le frustrer pour l’en empêcher.

En même temps, le projet de loi qu’il a présenté mercredi et qu’il représentera lundi 9 septembre est une motion spécifique qui nécessite une majorité des deux tiers. Il peut toujours proposer un autre type de projet de loi proposant des élections et qui ne nécessite qu’une majorité simple: cela lui offrirait plus de possibilités de réussite. Un tel projet peut être modifié par des amendements, tandis que le premier type de projet de loi ne peut être amendé. Il y a donc toujours des concessions à faire. Il ne faut ainsi pas complètement exclure la possibilité d’élections: elle reste encore fort probable.

Boris Johnson qui semble s’être fâché avec l’opinion depuis qu’il a exclu les députés frondeurs, aurait-il toujours la possibilité d’obtenir une majorité claire?

Il a peut-être fâché une partie de l’opinion mais pas sa base. Il n’a perdu que 21 personnes, les autres lui resteront très certainement fidèles notamment parce qu’ils veulent garder leurs sièges (cela reste une motivation puissante pour les politiciens).

Boris Johnson n’est pas isolé et ne le sera probablement jamais.

En cas d’élections générales, le résultat est très difficile à prévoir. Boris Johnson n’est pas certain d’obtenir une victoire mais Jeremy Corbyn (le chef de l’opposition travailliste, ndlr) n’est pas non plus sûr d’obtenir une victoire nette. Tout le monde sait que la seule porte de sortie maintenant ce sont des élections générales mais personne ne sait quel pourrait être le résultat de telles élections. On sait juste que ce sont des élections à haut risque pour Johnson.

La démission de Jo Johnson, frère de Boris Johnson, du gouvernement est-elle une preuve que Boris Johnson est de plus en plus isolé au sein de son propre camp?

Non, cela montrerait seulement qu’il est probablement plus isolé au sein de sa famille. Mais Jo Johnson avait déjà démissionné une fois par le passé. Je dirais que c’est un peu un «homme à démission». C’est certes un symbole supplémentaire dont Boris Johnson n’avait pas forcément besoin mais c’est finalement beaucoup moins significatif que les députés qui l’abandonnent. Boris Johnson n’est pas isolé et ne le sera probablement jamais. Son problème est une question mathématique: aura-t-il le nombre nécessaire de soutiens pour lui assurer une victoire? PEt personne ne peut prétendre connaître l’issue de cette crise politique.

Figaro Vox