Pourquoi l’université Bordeaux Montaigne a annulé une conférence de Sylviane Agacinski

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Des collectifs étudiants avaient déclaré leur intention de « tout mettre en œuvre » pour empêcher la conférence de la philosophe, estimant que « les droits des personnes LGBT ne sont pas à débattre ». L’université bordelaise a préféré annuler sa venue, prévue jeudi 24 octobre.

Simon Barthélémy, correspondant régional à Bordeaux,

Pourquoi l’université Bordeaux Montaigne a annulé une conférence de Sylviane Agacinski
Sylviane Agacinski devait tenir une conférence à Bordeaux ce jeudi 24 octobre. François NascimbenI / AFP

« L’être humain à l’époque de sa reproductibilité technique » : c’était le sujet de la conférence que Sylviane Agacinski devait tenir, ce jeudi 24 octobre, à l’Université Bordeaux Montaigne (UBM). Mais celle-ci a préféré annuler la venue de la philosophe, opposée à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples de femmes et les femmes seules et à la gestation pour autrui (GPA).

Dans un communiqué, les organisateurs expliquent que l’UBM ne pouvait « assurer pleinement la sécurité des biens et des personnes ni les conditions d’un débat vif mais respectueux face à des menaces violentes ». Motif : « Des groupes ont décidé d’empêcher la tenue d’un échange légitime et évidemment contradictoire sur ces questions d’ordre éthique et juridique dans le contexte des débats actuels sur la PMA et la GPA », soulignent sur le site de l’université les organisateurs de cette conférence, inscrite dans le cadre d’un cycle annuel.

« Cette manifestation de censure est une atteinte excessivement grave et violente à la confrontation des idées à laquelle notre université est attachée », poursuivent-ils, estimant qu’« empêcher la discussion au sein d’une communauté participe d’une dérive liberticide ».

L’affaire a déclenché une avalanche de réactions indignées, dont celles de l’eurodéputé François-Xavier Bellamy et de l’essayiste Alain Finkielkraut.

« Le débat n’aurait pu être égal »

Mais à quelle « dérive » l’UBM fait-elle exactement allusion ? Le 11 octobre dernier, cinq organisations – le GRRR collectif d’étudiant·e·s anti-patriarcat, Riposte Trans, Mauvais Genre-s, Wake up (association de jeunes étudiante·e·s et LGBT de Bordeaux) et le syndicat Solidaires Etudiant·e·s – adressaient un communiqué à l’université et aux médias. Elles s’y élevaient contre cette « tribune » offerte à une conférencière aux positions « réactionnaires, transphobes et homophobes ».

Ces associations critiquaient le cadre de son intervention « en autorité », sans contradiction autre que l’échange éventuel avec le public : « Le “débat” qui aurait pu avoir lieu n’aurait pu être égal, justifie à La Croix Marion, de Mauvais Genre-s. Par ailleurs, nous pensons que les droits des personnes ne sont pas à débattre. Un tel débat met au même plan des idées qui tuent (l’homophobie et la transphobie), et des idées qui luttent contre ces oppressions. »

Aussi, le collectif appelait-il « les étudiant·e·s à se mobiliser contre la venue de cette conférencière au sein de leur lieu d’étude » et entendait mettre « tout en œuvre afin que cette conférence n’ait pas lieu ».

Jointe par La Croix, l’université bordelaise précise toutefois, sans plus de commentaire, que les « menaces violentes » qu’elle évoque ne sont pas allées plus loin que cet avertissement. La militante de Mauvais Genre-s regrette de son côté « que l’annulation se soit faite en criant à la censure, et en inventant des “menaces violentes” »« une indécence sans nom dans un contexte social où l’homophobie et la transphobie tuent », a aussi réagi le collectif étudiant dans un droit de réponse.

Polémiques internes

L’UBM a peut-être quand même craint les actions possibles de certains signataires de l’appel au boycott de Sylviane Agacinski. Riposte Trans a déjà mené des actions symboliques et marquantes, pour dénoncer par exemple « l’inaction » de la mairie de Bordeaux et fustiger aussi d’autres associations locales de défense des personnes lesbiennes gay ou trans (LGBT) : sur un passage piéton repeint par la ville aux couleurs du drapeau gay, deux personnes queer ont feint de mourir sous des jets de faux sang puis se sont embrassées. À la suite de cette « performance artistique » filmée puis diffusée en ligne, la mairie a porté plainte pour dégradation. L’affaire n’a pas eu de suite.

En annulant la conférence, la direction de l’établissement de lettres et sciences humaines a sûrement préféré prévenir tout risque de débordements voire simplement des polémiques internes, précise une source.

Source: La Croix

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