Présidentialisme: l’erreur de François Hollande

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Dans son nouveau livre, « Répondre à la crise de la démocratie » (Fayard), François Hollande propose une réforme radicale de la Constitution française. En soi, il est révélateur qu’un ancien chef de l’Etat, fort d’une expérience au cœur du pouvoir, propose un changement de la règle du jeu fondamentale de la Nation.  Il tire un constat d’échec : le système actuel ne permet pas de gouverner.

Son initiative soulève la sempiternelle question de la part respective de la responsabilité personnelle d’un dirigeant et de celle des institutions dans la faillite d’une politique. L’échec du quinquennat de François Hollande fut si évident qu’il s’est traduit par la renonciation de ce dernier à se porter candidat pour un second mandat. Il tient largement à des erreurs ou des défaillances qui sont de nature personnelle : l’antisarkozysme obsessionnel et stérile, les affaires Léonarda, Cahuzac, Trierweiler, les promesses rituelles sur le chômage et toujours démenties par les faits, les quatre mois de tergiversation sur la déchéance de la nationalité à la suite de l’attentat du Bataclan. Les institutions ne sont pas directement responsables de ces errements qui s’attachent à une personnalité, à des comportements personnels.

Pourtant, les défaillances humaines ne dispensent en rien d’une réflexion sur la part des institutions dans les difficultés que traverse la France. L’impuissance publique, l’incapacité du politique à régler les grands problèmes du pays dépassent largement le cadre d’un seul mandat présidentiel : la dette publique, le chômage de masse, l’aggravation de la pauvreté et de la violence, l’incapacité à maîtriser l’immigration, la crise de l’éducation nationale, la fragmentation communautariste, la perte d’influence et de puissance, le décrochage industriel français, sont des phénomènes de long terme qui dépassent la personnalité des différents chefs de l’Etat. Au-delà des individus, le régime politique a aussi sa part dans la mauvaise pente prise par la France.

Le diagnostic de M. François Hollande sur la nécessité d’une profonde réforme constitutionnelle est donc tout à fait juste. En revanche, les solutions qu’il propose, étrangement, paraissent aller dans un sens qui ne fait qu’aggraver le mal. L’ancien chef de l’Etat préconise un renforcement du caractère présidentiel du régime : le chef d’Etat serait élu pour six ans au lieu de cinq, le Premier ministre serait supprimé, le droit de dissolution de l’Assemblée nationale disparaîtrait, tout comme la possibilité pour cette dernière de renverser le gouvernement.

Cette réforme aurait pour effet d’accentuer jusqu’à la caricature les traits les plus toxiques du régime actuel, la Ve République « bis », telle qu’elle est issue du quinquennat présidentiel. Le président de la République, privé de Premier ministre et d’un Gouvernement, s’imposerait, plus encore qu’aujourd’hui, comme le symbole du pouvoir politique dans sa globalité. L’élection présidentielle s’affirmerait toujours davantage comme la clé de voûte de toute vie politique.

Or, la France subit de plein fouet aujourd’hui les inconvénients d’une telle logique qui repose sur deux illusions. Illusion démocratique : le peuple ne décide rien car le choix du chef de l’Etat est conditionné par le pouvoir médiatique, qui sélectionne son favori, par l’écho donné à ses déclarations et l’exposition offerte à son image. Illusion de l’autorité : la vision du chef unique, emblématique de l’autorité, ne fait que couvrir l’impuissance des politiques publiques en raison de la prépondérance des contraintes financières (poids de la dette publique), du carcan normatif issu des institutions supranationales et des juridictions (cours européennes, conseil constitutionnel).

Fonder tout un régime sur l’image d’un homme – le culte de la personnalité – favorise l’effondrement de la conscience politique : la vanité d’un individu prend le pas sur l’intérêt général de la nation et devient, à travers l’objectif de la réélection – le fondement de toute politique. Le cocktail de l’impuissance publique et de l’obsession vaniteuse plonge la vie politique dans une course à la communication stérile et aux chimères qui l’éloigne toujours plus de la réalité et de la vérité.

L’issue à la crise démocratique de la nation passe par des solutions qui sont précisément à l’inverse du projet de M. Hollande. La France a besoin d’un authentique Premier ministre et d’un Gouvernement qui pilotent le pays au quotidien en effectuant des choix d’intérêt général et en les assumant devant le Parlement. Cette mission est inconcevable de la part du chef de l’Etat : en charge d’une tâche de prestige, notamment à l’international, il n’est pas en situation d’exercer le pilotage quotidien de la nation. Renforcer le Premier ministre reviendrait, de fait, à restaurer la mission essentielle du chef de l’Etat fondée sur la vision et la sagesse de celui qui fixe un cap de long terme, sans intervenir en permanence et à tout propos dans la vie publique.

La véritable réforme constitutionnelle dont la France a besoin n’est donc pas celle que propose M. Hollande consistant à calquer le régime français, quasiment à l’identique, sur le modèle américain. Elle consiste bien au contraire à restaurer les fondements gaulliens de la Ve République autour d’un chef de l’Etat impartial et garant de l’intérêt suprême de la Nation, notamment à l’international, d’un puissant Premier ministre charger de gouverner – réellement et efficacement – le pays sous le contrôle d’un Parlement souverain, élu indépendamment du président de la République, et non pas inféodé à ce dernier. La formule du retour au septennat présidentiel, un septennat rendu non renouvelable, serait à l’évidence un pas décisif dans la bonne direction.

Source : https://maximetandonnet.wordpress.com/

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