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AFP / ANWAR AMRO Des manifestants font face aux forces de l’ordre à Beyrouth, le 15 décembre 2019Des consultations parlementaires devant permettre d’avancer vers la formation d’un gouvernement au Liban ont de nouveau été repoussées, dans un contexte de tensions accrues après deux soirées de violences entre forces de l’ordre et manifestants.
Le Liban vit depuis deux mois au rythme d’un mouvement de contestation inédit contre l’ensemble de la classe dirigeante, accusée de corruption et d’incompétence, ayant entrainé la démission dès le 29 octobre du Premier ministre Saad Hariri.
Mais les tractations entre les partis au pouvoir trainent depuis, au grand dam des protestataires et alors que la situation socio-économique se dégrade dans ce pays déjà lourdement endetté et dont environ le tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Le président Michel « Aoun a répondu au souhait du Premier ministre Hariri de reporter les consultations parlementaires » à jeudi, a écrit la présidence dans un tweet.
DALATI AND NOHRA/AFP/Archives / – Une photo fournie par l’agence de photo libanaise Dalati et Nohra montrant le Premier ministre libanais Saad Hariri annonçant sa démission le 29 octobre 2019, à BeyrouthCes consultations, prévues par la Constitution, avaient été fixées dans un premier temps au 9 décembre –après plusieurs semaines de tergiversations ayant attisé la colère des manifestants– avant d’être reportées d’une semaine.
L’une des raisons du report est la réticence de certains blocs politiques –notamment les deux principales formations chrétiennes au pouvoir– à reconduire M. Hariri.
Dans un communiqué publié par son bureau de presse, M. Hariri a imputé le nouveau report à une volonté d’éviter le scénario de sa « désignation sans la participation d’un bloc chrétien de poids » au gouvernement.
– « Ce que veut le peuple » –
Les contestataires réclament inlassablement un cabinet composé exclusivement de technocrates et de personnalités indépendantes des partis traditionnels chapeautés par des chefs communautaires.
Les manifestants refusent aussi la reconduction de M. Hariri à son poste et quelques dizaines d’entre eux se sont rassemblés lundi près de son domicile.
AFP / ANWAR AMRO Un manifestant libanais frappe au pied dans une grenade lacrymogène lors de heurts avec des forces de l’ordre dans le centre-ville de Beyrouth, le 15 décembre 2019« Nous manifesterons ici jusqu’à ce qu’ils forment le gouvernement que nous voulons », affirme le militant Claude Jabre.
Pour Youssef, 27 ans, M. Hariri représente le vieux système politique qu’il veut voir disparaître. « Les consultations parlementaires devraient refléter ce que veut le peuple, pas ce que le Parlement et les autorités veulent. »
L’annonce du report des consultations intervient après une nouvelle soirée de violences dimanche près du Parlement à Beyrouth entre forces de l’ordre et manifestants.
La Croix-Rouge libanaise a dit à l’AFP avoir soigné 45 personnes sur place et « 28 personnes » ont été hospitalisées, selon son directeur Georges Kettané.
AFP / Maryam EL HAMOUCHI Dates-clés et principaux éléments de contexte des manifestations au Liban qui ont commencé le 17 octobreLe coordinateur spécial de l’ONU pour le Liban, Jan Kubis, a plaidé en faveur d’une enquête sur l' »usage excessif de la force », soulignant sur Twitter la nécessité d’une « identification des instigateurs de la violence ».
Les forces de sécurité intérieure (FSI) ont indiqué dans un communiqué que 29 policiers avaient été blessés durant les affrontements et l’armée a déploré des « actes de vandalisme et d’atteintes aux propriétés privées et publiques ».
Samedi soir, des dizaines de personnes avaient été blessées à Beyrouth, les forces de sécurité ayant fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.
Ces violences sont parmi les plus significatives depuis le début du mouvement de contestation.
La ministre de l’Intérieur, Raya al-Hassan, a reconnu lundi des « erreurs » et appelé à une « enquête ».
– « Famine » –
Le système politique au Liban, petit pays multiconfessionnel, doit garantir l’équilibre entre les différentes communautés religieuses. Mais cela entraîne souvent d’interminables tractations pour former un gouvernement.
AFP / ANWAR AMRO Des manifestants libanais utilisent les lumières de leurs téléphones portables, le 15 décembre 2019 dans le centre-ville de BeyrouthLe puissant mouvement chiite Hezbollah, qui fait partie du gouvernement démissionnaire, a maintes fois balayé l’idée d’un cabinet exclusivement formé de technocrates.
Son chef Hassan Nasrallah a plaidé vendredi pour un gouvernement alliant toutes les forces politiques sous la houlette de M. Hariri ou de toute autre personne approuvée par le Premier ministre sortant.
Les tergiversations se poursuivent tandis que la situation économique et financière s’est profondément dégradée.
Réunis mercredi à Paris, les principaux soutiens internationaux du Liban ont conditionné toute aide financière à la mise en place d’un gouvernement « efficace et crédible », et à des réformes « d’urgence ».
« Il faut que les autorités politiques se secouent », a renchéri le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
De son côté, le chef du Parlement libanais Nabih Berri, hué par la rue, a mis en garde lundi contre une « famine » en cas de prolongement de la crise, dans un entretien au quotidien Al-Akhbar.
La Banque mondiale prévoit une récession pour 2019 (au minimum -0,2%). La dette libanaise culmine à plus de 87 milliards de dollars, soit 150% du PIB, l’un des taux les plus élevés au monde. Et les craintes d’un défaut de paiement sont de plus en plus vives.