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Denis Tillinac, Denise Bombardier, Gabriel Matzneff, Le Consentement, pédophilie, Vanessa Springora

L’écrivain Gabriel Matzneff le 10 avril 2014 à Paris Photo : Getty Images / AFP / JACQUES DEMARTHON
Radio-Canada
Alors que le livre de Vanessa Springora, Le consentement, paraît aujourd’hui en librairie en France (le 3 février au Québec), Gabriel Matzneff et l’un de ses éditeurs réagissent dans différents médias français. L’écrivain, qui n’a jamais caché ses penchants pédophiles, n’exprime aucun regret.
Le consentement est le récit de la véritable histoire de Vanessa Springora, séduite par l’écrivain Gabriel Matzneff alors qu’elle n’avait que 14 ans, et lui 50. Le goût proclamé de l’homme, aujourd’hui âgé de 83 ans, pour les jeunes filles et les jeunes garçons est au cœur de l’ouvrage de l’autrice.
On peut lire un avertissement de la maison d’édition à la fin du livre : « La littérature se place au-dessus de tout jugement moral, mais il nous appartient en tant qu’éditeurs de rappeler que la sexualité d’un adulte avec une personne n’ayant pas atteint la majorité sexuelle est un acte répréhensible puni par la loi. »
Aucun regret de Matzneff
L’écrivain Gabriel Matzneff, qui n’avait exprimé aucun regret et qui avait dénoncé des « attaques injustes et excessives » dans des textos envoyés au journal Le Parisien la fin de semaine dernière, a écrit une réponse au livre de Vanessa Springora publiée intégralement par L’express, qui avait dévoilé cette controverse le 23 décembre dernier.
Dans ce texte, Gabriel Matzneff reproduit une lettre de ruptures qu’il dit avoir reçue de Vanessa Springora.
Aujourd’hui, j’apprends que Vanessa publie un livre sur nous. Non pas un livre à l’image de ce qu’ensemble nous vécûmes, mais un livre où, m’affirment ceux qui l’ont lu, elle trace de moi un portrait dénigreur, hostile, viré au noir, destiné à me nuire, à me détruire; où, utilisant un pesant vocabulaire psychanalytique, elle tente de faire de moi un pervers, un manipulateur, un prédateur, un salaud. Un livre dont le but est de me précipiter dans le chaudron maudit où ces derniers temps furent jetés le photographe Hamilton, les cinéastes Woody Allen et Roman Polanski.
Il dit avoir reçu la nouvelle de la publication du livre comme un coup de poignard au cœur. Il ajoute qu’il ne le lira pas.
Le puritanisme américain
L’un de ses éditeurs et amis, Denis Tillinac, s’est exprimé sur la controverse sur les ondes de la radio française Europe 1. Celui qui dirigeait les éditions La Table Ronde de 1992 à 2007 a expliqué qu’il avait refusé de publier les carnets intimes de Gabriel Matzneff, car les écrits mettaient en cause des mineurs.
Il faut se demander surtout pourquoi on publiait ça avant, sans que ça pose problème à personne. On est dans un phénomène de société. Il y a comme ça une espèce de puritanisme qui arrive des États-Unis. Je n’y adhère pas, mais je ne voulais pas publier ça. Donc je ne l’ai pas fait. Je l’aime bien lui. C’est un être fragile, ambivalent, il le savait bien que les gosses, ça ne me plaît pas. Peut-être parce que je suis père de famille. Et grand-père même.
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Denise Bombardier l’avait dénoncé
Lorsque la controverse a éclaté la semaine dernière, un extrait de l’émission française Apostrophes, animée par Bernard Pivot, à laquelle participaient Denise Bombardier et Gabriel Matzneff, a resurgi. À l’époque, Denise Bombardier avait été la seule à dénoncer les relations de l’auteur avec ses jeunes victimes. La Québécoise était choquée par les propos pédophiles de l’écrivain, et elle était intervenue avec véhémence pour les condamner. « J’ai fait ce que j’avais à faire », a-t-elle dit en entrevue avec Radio-Canada par Skype la semaine dernière.
À l’époque, Denise Bombardier, qui ne pensait qu’au sort des enfants, avait été violemment critiquée pour s’être opposée publiquement à Gabriel Matzneff. Elle a raconté qu’on l’avait traitée de « mal-baisée » et qu’on l’avait accusée d’être de l’extrême droite.
Dénoncé par certains
Depuis que la controverse a éclaté en France, plusieurs personnes ont pris la parole pour dénoncer l’écrivain. Le psychothérapeute et administrateur de l’Institut de la victimologie Pierre Lassus, notamment, a déclaré sur les ondes d’Europe 1 avoir tenté, il y a 20 ans, d’alerter l’Académie française, qui allait honorer Gabriel Mazneff. « Je trouvais que l’Académie française récompensant quelqu’un qui se vante, qui se glorifie de conquêtes de petits garçons et petites filles à la sortie du collège, c’était scandaleux. »
Le psychothérapeute souligne que Denise Bombardier avait réagi parce qu’elle est canadienne, et qu’elle a fait preuve d’un grand courage.
Ce qui est insupportable [dans l’extrait d’Apostrophe], c’est que tout le monde rigole de ça, tout le monde est complice sauf Bombardier. […] Au Canada, bien avant qu’on le fasse en France, on a pris conscience des maltraitances faites aux enfants, et notamment des agressions sexuelles.
Le psychothérapeute ajoute que Denise Bombardier en avait payé le prix à l’époque en étant mise sur une liste noire par le milieu littéraire, tout comme lui.
Pierre Lassus termine l’entrevue en expliquant qu’il a rencontré une autre victime de Gabriel Matzneff qui n’a pas voulu en parler ouvertement par peur de représailles.

