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La réforme des retraites s’inscrit dans une remise en cause générale du principe de solidarité, principe qui a pourtant permis à la France de s’élever au rang des nations les plus puissantes et les plus enviées. Cette réforme n’est pas si révolutionnaire qu’il y parait puisqu’elle entraine inéluctablement les français vers le système le plus commun à l’échelle mondiale, celui de tous les pays pauvres. Mais puisque la solidarité des pauvres fait obstacle à la toute puissance des très riches, cette réforme est inéluctable. Elle n’est évidemment qu’une étape vers le démantèlement des Etats-Nations.

Le pacte républicain institue une relation de confiance entre les français autour des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. La bienveillance artificielle entre citoyens qui en découle, garantie par la vigilance de l’Etat, crée une relation de confiance qui permet à chacun de se réaliser selon ses capacités. Cette confiance est dénuée d’arrière pensée tant que les délégations consenties aux « élites » s’inscrivent dans une efficacité dont l’intérêt général sort gagnant et que lesdites « élites » sont sélectionnées selon leurs aptitudes à gérer la chose publique. Mais cette situation est périlleuse car la délégation formelle de pouvoir entraine une asymétrie cognitive : moins formé et moins informé, le vulgum pecus perd tout levier sur les hommes qui prennent des décisions à sa place et monopolisent la parole publique. La nation y gagne tant que ses dirigeants agissent dans l’intérêt général mais que ce passe-t-il dès lors que ce n’est plus le cas ?
C’est la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui : protégé par une constitution qui ne prévoit pas que les dirigeants de la France puissent agir contre l’intérêt des français, un groupe d’individus sape les fondations du pacte républicain. Par bêtise, conviction ou cupidité, sans doute les trois à la fois, ce groupe démonte tous les principes de solidarité qui ont transformé la France en une nation moderne et riche. Stupides ou cyniques, ils agissent selon une supposée idéologie mondialiste qui sert en réalité de cache sexe à une prédation décomplexée ; ils sont aisément reconnaissables à leurs discours qui vouent les français aux gémonies pour leurs supposés crimes coloniaux, leur empreinte carbone, leur culte du progrès, leur existence même. Le procès est à charge et ceux qui oseraient défendre l’accusé sont immédiatement taxés de populisme, de négationnisme et de toutes ces étiquettes désagréables dont la distribution constitue le fond de commerce des prescripteurs de certitudes.
En réalité, nos politiques ne sont que des relais pour la volonté de gens qui inscrivent leurs choix dans une stratégie destinée à éradiquer les obstacles à leur toute puissance. Qu’ils agissent sous la contrainte de révélations scandaleuses, selon leurs convictions ou par cupidité importe finalement assez peu puisque ces politiques trahissent les personnes qui paient leurs émoluments, y compris leur formation. La perception de cette trahison exige un détachement par rapport au discours ambiant. Ainsi, les expressions « justice sociale », « progrès social », etc. constituent des contresens par rapport à la réalité.
S’agissant des retraites, le modèle imposé n’a rien de révolutionnaire : à terme, il s’agit ni plus ni moins que du modèle en vigueur dans tous les pays pauvres du monde, un modèle ou chacun doit se débrouiller pour mettre de l’argent de côté – auprès d’une assurance ou d’une banque – pour faire face aux accidents de la vie, selon ses moyens, en espérant que l’institution qui collecte les fonds ne fera pas défaut sur 60 ans. Sacré pari ! Ce modèle, négation même des principes de solidarité qui ont permis à la France de devenir un Etat puissant, contraindra les pauvres à travailler jusqu’à la mort. En créant de la précarité, il réduira encore davantage les marges de négociations de ceux qui vendent leur force de travail. Enfin, en imposant les assurances et les banques comme intercesseurs dans tous les systèmes de redistribution, ce système permettra d’éradiquer le principal obstacle à la toute puissance de riches : la solidarité des pauvres.
Est-ce ce que nous voulons pour la France et les français ? Le résultat d’un tel choix, à moyen terme, est évidemment une paupérisation généralisée des classes laborieuses, au sens large. Il ne s’agit évidemment que d’une étape sur le chemin de la toute puissance des très riches. La prochaine étape étant à n’en point douter la substitution d’un droit de contrat, négocié de gré à gré entre l’employé et l’employeur, en lieu et place du droit positif imposé à l’employeur par l’Etat. Et alors, l’Etat nation, protection des pauvres et des faibles contre la prédation des puissants, aura vécu. L’ère de la toute puissance des riches s’ouvrira. Il suffit de lire les œuvres de Zola, de Victor Hugo, d’Albert Londres, pour savoir ce qui nous attend.