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Bernie Sanders s’est adressé à ses partisans lors de la soirée des caucus, le 3 février 2020, à Des Moines, en Iowa.Photo : AFP
Six heures après le début des caucus de l’Iowa, qui inauguraient lundi la longue saison des caucus et des primaires, l’identité du candidat victorieux restait encore inconnue le lendemain matin. Ce n’est pas qu’aucun gagnant ne soit ressorti du lot : les organisateurs locaux ont en fait échoué à divulguer quelque résultat que ce soit.
Vers 2 h HNE, mardi, les leaders démocrates de l’Iowa ont dit [s]’attendre d’être en mesure
de dévoiler les résultats dans le courant de la journée.
CNN et le New York Times
ont fait état de l’insatisfaction des campagnes des candidats, qui n’ont pas obtenu de la part du Parti démocrate de l’Iowa des explications précises sur les causes du cafouillage. Des sources des deux médias et du Washington Post affirment que ses représentants ont même abruptement mis fin aux appels lorsque les campagnes demandaient quand pourraient être communiqués les résultats.
Tardant également à expliquer les retards, les instances locales de la formation ont dans un premier temps invoqué la difficulté à faire état pour la première fois de trois types de résultats. Dans un communiqué subséquent, elles ont précisé qu’elles devaient vérifier manuellement les traces écrites des votes en raison d’incohérences
dans les trois types de résultats recueillis, précisant que le problème ne venait pas d’une opération de piratage.
Le Parti démocrate de l’Iowa a expliqué les délais par la volonté de s’assurer de l’exactitude
des résultats. Les votes étaient censés être calculés et communiqués grâce à une application de téléphone intelligent créé spécialement pour ces caucus.
On connaîtra éventuellement le nombre de délégués obtenus par chaque candidat, mais pour la première fois, deux autres résultats seront dévoilés : le nombre de voix obtenues par chaque candidat dans les quelque 1700 lieux de vote au premier tour et, enfin, le nombre de voix pour chacun au deuxième tour.
Signe, peut-être, de résultats moins bons qu’espérés, l’équipe de campagne de l’ex-vice-président Joe Biden a exprimé dans une lettre aux responsables locaux ses préoccupations devant les failles considérables
du système, réclamant la possibilité de répondre avant la publication de tout résultat officiel
.
Les organisateurs de la campagne de la sénatrice du Massachusetts Elizabeth Warren ont d’ailleurs affirmé que leurs données indiquaient qu’il était loin derrière le trio de tête.
Des discours aux accents victorieux, d’autres plus modestes
Les candidats ont été contraints de s’adresser à leurs partisans avant que les résultats ne soient divulgués.
Meneur dans les intentions de vote en Iowa, le sénateur indépendant du Vermont Bernie Sanders s’est montré très optimiste. Lorsque ces résultats seront annoncés, j’ai le sentiment que nous allons nous en sortir très, très bien, ici en Iowa
, a-t-il lancé, promettant de s’attaquer aux inégalités. Celui qui se dit socialiste démocrate a du même souffle attaqué le menteur pathologique
à la Maison-Blanche.
Aujourd’hui marque le début de la fin pour Donald Trump, le président le plus dangereux de l’histoire américaine moderne.
Beaucoup plus prudent, Joe Biden, que les sondages plaçaient au deuxième rang, a dit être là pour le long terme
. Tout indique que ce sera serré. Nous allons sortir d’ici avec notre part de délégués
, a-t-il laissé tomber, s’en prenant par la suite à Donald Trump.
Tout ce que notre nation représente est en jeu
, a-t-il soutenu, se disant prêt à affubler son éventuel adversaire républicain d’un nouveau surnom – l’ex-président Trump
.
Inconnu il y a quelques mois à peine, Pete Buttigieg, ex-maire d’une petite ville de l’Indiana, a pour sa part affiché sa confiance. Ce soir, un espoir improbable est devenu une réalité indéniable
, a-t-il soutenu, disant bâtir sur ses résultats pour la primaire du New Hampshire, la semaine prochaine.
Nous ne connaissons pas tous les résultats, mais nous savons qu’au moment où ce sera fait, Iowa, vous aurez surpris la nation.
Selon toute vraisemblance, nous partons victorieux dans le New Hampshire.
Premier candidat ouvertement gai à briguer l’investiture d’un des deux grands partis américains, il a encouragé ses partisans à applaudir le futur premier gentleman des États Unis
.
Avant lui, Elizabeth Warren avait soutenu que cette première soirée électorale, même si les résultats restaient en suspens, avait déjà montré que les Américains ont une grande soif de grands changements structurels
.
Ce soir, vous avez montré que lorsque vous imaginez une Amérique à la hauteur de ses idéaux, vous pouvez mettre en route le processus de sa réalisation
, s’est-elle exclamée.
Première à prendre la parole, un peu avant 23 h30 HNE, la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar a fait valoir que sa performance dépassait les attentes, se présentant comme une rassembleuse capable de battre le président républicain.
Le pire cauchemar de Donald Trump est de voir nos démocrates enthousiastes aux côtés d’une coalition d’indépendants et de républicains qui en ont marre
, a déclaré Mme Klobuchar. J’ai un guide qui tient en trois mots : unir et diriger
.
Elle s’est en outre moquée du président, l’accusant de blâmer tout le monde tout le temps : Il a même blâmé Justin Trudeau pour l’avoir coupé de “Maman, j’ai encore raté l’avion”. Qui fait ça?
, a-t-elle lancé en riant.
Un peu après 1 h 30 HNE, l’équipe de campagne de Bernie Sanders a par ailleurs décidé de prendre les devants en diffusant des résultats préliminaires.
Selon ces chiffres, Bernie Sanders, avec des résultats dans 40 % des lieux de vote, aurait remporté 29 % des délégués de l’État, devant Pete Buttigieg, avec 26 % et Elizabeth Warren, avec 18 %. Joe Biden ne viendrait qu’au 4e rang, avec 15 % des délégués, suivi d’Amy Klobuchar, avec 11 %.
En raison du fonctionnement particulier des caucus, notamment, les sondages pouvaient laisser présager que Bernie Sanders émergerait du lot, figurerait au centre d’un duel avec son plus proche rival, Joe Biden, ou encore que l’Iowa s’avérerait plutôt un champ de bataille où Pete Buttigieg et Elizabeth Warren viendraient transformer le scrutin en lutte à quatre.
Un processus compliqué
Ce n’est pas le nombre de voix exprimées dans l’ensemble de l’État qui comptera au final, mais bien le pourcentage d’appuis obtenus dans les lieux de vote de chacun des districts, à l’issue des deux rondes.
Pour remporter des délégués dans une assemblée, un candidat doit avoir obtenu 15 % des appuis, quoique le seuil soit un peu plus élevé dans les lieux de vote comptant moins d’électeurs.
Il y avait dans chaque lieu de vote un premier tour, à l’issue duquel les partisans des candidats qui ont franchi le seul de viabilité n’étaient lus autorisés à changer d’idée. Les autres pouvaient ensuite tenter de convaincre d’autres électeurs d’appuyer leur candidat afin qu’il obtienne 15 % des appuis ou se rallier à un autre candidat. Ce sont ces résultats qui comptent dans l’attribution des délégués.
L’Iowa n’enverra que 41 délégués voter au premier tour de la Convention nationale démocrate en juillet prochain, soit à peine 1 % du total de 3979 délégués.
Sa place privilégiée dans le calendrier lui confère toutefois une importance stratégique et symbolique. Ce premier test électoral accapare l’attention médiatique et peut donner un élan à la campagne d’un candidat, envoyant un message séduisant aux électeurs des États subséquents et aux précieux donateurs.
Le cafouillage survenu lundi alimentera à coup sûr les critiques de ceux qui déplorent le poids démesuré de l’Iowa dans le choix du candidat à la présidence. État peu populeux à la démographie peu représentative de la population américaine et à plus forte raison l’électorat démocrate, l’Iowa compte beaucoup plus de Blancs et est davantage rural.
Les instances nationales du Parti démocrate, qui auraient voulu privilégier les élections primaires dans tous les États, ont eu gain de cause dans plusieurs États, se heurtant cependant à un refus dans une poignée de territoires et d’États, dont l’Iowa.
Ironiquement, les changements dans le type de résultats annoncés ont été apportés dans la foulée des caucus démocrates de 2016, qui avaient notamment opposé l’ex-secrétaire d’État Hillary Clinton à Bernie Sanders, qui, à l’issue d’une lutte très serrée, avait dénoncé le manque de transparence dans la transmission des résultats.
Le dirigeant de la campagne du président sortant, Brad Parscale, a raillé la déconvenue des démocrates sur Twitter, demandant s’il s’agissait d’une façon de truquer le processus.
Avec 97 % des voix dans 95 % des lieux de vote, Donald Trump a par ailleurs facilement remporté les caucus républicains de l’Iowa, qui n’étaient pour le président sortant qu’une formalité.
Prochaine étape la semaine prochaine
Les candidats s’affronteront de nouveau mardi prochain lors de la primaire du New Hampshire, où Sanders mène, devant Biden, Warren et Buttigieg, selon la moyenne des plus récents sondages.
Pour les élections subséquentes, à la fin du mois, l’ancien vice-président sous Barack Obama devance ses adversaires dans les intentions de vote, au Nevada, mais particulièrement en Caroline du Sud, qui compte une importance population afro-américaine et où il jouit d’une confortable avance.
Dans un mois, ce sera le super mardi, la journée du calendrier électoral qui rassemble le plus grand nombre d’États – une quinzaine. Environ 35 % des délégués seront alors attribués. La Californie, grand prix des caucus et des primaires, et le Texas, fournissent à eux deux près de 650 délégués