Edouard Husson : En fait, je ne suis pas d’accord avec cette idée d’union nationale comme elle nous est assenée par LREM. Si vraiment Emmanuel Macron voulait l’union sacrée, par analogie avec un temps de guerre, il fallait alors qu’Emmanuel Macron demande à Edouard Philippe de lui présenter la démission de son gouvernement et de reformer un gouvernement incluant le plus large rassemblement possible des forces politiques. Tant qu’Emmanuel Macron ne propose pas un gouvernement de rassemblement de la majorité et de l’opposition, il est compliqué pour lui de reprocher à l’opposition de faire un travail d’opposition. Je trouve d’ailleurs que l’opposition n’est pas très virulente et ne brille pas par sa clairvoyance. L’opposition s’est discréditée en refusant la bonne idée du Président, suspendre les élections municipales. Nous sommes donc dans une impasse, mauvaise pour la cohésion nationale. D’un côté un président qui joue au chef de guerre mais sans gouvernement d’union nationale. De l’autre une opposition qui n’en est pas une. Il est normal à ce moment là que le débat échappe aux politique et se judiciarise. Edouard Philippe et Olivier Véran ont tâché, dans leur conférence de presse, de rectifier le tir et de commencer à tenir compte des critiques. Mais ce n’est qu’un début. Il faudra d’ailleurs qu’on nous dise, quelle parole l’emporte, de celle du Premier ministre, qui concède que tout n’a pas été optimal. Ou du Président, droit dans ses bottes quand il s’adresse à la presse italienne.
La crise sanitaire actuelle nous pousse à écouter les avis d’experts pour autant faut-il oublier le bon sens ? Comment trouver la juste équation ?
« La guerre est une chose trop sérieuse pour la laisser aux militaires » disait Clemenceau par boutade. La façon dont le gouvernement a répété suivre l’avis des scientifiques est assez peu en phase avec la réalité de la politique. L’homme d’Etat est celui qui écoute tous les experts puis décide, selon une synthèse, une vue globale. Le bon sens est essentiel à la décision politique. Mais il y faut plus, il y faut la culture générale et l’expérience. Je crois cependant que ce qui fait le plus défaut, actuellement, en France, c’est la compréhension de ce qu’est l’autorité politique. Clemenceau savait qu’une fois que les militaires ont parlé, il reste au chef du gouvernement ou au chef de l’Etat à prendre une décision, éventuellement contre l’avis des experts. Que se passera-t-il si Emmanuel Macron veut éviter l’aggravation de la situation économique et souhaite mettre fin au confinement alors que les médecins réclament un mois de plus? Ce sera à lui de décider. Mais il n’a pas frappé ces dernières semaines par son courage face aux résistances du système politique et de l’administration. Emmanuel Macron avait marqué le début de son quinquennat par un caprice autoritaire face au chef d’Etat Major des Armées. Mais il ne semble pas avoir réussi jusqu’à présent à exercer l’autorité qui sied à sa fonction. Une crise comme celle du COVID 19 est cruelle car ellle demande une vision intégrée de tous les besoins, médicaux, sanitaires, économiques, militaires etc…
Mme et Monsieur tout le monde n’ont certes pas forcément raison, mais n’est-ce essentiel de prendre en compte les opinions divergentes ? N’est-ce pas ce qu’on récemment prouvé les anglo-saxons qui réclamaient un confinement même si ce n’était pas la solution choisie par leur gouvernement ? N’est-ce pas ainsi que l’on est amené à trouver la solution optimale et que l’on échappe aux biais cognitifs ?
Les pays de culture anglaise ont une vraie culture du leadership et du management. En français on dira du commandement et de l’administration ou de la gestion. Mais ces trois termes montrent bien la problème. Le commandement est militaire, l’administration est étatique, la gestion est économique. Leadership et management renvoient à tous les secteurs, le public comme le privé, le civil comme le militaire. Et le leadership de culture anglophone inclut la capacité à mobiliser un travail d’équipe. Transposé au plan politique, il implique de ne jamais aller contre l’opinion quand celle-ci exprime le « common sense ». Par contraste, le plus frappant chez nos gouvernants est leur difficulté à faire travailler l’ensemble des secteurs concernés dans une stratégie intégrée et, surtout, à faire confiance aux initiatives de terrain. En somme, il faut être capable, lorsque l’on veut gouverner un pays aussi complexe que nos sociétés modernes, de jouer sur trois claviers: la collecte des expertises, l’alimentation du débat public par l’opinion et la capacité d’arbitrage politique.