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Photo officielle de Rick Bright, regardant la caméra et souriant légèrement.

Rick Bright a été rétrogradé le mois dernier. Photo : Associated Press / Département américain de la Santé et des Services sociaux

 

 

Sophie-Hélène Lebeuf

L’ex-directeur de l’agence gouvernementale américaine chargée du développement de traitements contre le coronavirus, Rick Bright, allègue que l’administration Trump a ignoré les avertissements qu’il avait formulés dès janvier. Le lanceur d’alerte attribue en outre sa rétrogradation récente à ses préoccupations entourant un médicament promu par le président américain.

Dans sa dénonciation de 89 pages, le Dr Bright, qui dirigeait l’Autorité pour la recherche et développement avancés dans le domaine biomédical (BARDA) depuis 2016 jusqu’à sa rétrogradation le 20 avril dernier, déplore l’inaction de sa hiérarchie au moment où le virus se propageait à l’extérieur de la Chine.

Il soutient s’être heurté à une indifférence qui s’est ensuite transformée en hostilité de la part des dirigeants politiques du département de la Santé et des Services sociaux (HHS), dont le secrétaire Alex Azar, lorsqu’il a exprimé ses inquiétudes concernant l’état de préparation des États-Unis pour faire face à la COVID-19 et la nécessité d’agir de façon urgente, en début d’année.

La plainte avance en outre que le Dr Bright a appelé au développement rapide de traitements et de vaccins contre la COVID-19, réclamant du financement, du personnel et des échantillons du virus auprès de la Chine à des fins de recherche.

Il a également sonné l’alarme quant à la pénurie prévisible de masques médicaux N95, de respirateurs et de seringues dès janvier, à une période pendant laquelle les dirigeants politiques du département semblaient, selon lui, sous-estimer la menace.

Il aurait par la suite été exclu des réunions consacrées au virus.

Il était évident que les demandes répétées du Dr Bright en faveur d’une action urgente afin de répondre à la pandémie avaient provoqué un « bordel » et une « agitation » qui n’étaient pas les bienvenus dans le bureau du secrétaire du département de la Santé et des Services sociaux.

Extrait de la dénonciation

Le scientifique avait déjà exprimé ses préoccupations sur la place publique le mois dernier. Des responsables gouvernementaux avaient ensuite lancé une série d’allégations à son encontre, l’accusant entre autres d’avoir mal géré l’agence. Son plus récent rapport d’évaluation, en mai 2019, qu’ont obtenu le Washington Post et CNN, était pourtant élogieux, selon ces deux médias.

Une rétrogradation politique

Dans sa dénonciation, Rick Bright répète que l’expression de ses préoccupations quant à l’hydroxychloroquine, vantée publiquement par le président américain, a mené à sa rétrogradation.

Ses avocats réclament son retour à la tête de la BARDA et la tenue d’une enquête. Ses efforts pour donner la priorité à la science et à la sécurité plutôt qu’à l’opportunisme politique et pour dénoncer les pratiques présentant un risque important pour la santé et la sécurité publiques, en particulier en ce qui concerne la chloroquine et l’hydroxychloroquine, ont irrité ceux qui, au sein de l’administration, souhaitaient continuer à faire circuler ce faux récit, affirment-ils dans la plainte de leur client.

Le président Trump a fréquemment prétendu que l’hydroxychloroquine, utilisé pour traiter le paludisme, la polyarthrite rhumatoïde et le lupus, pourrait révolutionner la lutte contre le coronavirus, ce qui a suscité les mises en garde de plusieurs experts.

Le Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques (FDA) a notamment lancé un avertissement selon lequel il ne fallait pas l’utiliser à l’extérieur du contexte d’un hôpital ou d’un essai clinique.

Au cours d’un appel avec des journalistes américains, le Dr Bright a insisté sur l’importance des données scientifiques.

Je ne pouvais pas, en toute conscience, ignorer les recommandations scientifiques visant à limiter l’accès à ces médicaments [aux patients bénéficiant] de la supervision d’un médecin et laisser plutôt l’ambition politique et les échéanciers prendre le pas sur le jugement scientifique.

Rick Bright

Le scientifique allègue en outre avoir résisté aux pressions de Robert Kadlec, à la tête du bureau chargé de la préparation et de la gestion des situations d’urgence, et à celles d’autres responsables pour qu’il achète des médicaments et des produits médicaux d’urgence auprès d’entreprises liées politiquement à l’administration.

Ici Radio Canada