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 L’abstention record, la forte poussée du vote écologiste et le besoin de renouvellement du personnel politique ont marqué le second tour, dimanche 28 juin.

 

 

Loin de perdre en intensité, les turbulences qui affectent depuis quelques années le paysage électoral s’accentuent. Marqué par un taux d’abstention record, une forte poussée écologiste et la chute de plusieurs grands bastions, le second tour des élections municipales, qui s’est déroulé dimanche 28 juin, est à la fois atypique et révélateur. Atypique, parce que l’élection aura été marquée de bout en bout par la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19. Révélateur, parce qu’il met en lumière l’importance de l’attente écologiste dans un contexte qui reste celui d’une profonde crise démocratique.

Des études fines seront nécessaires pour comprendre pourquoi 59 % des électeurs qui étaient appelés, dimanche, à élire leurs conseillers municipaux ont préféré faire autre chose. Ont-ils eu peur de se faire contaminer par le virus ? Ont-ils voulu signifier à leurs dirigeants qu’ils ne comprenaient pas le sens de cette impossible campagne placée, pendant trois mois, sous le sceau du confinement puis des mesures de distanciation physique ? Ont-ils souhaité marquer leur indifférence croissante au processus électoral de quelque nature qu’il soit ? Le résultat, en tout cas, est là, alarmant par son ampleur.

Jamais l’abstention n’aura atteint un tel niveau sous la Ve République pour une élection qui était, jusqu’à présent, considérée comme la préférée des Français : le maire est l’élu de proximité par excellence, et il restait, jusqu’à ce dimanche, relativement épargné par la défiance qui affecte tous les autres représentants. Au vu du séisme qui vient de se produire, aucun parti ne peut s’exonérer d’une profonde réflexion visant à rénover l’offre et les pratiques politiques.

La forte poussée du vote écologiste s’inscrit dans ce contexte. Arrivés en troisième position lors des européennes de 2019, les Verts n’imaginaient pas qu’un an plus tard, à la tête de coalitions de gauche, ils seraient choisis pour gérer Marseille et Lyon, soit la deuxième et la troisième ville de France, mais aussi Bordeaux, Strasbourg, Tours, Poitiers, Besançon, Annecy. Loin d’avoir remisé au second plan l’urgence écologique, le confinement a, au contraire, accéléré la prise de conscience des citadins, en particulier dans les métropoles.

A Paris, Anne Hidalgo l’a vite compris. D’autres maires sortants ont eu du mal à l’intégrer. Irrépressible, la vague a provoqué la chute de quelques bastions à très haute valeur symbolique : fin de l’ère Collomb à Lyon, effondrement du système Gaudin à Marseille, mise en pièce de l’héritage Juppé à Bordeaux. A chaque fois, des quasi-inconnus, investis par leurs électeurs du devoir d’agir vite et fort pour lutter contre le réchauffement climatique, ont ébranlé l’ordre établi, renforçant l’impression de coup de balai donné par ce second tour. Bousculé, Emmanuel Macron, dont le parti essuie un grave revers, voit surgir sur sa gauche une offre politique attractive à défaut d’être encore structurée. La droite, quant à elle, résiste dans les villes moyennes.

La tenaille se resserre, l’obligeant à tirer de ce scrutin typiquement local une rapide leçon nationale. Le président de la République n’a plus le choix, il doit verdir sa politique. Cela commence par la décision annoncée, lundi 29 juin, de recourir à des référendums pour faire adopter les textes les plus importants parmi les 150 mesures préconisées par la convention citoyenne sur le climat. Le président devra ensuite trancher, très vite, sur le maintien, ou non, de son premier ministre. Son choix est d’autant plus cornélien que l’homme fort du couple exécutif reste plus que jamais Edouard Philippe, élu au Havre avec près de 59 % des suffrages exprimés.

Le Monde