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Les critiques sont vives depuis que de nouvelles révélations mettent en exergue l’irrespect du président pour des soldats tombés pour le pays

Valérie de Graffenried

La polémique s’enflamme. Depuis la révélation, par The Atlantic,que Donald Trump a annulé sa visite d’un cimetière américain dans l’Aisne en novembre 2018 parce qu’il n’y voyait aucun intérêt – «Pourquoi devrais-je aller dans ce cimetière? C’est rempli de losers», aurait-il déclaré -, les réactions sont vives. L’histoire est ancienne. Elle remonte aux commémorations des 100 ans de la fin de la Première guerre mondiale. Mais dans un pays où les anciens combattants sont régulièrement honorés, l’affaire, sensible, l’est encore davantage quand elle sort dans un contexte tendu, à quelques semaines de l’élection présidentielle. Ce n’est par ailleurs pas la première fois que le président américain choque par son irrespect envers des soldats tombés pour le pays. 

«Lâche» et «déloyal»

Sully Sullenberger, le pilote qui a réussi un amerrissage d’urgence sur l’Hudson River en 2009, un héros national, fait partie de ceux qui ont exprimé leur indignation. Sur Twitter, cet ancien combattant, comme son père, ne mâche pas ses mots. «Pour la première fois dans l’histoire américaine, un président a fait preuve à plusieurs reprises d’un mépris et d’un manque de respect total et vulgaire envers ceux qui ont servi et sont morts pour notre pays (…). Bien que je ne sois pas surpris, je suis dégoûté par l’occupant actuel du Bureau ovale. Il s’est montré à maintes reprises et de manière constante totalement inapte et irrespectueux de la fonction qu’il occupe», écrit-il, en appelant à voter contre lui. Et d’ajouter: «Il ne peut pas comprendre l’altruisme parce qu’il est égoïste. Il ne peut concevoir le courage parce qu’il est lâche. Il ne peut ressentir le devoir parce qu’il est déloyal».https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-0&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1301998157404962823&lang=fr&origin=https%3A%2F%2Fwww.letemps.ch%2Fmonde%2Fpropos-trump-danciens-combattants-ne-passent&siteScreenName=letemps&theme=light&widgetsVersion=219d021%3A1598982042171&width=550px

Donald Trump avait prétexté de mauvaises conditions météorologiques pour annuler sa visite, en affirmant que son hélicoptère ne pourrait pas voler. Mais, selon The Atlantic, il aurait en réalité déclaré à des membres de son équipe qu’il craignait que sa coiffure en prenne un coup et qu’il ne voulait pas perdre son temps à rendre hommage à des «losers» et des «suckers» (que l’on peut traduire par «pigeons»). Les quatre sources qui en font état sont anonymes. Abonnez-vous à cette newsletter J’accepte de recevoir les offres promotionnelles et rabais spéciaux.

Pris dans un tourbillon de critiques, Donald Trump a vivement réagi, en niant avoir tenu ces propos. Il accuse The Atlantic de fabriquer de «fausses histoires» pour survivre. Très vite, la contre-attaque s’est organisée. Plusieurs membres ou ex-membres de son équipe, présents lors du déplacement en France, démentent l’affaire, ou du moins affirment ne pas l’avoir entendu tenir ces propos dégradants. C’est même le cas de John Bolton, ancien conseiller à la sécurité nationale limogé par Trump, pourtant en pleine promotion d’un livre dans lequel il règle ses comptes avec son ex patron.

Donald Trump a été jusqu’à exiger le licenciement d’une journaliste de Fox News, qui a confirmé les révélations de The Atlantic. Et vendredi, c’est Melania Trump, habituellement très discrète, qui est venue à la rescousse de son mari, sur Twitter. «L’heure devient très grave lorsque l’on croit avant tout des sources anonymes, sans que personne ne connaisse leurs motivations. Ce n’est pas du journalisme – c’est du militantisme. Et ce n’est pas rendre service aux habitants de notre grande nation», a-t-elle souligné. 

John McCain visé

Mais si la polémique a pris si rapidement, c’est bien parce que Donald Trump a déjà tenu des propos similaires. En 2015, en pleine campagne présidentielle, il s’en était par exemple pris violemment au sénateur républicain John McCain. En octobre 1967, son avion a été touché par un missile au Vietnam. Capturé, John McCain a été fait prisonnier pendant cinq ans et a été torturé. Donald Trump, exempté de la Guerre du Vietnam grâce à une excroissance au pied, n’avait rien trouvé de mieux que de lui contester son statut de héros de guerre, car il n’«aime pas les gens qui ont été capturés». Le président du parti républicain de l’époque avait dû réagir en précisant qu’il n’y avait «pas de place dans notre parti ou notre pays pour des commentaires qui dénigrent ceux qui ont servi honorablement dans l’armée». 

Donald Trump a tenté par la suite de minimiser ses propos. Mais quand John McCain est décédé en août 2018, il l’a une nouvelle fois qualifié de «loser». Le président n’était pas invité à son enterrement. Cindy McCain, la veuve, est intervenue dans le récent débat. Avec dignité: elle a rendu hommage aux quatre générations de la famille qui se sont battus pour le pays. Elle a indirectement participé à la récente Convention nationale démocrate, en commentant des images démontrant l’amitié qu’entretenaient son mari et Joe Biden.

Le candidat démocrate à la Maison-Blanche a d’ailleurs réagi de manière viscérale aux révélations de The Atlantic, offusqué par le comportant anti-patriotique du président. «Comment vous sentiriez-vous si vous aviez un enfant en Afghanistan en ce moment? Comment vous sentiriez-vous si vous perdiez un fils, une fille, un mari, une femme?», a-t-il fustigé, lors d’une conférence, alors que son fils Beau a combattu en Irak. Son équipe de campagne a profité de la controverse pour diffuser un petit clip, avec le message suivant à l’adresse de Donald Trump: «Si vous ne respectez pas nos troupes, vous ne pouvez pas les diriger».

Cette affaire intervient alors que le président entretient des relations tendues avec les hauts gradés du Pentagone. Un des derniers exemples en date est le limogeage du chef de l’US NAVY, qui ne voyait pas d’un bon oeil l’intervention de Donald Trump en faveur d’un Navy Seal accusé de crimes de guerre. Récemment, le débat autour du recours aux troupes pour maîtriser des manifestants dans le cadre de tensions raciales a également provoqué des crispations. Le New York Times rappelle qu’un nouveau sondage du Military Times démontre que Joe Biden récolte 41% d’avis favorables au sein de troupes en service actif contre 37% pour Donald Trump, «ce qui constitue un changement radical par rapport au soutien de longue date de l’armée aux républicains et un signe de danger pour le président». 

Le Temps