Étiquettes

, , ,

La Maison Blanche a mis en scène un accord économique entre la Serbie et le Kosovo pour obtenir l’ouverture de leurs ambassades à Jérusalem.

Par Jean-Baptiste Chastand

La signature à Washington de l’accord entre Donald Trump, le président serbe, Aleksandar Vucic, et le premier ministre kosovar, Avdullah Hoti, a laissé pantois dans les Balkans, tant les deux derniers ont semblé les figurants d’une mise en scène soigneusement organisée, vendredi 4 septembre, par le président américain et, à distance, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou. La question des Balkans est passée au second plan, éclipsée par l’annonce de l’ouverture future des ambassades des deux pays à Jérusalem.

Désigné comme un accord de « normalisation économique » par M. Trump, il s’agit de la reprise des accords déjà signés en mars sur l’ouverture d’une ligne ferroviaire et aérienne entre Belgrade et Pristina, mais toujours pas appliqués, comme nombre d’accords entre les deux capitales dans le passé, alors que Belgrade n’a jamais reconnu l’indépendance, déclarée en 2008, de l’ancienne province autonome yougoslave.

Il prévoit aussi la reconnaissance mutuelle des diplômes universitaires ou encore la participation du Kosovo à la zone de libre circulation actuellement en négociation dans les Balkans. Les deux pays doivent aussi cesser pendant un an leur guerre diplomatique autour de la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo par les autres pays du monde et les institutions internationales.

« Un grand jour pour la paix au Proche-Orient »

Mais l’objectif réel de Washington a vite transpiré de la cérémonie de signature organisée dans le bureau Ovale. Donald Trump a notamment appelé le premier ministre israélien en direct pour discuter du point de l’accord qui lui tient le plus à cœur : la reconnaissance mutuelle d’Israël et du Kosovo, et le déplacement de l’ambassade de Serbie à Jérusalem. « Ces gars [les Kosovars et les Serbes] ont combattu pendant des années, vous et les Palestiniens, ce n’est rien comparé à eux », a expliqué le président américain devant un premier ministre kosovar visiblement mal à l’aise.

M. Trump a également tweeté qu’il s’agissait « d’un grand jour pour la paix au Proche-Orient ». « Le Kosovo à majorité musulmane et Israël ont accepté d’établir des relations diplomatiques. D’autres nations arabes et islamiques vont suivre bientôt », a-t-il promis, ignorant visiblement la nature laïque de l’Etat kosovar et son identité non arabe. Benyamin Nétanyahou a aussi assuré que le Kosovo, dont Israël s’était toujours refusé à reconnaître l’indépendance, serait « le premier pays à majorité musulmane à ouvrir une ambassade à Jérusalem ».

Belgrade et Pristina ont d’ailleurs signé séparément deux accords différents sur ce point avec Washington, et non ensemble, ce qui a permis au président Vucic d’assurer à la sortie de la Maison Blanche qu’il était toujours hors de question de reconnaître l’indépendance du Kosovo. De quoi relativiser les perspectives de normalisation des relations entre la Serbie et son ancienne province à majorité albanaise.

L’envoyé spécial de M. Trump pour les Balkans, l’ancien ambassadeur américain à Berlin Richard Grenell, a vanté sa méthode consistant à concentrer les négociations sur les sujets économiques plutôt que politiques. « C’est une normalisation économique, les Européens vont être très contents », a-t-il assuré, alors que des négociations sont menées en parallèle à Bruxelles sous l’égide de l’UE.

Le Monde