Alors qu’il est légitime de s’interroger sur l’impact économique, écologique et sécuritaire de la technologie de téléphonie de cinquième génération, celle-ci se retrouve au cœur de polémiques sans fin.

« 5G ». Il y a quelques mois encore, l’immense majorité des Français aurait été incapable de dire ce que cet acronyme recouvre précisément. Aujourd’hui, la technologie de téléphonie de cinquième génération se retrouve au cœur de polémiques sans fin. Elles peinent à éclairer un débat qui, pourtant, n’a jamais été aussi indispensable.

A la veille de l’attribution des fréquences qui permettront aux opérateurs de déployer cette innovation, il est temps que s’ouvre enfin une réflexion apaisée et argumentée, aussi bien sur ses avantages que sur ses inconvénients.

Graal technologique capable de nous faire définitivement basculer dans l’univers prometteur du tout-connecté pour les uns, la 5G représente pour d’autres l’étape de trop dans une course folle au progrès, qui menace notre environnement, notre santé et le bon fonctionnement de nos sociétés démocratiques. Les échanges caricaturaux auxquels se sont livrés ces derniers jours partisans et adversaires de cette technologie ne sont pas à la hauteur des enjeux.

« Circulez, il n’y a rien à voir ! »

Tandis qu’une partie de la gauche et des écologistes martèle que la 5G ne serait qu’un gadget représentant un danger sanitaire imminent, Emmanuel Macron a balayé leur demande de décréter un moratoire sur le déploiement de la technologie en affirmant que ni la « lampe à huile » ni le « modèle Amish » ne permettront « de régler les défis de l’écologie contemporaine ». En fait, ce n’est ni par le simplisme ni par la condescendance qu’on éclairera les Français sur les possibilités de la 5G et le nécessaire encadrement de celles-ci.

Ceux qui appellent à renoncer a priori à cette innovation finissent par rejoindre ceux qui estiment que le débat est une perte de temps tant l’évidence des bienfaits de la technologie s’impose à tous. Dans les deux cas, on aboutit à un stérile « circulez, il n’y a rien à voir ! ».

Il est au contraire légitime de s’interroger sur l’impact économique, écologique et sécuritaire de la 5G. Dans un contexte de défiance grandissante des citoyens envers les institutions scientifiques et politiques, il est inimaginable de pouvoir faire l’impasse sur ce débat. Le degré d’acceptation de la technologie, le contrôle de ses applications et l’efficacité de son utilisation en dépendent.

La pédagogie la plus élémentaire se doit d’abord de rappeler que la 5G ne permet pas seulement d’accélérer le débit des données qui transitent par nos téléphones portables, une 4G plus performante en quelque sorte. Couplée à l’intelligence artificielle et à l’Internet des objets, elle est potentiellement à la source des principales ruptures technologiques de demain, que ce soit sur le plan industriel, médical ou énergétique. Transports, ville du futur, modes de production : tous ces domaines peuvent être considérablement transformés grâce à la 5G.

Avec quel impact sur l’environnement ? Pour quels progrès utiles à des individus qui s’interrogent sur leur dépendance aux nouvelles technologies ? Avec quelles garanties sur la protection des données ? Ces questions doivent trouver des réponses pour définir le cadre des usages que nous ferons de la 5G.

L’intensité de la rivalité à laquelle se livrent les grandes puissances sur cette innovation doit alerter sur l’ampleur des enjeux. Il est illusoire de penser que c’est en restant en marge de ce basculement que nous nous en protégerons. Nous nous condamnerions à subir des décisions prises par d’autres, au détriment de notre souveraineté. De cela aussi il est urgent de débattre.

Le Monde