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COVID-19, fake news, gouvernement, mesures sanitaires, Post-vérité, Sibeth N'Diaye
Le gouvernement aurait tort de ne pas adopter une posture d’humilité autour de ses annonces sanitaires, analysent David Brunat et Luc Périnet-Marquet. Selon les deux communicants, le pouvoir a perdu beaucoup de crédit auprès des citoyens en changeant souvent d’avis sans pour autant reconnaître ses erreurs.
Par David Brunat et Luc Périnet-Marquet

David Brunat est consultant associé chez LPM Communications. Luc Périnet-Marquet est lui fondateur de LPM Communications.
C’est peu dire que les Français manquent de confiance dans la parole de leurs dirigeants politiques et des représentants du système, notamment sanitaire. Face à une crise totalement nouvelle, les autorités oscillent entre infantilisation et intimidation. On assiste à une litanie de déclarations définitives …souvent démenties le lendemain.
Seule constante: personne ne reconnaît avoir commis la moindre erreur dans la gestion des masques ou des tests. Comment se fait-il que le système de santé Italien, tant décrié, semble mieux maîtriser la propagation du virus que notre système (34,5 cas pour 100 000 habitants contre 204,5 en France sur les 14 derniers jours)? Et alors qu’on demande aux Français de croire au plan de relance, personne n’assume les conséquences économiques et sociales de la gestion erratique de la pandémie. La récession économique sera probablement deux fois plus forte en France (-11%) qu’en Allemagne (-5,5%). Les chiffres sont têtus, à qui la faute?
Dans ce climat de panique intellectuelle et sociale, les Français ont du mal à se projeter et à continuer à faire confiance à ceux qui les dirigent. Nos responsables, culturellement peu ouverts au débat contradictoire, ne reconnaissent pas leurs erreurs et semblent mus par une forme de mépris du peuple. L’ancienne porte-parole du Gouvernement a aimablement rappelé que les Français manqueraient de «culture scientifique» pour comprendre les discours officiels. Et un élu local a soutenu que nos compatriotes se composeraient à 80% de «cons».
Au pays de Descartes, c’est-à-dire du bon sens bien partagé et du doute méthodique, il devient quasiment impossible de remettre en question la doctrine officielle, quand bien même celle-ci «mute» plus vite que le virus. La guerre est déclarée à la dissidence de pensée, comme on l’a vu sur la question à la fois emblématique et picrocholine de la chloroquine.
Seule constante : personne ne reconnaît avoir commis la moindre erreur dans la gestion des masques ou des tests
Ne pas reconnaître ses erreurs revient à mépriser le peuple, ce qui semble être, pour les rentiers du système, comme une seconde nature. Ils vont en cela à rebours d’un de Gaulle, qui savait que, dans les périodes très troublées, il fallait toujours tenir un langage de vérité si l’on veut générer de la confiance. Le fondateur de la Ve République n’insultait pas davantage les Français qu’il ne les infantilisait.
A l’heure des «fake news», de la «post-vérité» et de la manipulation des cerveaux, il est plus urgent que jamais d’adopter une posture d’humilité propre à recréer de la confiance. Les Français ne sont peut-être pas tous des «sachants», mais ils ont une intuition et un bon sens qui les alertent lorsqu’on les prend pour des imbéciles.
Quant aux communicants, souvent accusés d’être des experts en désinformation, ils ont à cet égard une responsabilité particulière. Qu’ils travaillent pour des dirigeants publics ou des entreprises privées, leur rôle et leur honneur ne sont pas de faire prendre des vessies pour des lanternes à grands coups de bashing et de de storytelling plus ou moins bidouillés, mais de convaincre ceux qu’ils accompagnent que le parti de la vérité se révèle, à terme, toujours le meilleur.
Il devient quasiment impossible de remettre en question la doctrine officielle, quand bien même celle-ci « mute » plus vite que le virus
Un des principes élémentaires de la communication de crise (en entreprise comme en politique) consiste à avoir le courage d’affronter la réalité, surtout lorsqu’elle dérange. Le consommateur, le salarié, le citoyen, l’opinion publique finissent toujours par demander et obtenir des comptes, surtout à l’heure d’internet et des réseaux sociaux qui rendent plus difficile le musellement des opinions dissonantes et hétérodoxes.
La confiance dans l’avenir viendra peut-être du vaccin contre le coronavirus mais elle découlera surtout du rétablissement de la primauté des discours de vérité ouverts à la contradiction. Contre le coronavirus, il nous faut avant tout un sérum de vérité… et vite. Le retour de la confiance sera à ce prix.