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Arnaud Dupui-Castérès
A six mois de l’épidémie, le corps médical semble avoir tiré les leçons des mois de mars et d’avril, ce qui ne paraît pas être le cas du gouvernement, dont les décisions confuses inquiètent plus qu’elles ne rassurent. Par Arnaud Dupui-Castérès.
Il est judicieux d’organiser immédiatement après une crise, un retour d’expérience (Retex). Pourtant cette étape indispensable est souvent passée à la trappe. L’envie du retour à la normale et le souvenir douloureux de la période de tension qu’est une crise se conjuguent pour nous empêcher souvent de prendre le temps nécessaire à l’analyse…
Le confinement généralisé de mars dernier, qui était un pis-aller nécessaire, était largement critiquable dans sa durée et ses modalités. Mais il a sauvé les urgences hospitalières. Il a aussi montré une administration grandement impotente (de son incapacité à acheter des masques et à télétravailler, en passant par l’absence de coordination avec le système de soins privé). Mais pire que tout, le confinement a révélé un Etat oublieux de tout ce qui avait été appris des crises épidémiques précédentes, tout ce qui avait été anticipé et préparé dans les années passées, pas si lointaines… le plan pandémie de 2004, les simulations de crise, la doctrine établie sur l’usage du masque, la constitution de stocks stratégiques, etc.
En ce début d’automne où les contaminations repartent à la hausse, il semble que le secteur hospitalier et les médecins ont appris de la crise du printemps, notamment sur le protocole médical que certains médecins jugent plus efficace. Est-ce pour cette raison que le nombre de jours du séjour moyen en réanimation aujourd’hui est très nettement inférieur à celui du printemps ? Nous n’en savons rien.
Au-delà des aspects médicaux, reste la gestion de cette crise par les administrations et le Gouvernement. Et là, nous assistons aux mêmes hésitations, aux mêmes tâtonnements et revirements, finalement aux mêmes décisions ahurissantes.
A titre d’exemple, les rassemblements à 10 sont interdits sur la voie publique mais une jauge à 1 000 est mise en place pour de nombreux événements… pourquoi ? Les explications manquent.
La stratégie de la Peur est à nouveau à l’œuvre ; là où on nous parlait de zone rouge, orange et verte en avril, seul le rouge prédomine aujourd’hui et se verra bientôt gradué. Rouge vif, écarlate… et pourquoi pas rouge sang ? Mais il n’y a plus de communication pro-active sur le nombre de décès.
La multiplication des contaminations des dernières semaines laisse augurer une courbe exponentielle comme en mars et avril, mais on oublie que cette courbe a été la même à peu de chose près dans tous les pays d’Europe qui ont pourtant choisi des voies parfois très différentes en matière de confinement. Avons-nous partagé ces informations et ces analyses pour nourrir le débat public ? Non.
Si le nombre de cas admis en réanimation pour cause de Covid-19 augmente, nous ne savons pas quelles sont les mesures qui auraient été prises par les hôpitaux pour y faire face ? Sommes-nous mieux préparés qu’en mars ? Visiblement non, puisque le Conseil scientifique pousse à des mesures de confinement plus drastiques.
Si un Retex a été fait, soit les mesures correctrices n’ont pas été mises en œuvre, soit les décisions actuelles ne les prennent pas en compte. Dans les deux cas c’est bien embêtant !
La gestion de cette crise semble bien problématique et résulte encore une fois de l’impotence de l’administration qui est très lourde, pataude, bloquée par ces processus et plus encline à produire de la norme et de la réglementation que de trouver des solutions simples, pragmatiques et efficaces. Le Président de la République semble avoir fortement pesté contre « l’Etat profond », il serait intéressant de savoir ce qui est prévu pour le secouer et le réformer.
Sur le plan de la communication, la période devrait être quasi exclusivement consacrée à un débat sur les moyens de la relance – la première brique de la séquence était la présentation du Plan de relance début septembre – pour que l’ensemble de la société se mobilise sur un enjeu crucial : comment surmonter une perte de 10 % du PIB français ? Un tel trou d’air ne peut pas être sans conséquences sur l’emploi, la protection sociale, le financement de la santé, sur la dette et son financement, etc. Autant de sujets clés pour les Français.
L’échec de communication est patent puisque ce qui agite le débat, c’est de savoir si les bars et restaurants vont rester ouverts après 22h ? et pourquoi ils sont fermés à Marseille et pas à Paris.
A l’évidence, l’échec phénoménal de communication est fils légitime de l’absence d’anticipation et de l’incapacité à penser le temps dont l’horizon indépassable en politique est… la quinzaine.
Source:https://www.revuepolitique.fr/quelles-lecons-a-t-on-tirees-de-la-premiere-vague/