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Pour Arnaud Benedetti, l’interview d’Emmanuel Macron, le 7 octobre, révèle la volonté du président d’être présent dans les territoires. Il rompt avec les discours réformateurs de son mandat, analyse le spécialiste en communication

.Par Arnaud Benedetti

C’est le Macron réparateur qui s’est présenté aux Françaises et aux Français ce mercredi soir après une visite dans les communes sinistrées du sud-est du pays. Le président de la République ne fait pas la pluie et le beau temps mais il entend incarner à tout le moins le vecteur de toutes les compassions et de toutes les solidarités de la Nation pour ses terres cicatrisées. Cette «reterritorialisation» d’un chef de l’État , élu sur l’idée d’une France mondialisée en lieu et place d’une France enracinée, souligne en creux et à son corps évidemment défendant qu’Emmanuel Macron, après plus de trois ans de mandat, constitue une «étrange marque sans actifs», c’est-à-dire dénuée d’implantation locale et dépourvue d’un tissu éprouvé de militants.

Ce président «décentré» au regard de ce que fut l’histoire qui le produisit semble courir après la France. L’interview de ce mercredi d’octobre avait sans doute pour objet de planter le décor d’un chef d’État bivouaquant au milieu des secours, mais l’impression qui s’en dégageait était peut-être d’abord celle d’un homme au cœur des décombres. Les mots étaient-là, toujours volontaires dans leur tonalité, convaincus de la pertinence de l’action publique en ces temps incertains, vantant la réactivité de l’État, déployant en quelque sorte le «SAV» de son gouvernement, comme si les visites de ses ministres et de son chef de gouvernement n’avaient été que les gradations préliminaires de cette assomption compassionnelle de la puissance publique.

Emmanuel Macron dont on sait l’appétence pour le symbolique déroulait un discours dévoré par le poids d’un décorum à la Beckett suggérant inconsciemment que l’atmosphère « veillée d’armes » recherchée ramenait surtout à la sensation lancinante d’une « fin de partie ».

Néanmoins, la parole du président était comme effacée par la scène, une scène entêtante, où le visuel évacuait l’argumentation , où l’œil était convoqué comme pour rechercher la métaphore du moment. Emmanuel Macron dont on sait l’appétence pour le symbolique déroulait un discours dévoré par le poids d’un décorum à la Beckett suggérant inconsciemment que l’atmosphère «veillée d’armes» recherchée ramenait surtout à la sensation lancinante d’une «fin de partie». La magie des symboles n’opérait plus ou comme à rebours. Elle dévoilait l’anxiété, l’impuissance d’une sémantique, ou les fragments d’un discours qui s’efforçait de construire et de trouver le fil de sa cohérence: saisir l’instant catastrophique pour rappeler la dimension protectrice de la fonction présidentielle, tant sur l’environnement que sur le sanitaire.

Communication de ritualisation bien plus que d’annonce, de réassurance que de projection, l’interview présidentielle était loin des envolées transformatrices et réformatrices de l’épiphanie de 2017 et du début de mandat. Elle ramenait l’État au centre du débat, une centralité dont on ne sait à vrai dire si elle constitue le dernier recours pour préserver la France ou l’ultime secours pour sauver son chef.

Figaro Vox