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par Camille Magnard

Donald Trump a convaincu le roi du Maroc Mohammed VI de rétablir des relations diplomatiques avec Israël en échange d’une reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental.

Benjamin Netanyahou, Donald Trump, Mohammed VI
Benjamin Netanyahou, Donald Trump, Mohammed VI• Crédits : AFP photo/ Moroccan Royal PalaceAFP

Le Maroc normalise ses relations diplomatiques avec Israël, mais pas à n’importe quel prix.

C’est une annonce majeure qu’a faite hier Donald Trump (sur Twitter comme à son habitude) : il a obtenu du Royaume du Maroc qu’il devienne le sixième Etat du monde arabe (après l’Egypte, la Jordanie et plus récemment le Bahrein, les Emirats arabes unis et le Soudan) à reconnaître de facto Israël comme un partenaire diplomatique et économique. 

Et cette annonce-là doit être directement reliée à une autre, faite en quasi-simultané à la Maison Blanche : les Etats-Unis reconnaissent la souveraineté complète du Maroc, sur les territoires du Sahara Occidental contesté par le peuple sahraoui et le Front Polisario. En se mettant en violation du droit international reconnu par l’ONU, note le site d’info marocain Yabiladi, Washington s’assure toutefois le soutien du roi Mohammed VI dans cette grande œuvre diplomatique que Donald Trump veut laisser derrière lui : un semblant de « paix arabe« , ou en tous cas un apaisement des relations de Tel Aviv avec ses voisins plus ou moins proches. 

Et de fait, constate l’hebdomadaire TelQuel, avec ce mouvement opéré par le Maroc il semblerait que « la solidarité arabe [avec le combat des Palestiniens contre l’occupation israélienne] a fait son temps », remplacée par une « realpolitik » pro-israélienne. « Entre deux causes sacrées, le Sahara et la Palestine, le Maroc a fait son choix« , résument froidement Mehdi Duval et Mehdi Mahmoud pour qui, qu’on le regrette ou non, la cause palestinienne n’est plus cet élément structurant qu’elle a longtemps été das les relations internationales de Tanger à Karachi.

Plus acerbe encore, dans les colonnes d’Haaretz en Israël, la journaliste Noa Landau n’y va pas par quatre chemins : ce qui s’est conclu ce jeudi entre le Maroc et Israël par l’entremise des Etats-Unis, écrit-elle, n’a « rien d’un accord de paix, c’est plutôt l’entente de deux forces occupantes« , en quelque sorte « je te laisse occuper la Palestine et tu me laisse occuper le Sahara Occidental »

Et c’est aussi, renchérit Ryad Hamadi pour le quotidien en ligne Tout sur l’Algérie, « le dernier fait accompli de Donald Trump sur la scène internationale » : il cède au Maroc sur la question Sahraouie pour s’assurer un succès de façade, en sachant très bien comme l’indique TelQuel que « ce sera très dur pour Joe Biden de revenir sur les annonces de Trump« .

Et c’est vrai, reconnaît à son tour Seth Frantzman dans son analyse de la situation pour le Jerusalem Post, que la prochaine administration américaine va avoir fort à faire pour rendre le relais de cette politique étrangère très pro-israélienne et grêvée par toutes les conditions auquel l’Amérique aura dû céder pour convaincre chaque pays arabes de rétablir ses relations avec Tel Aviv.

Et au final s’il y a un gagnant dans toute cette affaire, c’est bien Benjamin Netanyahou le Premier ministre israélien qui se félicite de la nouvelle dans le Times of Israel et promet de rétablir de liens concrets avec le Maroc « au plus vite ». Les relations économiques existaient déjà, c’est un secret de polichinelle, elles seront officialisées en particulier avec l’ouverture de lignes aériennes directes entre les deux pays. 

Et ça, ça réjouit David Suissa à lire dans le Jewish Journal : comme environ 10% de la population israélienne, il est originaire du Maroc, très nostalgique de cette ancienne communauté juive séfarade de Casablanca avec laquelle il espère pouvoir renouer des liens à présent. Un peu comme « un retour à la maison« , cette reprise des liens diplomatiques assure David Suissa, c’est « un miracle de Hannouka« , la fête juive des Lumières qui, (il n’y a pas de hasard) a justement débuté jeudi. 

France Culture