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Emmanuel Macron avait promis la gratuité des prothèses auditives. C’est désormais chose faite selon lui. Sauf qu’il omet de dire que la gratuité ne concerne qu’une partie des aides auditives. Tout comme il évite d’évoquer l’augmentation du prix des mutuelles.

Gratuité des audioprothèses en 2021 : les non-dits d’Emmanuel Macron

Dans la tradition des vœux de la nouvelle année, le président Emmanuel Macron s’est fendu d’une série de tweets vantant les mérites de son action. Et le premier d’entre eux commençait par : “À partir d’aujourd’hui, vous avez désormais accès à un panier de soins optiques, dentaires et auditifs pris en charge à 100 %.” Dans les faits, l’enjeu concerne principalement la partie sur les prothèses auditives pour 2021. Concrètement, à compter du 1er janvier 2021, certains types d’appareils sont désormais remboursés intégralement par la Sécurité sociale d’une part et les complémentaires santé d’autre part. Précisément 240 euros pour l’un, 710 euros pour le second.

Il s’agissait d’une promesse du candidat LREM faite lors des élections présidentielles de 2017. Le 6 janvier 2017 à Nevers, il avait expliqué qu’il fallait : “que les Français puissent prendre soin, sans se ruiner, de leurs yeux, de leurs dents et de leur audition. S’agissant les lunettes, des prothèses dentaires et de l’audition, je fixe l’objectif de 100 % de prise en charge d’ici 2022 “. Alors, promesse tenue ?

Dans les fait, cette mesure, après négociation avec les partenaires du secteurs, a été présentée dans le cadre de la réforme “100 % santé”. Un décret, publié au Journal officiel du 12 janvier 2019, a ensuite détaillé le calendrier des mesures qui ont abouti au remboursement intégral en 2021, renommé “reste à charge 0”. Concernant l’auditif, l’échéancier prévoyait trois étapes : Tout d’abord un prix plafond pour les appareils de “classe 1” : 1 300 euros par prothèse, à compter du 1er janvier 2019, 1 100 euros au 1er janvier 2020 puis 950 euros au 1er janvier 2021. Le remboursement était lui aussi échelonné. L’usager devait payer de sa poche 650 euros par prothèse en 2019, 400 euros en 2020 et plus rien à compter de 2020.

Avec un coût moyen d’environ 1 500 euros par prothèse, l’audition était un luxe pour qui devait s’équiper, d’autant que la plupart des appareillages nécessitent une stéréo, à savoir deux prothèses. En décembre 2016, l’Autorité de la Concurrence révélait qu’1 million de Français renonçaient à s’appareiller face aux tarifs pratiqués par le marché. La DRESS (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) en 2014, pas loin de 10 millions de personnes souffraient de problèmes d’audition en France. D’après Sarah Sauneron, conseillère protection sociale au cabinet du ministre de la Santé, seulement 35% des personnes présentant une déficience auditive seraient équipées.

L’annonce du président de la République, toute auto-satisfaite soit-elle, évite soigneusement de rappeler l’essentiel : toutes les prothèses ne sont pas remboursées ! En l’occurrence, ne le sont que celles de la classe 1. Anciennement 5, il n’y aura plus que 2 classes. Les classes 1 correspondaient, d’après le site “Top Santé“ à 30% des achats. Ce qui équivaut à dire que 70% des prothèses auditives vendues sur le marché ne seront pas remboursées intégralement. Ce n’est pas anodin, leurs tarifs peuvent grimper jusqu’à 1 700 euros par oreille.

Cette réforme, en incluant les prothèses dentaires et l’optique, est estimées à un coût de 1 milliard d’euros. 750 millions sont à la charge de l’assurance maladie, tandis que les 250 autres, le sont par les mutuelles. Il n‘y aura pas hausse des cotisations mutuelles, garantissait Agnès Buzyn, en 2018. Des études, notamment celle du Parisien en 2018 prouvaient déjà que cette promesse était intenable. Et ce fut bien le cas. Les mutuelles ont

vu leur tarifs progresser de façon conséquente pour certaines. En 2018 et 2019 l’UFC-Que Choisir, via un appel à témoignage, a relevé une augmentation moyenne et respective de 4% puis de 5% des contrats proposés par les mutuelles. D’après le site Hyperassur, les tarifs des complémentaires santé devraient progresser à nouveau de 2% en moyenne en 2021

Plutôt que de garantir un remboursement sur les prothèses bas de gammes, le gouvernement évite soigneusement le cœur du problème : pourquoi les aides auditives sont si chères ? En octobre 2015, UFC-Que-Choisir estimait que les appareils auditifs étaient, en moyenne, revendus 4,5 fois leur prix d’achat. Les prix s’envolent en France, contrairement à ses pays voisins. Principale raison à cela, la pénurie de main d’œuvre. Le marché des professionnels de l’audition est soumis à un numérus clausus. Il n’y avait que 282 étudiants audioprothésistes en 2019, chiffre qui devrait monter à 300 en 2021. Sortis de l’école, au bout de seulement 3 ans, ces professionnels de la santés s’arrachent à prix d’or. Leur salaire fixe associé au variable peut facilement dépasser 40 000 euros brut dès la première année (ils ont alors 21 ans). Fatalement, ce coût se reporte sur l’addition payée par le consommateur… pardon, le patient.

Au final rappelons-nous ce que nous disait Emmanuel Macron en avril 2018 : “il n’y a pas d’argent magique”. Au final, ce sont toujours les citoyens qui payent, y compris l’illusion de la gratuité.

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