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Mathieu Bock-Côté
Dans quelques années, un écrivain moqueur entreprendra probablement de raconter l’histoire des conseils sexuels gouvernementaux à l’époque de la pandémie.
On se souvient de la Colombie-Britannique recommandant, il y a quelques mois, l’utilisation du Glory Hole pour limiter le plus possible le contact des corps pendant l’acte sexuel.
Le commun des mortels, je crois, s’en était amusé.
Il ne s’est probablement pas empêché de rire non plus quand les responsables de la Santé publique au gouvernement fédéral ont invité les citoyens à conserver le masque lors de leurs ébats.
Pandémie
Mais peut-être s’est-il exaspéré, lundi, quand il a appris que la Ville d’Ottawa, voulant prendre en main la santé sexuelle de ses citoyens une fois pour toutes, leur a proposé de miser sur la masturbation et le sexe virtuel pour s’égayer pendant la pandémie. Ils risqueraient ainsi moins la chance d’attraper la COVID-19.
Comment dire ? Les mesures sanitaires sont nécessaires pour traverser la présente épreuve, cela va de soi. Mais ce n’est pas pinailler que de s’inquiéter lorsque les autorités de la Santé publique confessent vouloir contrôler jusqu’aux détails de la vie intime.
Car quoi qu’on en dise, lorsque l’État se transforme en sexologue, même s’il le fait pour les meilleures raisons, il déborde largement de ses fonctions. Les pouvoirs publics nous proposeront-ils, d’ici quelques semaines, le guide des positions sexuelles les plus sécuritaires en temps de pandémie ? Et pourquoi pas la partouze zoomienne ?
Ne rions pas : au point où nous sommes rendus, une telle proposition ne serait qu’une loufoquerie de plus.
Pour une fois dans ma vie, me prend l’envie de citer Pierre Elliot Trudeau, qui disait que l’État n’avait pas sa place dans la chambre à coucher. Le domaine de l’intime devrait s’y dérober.
Derrière ces propositions, on trouve néanmoins un vrai problème.
Autant hier, pour sauver nos âmes, l’Église voulait avoir un œil sur nos caleçons, autant aujourd’hui, pour sauver nos corps, la Santé publique réclame à peu près la même chose. Elle ne reconnaît plus aucune limite en soi à son pouvoir. Pour contenir et casser l’épidémie, elle ne cache plus son fantasme d’un contrôle presque total de la vie sociale.
De la fermeture des commerces au confinement, au couvre-feu, elle se demande toujours comment aller plus loin dans la limitation des interactions sociales. On en vient à croire que ses spécialistes voudraient avoir le pouvoir de nous cloîtrer, de contrôler notre alimentation et nos désirs.
Ridicule
L’adhésion aux politiques nécessaires est large dans la population, mais demeure fragile. Le commun des mortels, avec raison, remet en question les restrictions imposées et refuse de dédramatiser la période que nous traversons. On a beau lui dire qu’il se plaint le ventre plein, il souffre néanmoins.
Dès lors, quand les pouvoirs publics, ne se voyant plus aller, se ridiculisent avec des conseils absurdes en suggérant la branlette comme technique de contrôle de la pandémie, ils suscitent une méfiance dans la population.
En matière de fesses, les autorités devraient se garder une petite gêne.