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Éric Verhaeghe

Malgré sa forte volatilité, le bitcoin s’est imposé depuis quelques mois comme l’une des valeurs refuge les plus prisées par les épargnants. Depuis cet automne, les banques centrales lui ont déclaré, en le taxant de tous les maux, et singulièrement en soulignant les risques de perte pour les investisseurs. Mais ce concert de reproches contre un placement qui échappe sa nature même à la régulation des banques centrales ne s’explique pas seulement par la protection du petit épargnant. Il dissimule une crainte pour le système financier lui-même.

Le bitcoin a enregistré hier une chute de quatorze points… après en avoir gagné près de 500 en quelques semaines à peine. Le cryptoactif valait environ 10.000$ à la mi-2020, il s’est « dangereusement » approché des 60.000$ en début de semaine. Il en valait 47.000 mardi. Ces mouvements vertigineux nourrissent les premiers feux des banques centrales.
Les banques centrales en guerre contre le bitcoin
On se souvient que Christine Lagarde expliquait début février que le bitcoin n’était pas une monnaie. Elle a menacé de « réguler » le bitcoin (mais on se demande toujours comment, puisque le bitcoin est décentralisé et n’obéit à aucune autorité…), en prononçant les mots magiques : blanchiment d’argent sale.
Est-ce vraiment pour éviter des pertes aux petits épargnants et pour éviter le financement de la mafia que la BCE veut mettre de l’ordre dans le bitcoin ? Naïvement, on peut le croire, mais l’ancienne présidente de la Réserve Fédérale Janet Yellen, devenue Secrétaire au Trésor de Biden, vient de donner au New York Times la vraie raison de ce combat : » I do worry about potential losses that investors in it could suffer. »
La crainte d’une perte pour les investisseurs…
Les investisseurs institutionnels ont fait flamber les cours depuis août 2020
Si les cours du bitcoin ont flambé à l’automne, ce n’est pas seulement par l’intervention du Saint-Esprit des monnaies. C’est d’abord et avant tout parce qu’il est devenu une valeur refuge pour les investisseurs institutionnels. Pour la seule première semaine du mois de décembre 2020, les analystes estiment que les investisseurs ont acheté pour près de 450 millions $ d’actifs cryptographiques.
Le seul fonds Grayscale aurait acheté pour 4,3 milliards $ de cryptomonnaies en 2020. Et la tendance devrait se poursuivre en 2021.
Les banques centrales ne pourront rien contre ce mouvement
On comprend bien l’aversion des banques centrales pour ce mouvement qui pousse les marchés à placer leurs liquidités sur des actifs qu’elles ne possèdent pas. D’une certaine façon, le bitcoin est devenu une valeur d’éviction qui menace désormais les grands équilibres systémiques.
Il n’en reste pas moins que la flambée du bitcoin, parce qu’elle est due aux investisseurs institutionnels qui ne peuvent se permettre d’encaisser de lourdes pertes, est moins fragile qu’on ne le pense. Elle est spéculative, mais le cliquet s’est désormais refermé sur les spéculateurs qui ne peuvent plus se permettre de laisser les cours retomber massivement.