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Tout était fait comme si la volonté présidentielle allait suffire pour vaincre les difficultés liées aux caractéristiques des nouveaux variants et aux retards de la campagne de vaccination. Le retour au réel avec les annonces de jeudi n’en est que plus douloureux.

On ne peut dénier au gouvernement, contraint jeudi 18 mars d’annoncer un nouveau train de mesures pour combattre l’épidémie, le talent de savoir varier les supplices. Baptisé « troisième voie » par le premier ministre, Jean Castex, le régime qui s’appliquera dès samedi pour une durée annoncée de quatre semaines en lle-de-France et dans les Hauts-de-France ainsi que dans trois départements (Alpes-Maritimes, Seine-Maritime, Eure) ne ressemble en rien aux deux précédents confinements : certes, les commerces devront de nouveau baisser le rideau s’ils ne sont pas considérés comme de « première nécessité », mais les écoles resteront ouvertes et les déplacements seront libres dans un rayon de 10 kilomètres jusqu’au couvre-feu, repoussé à 19 heures.

La philosophie de cette nouvelle déclinaison est relativement simple à comprendre : éviter la concentration dans des lieux clos propices à la contamination sans freiner les occasions de prendre l’air tout en interdisant les attroupements. Son exécution s’annonce en revanche complexe. Elle est apparue jeudi soir mal ficelée, comme si l’exécutif n’était pas tout à fait au point ou comme s’il craignait d’user du bâton dans un épisode qui ne tourne pas à sa gloire.

Même s’il est allégé et même s’il ne concerne que certaines parties du territoire, ce troisième reconfinement signe l’échec de la stratégie présidentielle, qui consistait à miser sur la vaccination pour éviter de nouvelles mesures coercitives. Le refus d’Emmanuel Macron de reconfiner le pays, le 29 janvier, alors qu’une bonne partie du corps médical le lui demandait, avait spectaculairement mis en lumière le côté personnel de cette décision. Le retour de bâton n’en est que plus fort.

Effet délétère

Certes, les difficultés rencontrées par de nombreux voisins européens face à la progression rapide de nouveaux variants relativisent la situation française. L’Italie vient de reconfiner aux trois quarts son territoire ; l’Allemagne, qui avait un peu desserré la contrainte, est de nouveau en état d’extrême vigilance ; l’Espagne a, elle, interdit les déplacements entre régions. Quelles que soient les stratégies adoptées, le virus demeure toujours, au bout d’un an, le maître du jeu, ce qui a un effet délétère sur les opinions publiques.

Les pouvoirs publics français ont toutefois comme particularité d’avoir voulu entretenir, contre vents et marées, un message optimiste pour tenter de contrer l’état dépressif du pays : « ll faut tenir encore quelques semaines, quatre à six semaines », avait affirmé le chef de l’Etat le 1er mars, lors d’une visite à Stains (Seine-Saint-Denis), laissant entrevoir une fin de crise rapide. Dans la foulée, les ministres avaient été priés, dans leur domaine respectif, de préparer des protocoles de réouverture avec les professionnels concernés. Tout était fait pour projeter les Français dans l’après, comme si la volonté présidentielle allait suffire pour vaincre les difficultés objectives liées aux caractéristiques des nouveaux variants et aux retards de la campagne de vaccination.

Le retour au réel n’en est que plus douloureux. La crédibilité de la parole publique est mise à l’épreuve, au moment où la nouvelle stratégie qui consiste à « freiner sans interdire » requiert au contraire l’adhésion de toute la population pour réussir. Interrogé sur la possibilité de voir le bout du tunnel d’ici un mois, le ministre de la santé, Olivier Véran, n’a pu mettre en avant que son « espoir » et sa « conviction ». L’essentiel désormais repose sur l’accélération de la vaccination. Le gouvernement n’a plus droit à l’erreur.

Le Monde