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Chers Compagnons, chers amis,   Seuls 47 députés ont voté contre le projet de réforme de la constitution d’Emmanuel Macron, issue de la convention citoyenne, tirée au sort, sur le climat.
Vous trouverez ci-après l’échange sur ce sujet entre Henri Guaino et Julien Aubert (député LR du Vaucluse), suite à la publication d’un texte d’Henri Guaino sur sa page facebook le jeudi 18 mars.
À chacun de se forger sa conviction.  

  Henri Guaino :   Hier, l’Assemblée nationale a voté en première lecture la réforme de l’article 1 de la constitution voulue par le Président de la République telle qu’elle était souhaitée par la convention citoyenne tirée au sort.
Il s’agit d’introduire dans notre constitution que la France « garantit la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ».
Un référendum viendra ratifier cette réforme si le Sénat la vote à son tour dans les mêmes termes.
Drapé dans la noble idée de la protection de la planète, le Président cherche seulement à faire un coup politique avec un référendum qu’il prévoit gagnant : qui pourrait être contre l’idée de sauver la planète ? Deux coups en un : il gagne un référendum et il fait la nique aux écologistes qui lui reprochent toujours de ne pas en faire assez dans le verdissement de la politique. Il peut compter sur l’appui de politiciens de tous les bords : ceux qui diront oui parce qu’ils auront peur de passer pour des ringards, ceux qui diront oui parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement même s’ils trouvent que ce n’est pas assez, ceux qui sont bêtes à manger du foin et qui pensent que dire oui ne mange pas de pain car cette pétition de principe n’est que de l’affichage et ne changera rien.
Si l’on regarde les choses de façon cynique en étant dénué de tout sens des responsabilités et même de tout sens moral, le Président n’a pas tort.   En tout cas, hier, les députés lui ont donné raison : seulement 47 d’entre eux sur 577 ont voté contre. Honneur à ces 47, honte à ceux qui se sont abstenus par crainte qu’on leur reproche de ne pas aimer la nature, honte aux soumis et aux dociles qui font ce qu’on leur dit de faire sans jamais se poser de question. Car cet ajout dans la constitution aurait un effet délétère sur nos institutions. Le sujet, ce n’est pas la nature qui est déjà dans le préambule avec la charte de l’environnement et le principe de précaution dont nous n’avons pas fini de mesurer les conséquences néfastes.
Le sujet c’est qu’une fois dans la constitution, ce seront les juges qui rempliront à leur gré cette formule creuse et qui feront la politique à la place du législatif et de l’exécutif. Encore un grand pas en avant vers le gouvernement des juges. Le législateur devra passer sous leurs fourches caudines et non sous celles des électeurs. Le gouvernement sera responsable de ses résultats devant eux et non devant le Parlement.
Cette évolution n’est pas une garantie contre le réchauffement climatique, mais l’assurance d’une catastrophe démocratique, car les juges n’ont de comptes à rendre à personne et, qu’au bout du compte, le peuple finira ainsi par ne plus avoir son mot à dire sur la politique du pays.
Ce serait irresponsable et dangereux et ça ne sauvera pas la planète.  

convention citoyenne :   Cher Henri Guaino   Je ne suis pas d’accord avec vous. Je me suis abstenu en tant qu’orateur du groupe, et j’ai poussé 80 députés à le faire, car on ne s’interpose pas pour faire dérailler un référendum. Sauf à vouloir considérer que le peuple français ne pourrait pas comprendre le danger de ce texte, il n’y a pas à redouter une bataille réferendaire et la défaite d’Emmanuel Macron.  

Henri Guaino :
Cher Julien,   Vous défendez souvent des causes justes contre le démantèlement d’EDF, contre les éoliennes, contre les nouveaux totalitarismes qui minent nos universités… votre prise de position sur la réforme constitutionnelle voulue par le président de la République n’est pas à la hauteur de celles que vous avez prises sur tant d’autres sujets.
Et elle est contraire à l’esprit de nos institutions. Enfin, de ce qu’il en reste après qu’elles ont été abîmées par tant de reniements et dénaturées par bien des instrumentalisations politiciennes.
Vous le savez très bien : l’article 89 de la constitution appelle les parlementaires à se prononcer sur le projet de réforme lui-même et pose comme condition pour continuer la procédure qu’il soit voté en termes identiques par les deux assemblées.
À ce stade de la procédure de révision, c’est un projet de loi comme un autre que l’assemblée doit adopter à la majorité simple et sur lequel, après l’exercice du droit d’amendement, le député n’a à se prononcer que sur la question de savoir s’il l’approuve ou non. S’abstenir sur un projet ou une proposition de loi, cela signifie que l’on considère qu’il n’a aucune importance, que l’on est indifférent à son insertion dans l’ordre juridique. C’est un refus d’assumer sa responsabilité de parlementaire. C’est bien sûr monnaie courante tant les tactiques politiciennes sont le lot commun de tous les parlements et de tous les partis.
Comme le disait Malraux, c’est le propre des politiciens que d’éluder. Et la démocratie ne peut pas se passer des politiciens, ni d’ailleurs des partis. Mais l’honneur des parlementaires c’est d’élever moralement le débat malgré la prégnance de la politique politicienne et de l’esprit partisan.
D’autant que dans le cas présent, le sujet est loin d’être anecdotique.
IVous le savez, je crois même que vous l’avez dit, ce projet est une porte de plus ouverte au gouvernement des juges, ce qu’un gaulliste, mais aussi n’importe quel républicain et démocrate sincère ne devrait pouvoir accepter. Face à ce devoir de vous prononcer sur ce projet de réforme vous vous abstenez en arguant que ce sera au peuple de trancher lors d’un éventuel référendum que, je vous cite, « vous ne voulez pas faire dérailler ».
Votre argument, vous le savez très bien, est une argutie de circonstance.
Dois-je en déduire, logiquement, que lors du débat à l’assemblée sur Maastricht vous vous seriez abstenu? Et que vous auriez désapprouvé Philippe Séguin de voter contre ?
Dois-je en déduire que lors du débat à l’assemblée sur le quinquennat, vous vous seriez abstenu ?
Vous me direz que cette fois-ci le président a annoncé par avance le recours au référendum. Mais, si j’ose dire, face au texte sur lequel vous avez à vous prononcer, cela ne vous concerne pas : le choix du référendum, après le vote conforme des deux assemblées, est de la compétence exclusive du président. À chacun son rôle. C’est la constitution gaullienne.
Vous, votre rôle, c’est de dire si vous approuvez ou non, non pas le référendum, mais le projet.
L’argument est d’autant plus spécieux que vous ne pouviez rien faire dérailler du tout puisque la majorité présidentielle est favorable au projet et que dès lors seul le Sénat peut y faire obstacle en refusant de le voter en termes identiques et que, me semble-t-il, vous n’y siégez pas.
Mais permettez-moi d’aller plus loin.
Votre argutie sur le référendum qui amène à compter pour rien la phase parlementaire de l’article 89, devrait vous amener à conclure que n’importe quel projet ou n’importe quelle proposition de référendums sur n’importe quoi et dans n’importe quelle circonstance devrait être automatiquement approuvée. Et vous croyez vraiment qu’organiser un référendum en pleine pandémie, à un an de la présidentielle, c’est le comble de la démocratie directe? Allons, Julien, je ne peux pas le croire.
Dans l’esprit de nos institutions, le référendum doit répondre à un but élevé, il ne doit pas être galvaudé par une instrumentalisation à visée purement électoraliste. Avec l’article 11 pour lequel il n’y a pas de filtre, c’est le President qui est face à sa conscience d’homme d’état, s’il a une conscience et si c’est un homme d’état. De ce point de vue, les Français ont ce qu’ils méritent puisqu’ils l’ont élu. Avec l’article 89, c’est vous, parlementaire, que la constitution met en face de sa conscience. Elle a parlé votre conscience ?
Allons, que le Président remplisse son rôle, que le parlementaire fasse son devoir, et le moment venu, le peuple remplira le sien, s’il est mis réellement en situation de le remplir.
Votre position abstentionniste au nom de l’illégitimité de tout filtre conduit logiquement à militer pour l’instauration d’un référendum d’initiative populaire sans aucun filtre parlementaire. Quand déposerez-vous une proposition de loi dans ce sens qui achèverait de détruire les équilibres de la Ve république en dénaturant le référendum ?
Je ne vous met pas dans le camp de tous ceux qui ne veulent pas voter contre parce qu’ils ont peur d’être accusés de ne pas aimer la nature, de ne pas vouloir sauver la planète ou tout simplement d’être ringards. Ils sont tellement pathétiques pour ne pas dire pitoyables. Mais, peut-être à tort, j’ai tendance à penser que votre position relève d’un calcul : vous pensez que le référendum sera non pas un référendum pour ou contre ce projet délétère mais pour ou contre Macron et qu’il le perdra.
Dans ce cas, c’est une habileté qui n’a pas grand chose à voir avec votre apologie du référendum. Habileté bien discutable, car comment faire campagne correctement dans les circonstances actuelles, et avec quels moyens ? N’avez-vous pas le sentiment de participer à un jeu de dupe plutôt qu’à un grand moment de démocratie ?
Vous savez, cher Julien, si l’habileté n’est pas interdite en politique, il faut se méfier qu’elle ne conduise pas à des reniements.
Michel Debré avait coutume de dire qu’en politique l’excès d’habileté est nuisible. C’est une bonne leçon de morale politique. Et je suis convaincu que vous y réfléchirez.
Je ne vous en conserve pas moins mon estime pour ce que faites par ailleurs et mon amitié.  

Julien Aubert :   Nous divergeons sur l’esprit des institutions : si le Président avait choisi le Congrès c’est bien à ce moment là qu’on aurait adopté le texte et que j’aurais donc voté non. A l’assemblée nationale, l’Opposition ne peut pas bloquer un texte de toutes manières. Au Sénat, la position est différente car ils peuvent le modifier. Je ne me mettrai jamais en travers d’un référendum en expliquant aux gens qu’ils seraient trop stupides pour voter non eux-mêmes. Je maintiens qu’Emmanuel Macron a peur du référendum et souhaite secrètement que la Droite le fasse dérailler pour expliquer que nous sommes de méchantes gens…

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