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Le diplomate François Nicoullaud, qui collaborait épisodiquement à prochetmoyen-orient.ch, vient de nous quitter après une foudroyante maladie.

Après l’Ecole nationale d’administration, ce grand serviteur de l’Etat est entré dans la corps diplomatique en 1964. Confronté à plusieurs grandes crises internationales – le Chili de Pinochet, le Mur de Berlin, l’Inde de Nehru -, il passera trois ans à la sous-direction des affaires atomiques du Quai d’Orsay, avant de s’imposer comme l’un de nos meilleurs spécialistes de la prolifération nucléaire. Dans Le Figaro du 29 mars dernier, Pierre Joxe (ancien ministre de la Défense de François Mitterrand) écrit : « il était militant syndicaliste comme moi-même. Nos carrières se sont croisées puis rejointes lorsqu’il devint d’abord, en 1984, mon conseiller diplomatique au ministère de l’Intérieur, puis directeur de mon cabinet civil et militaire à la Défense, avant de rejoindre notre ambassade à Budapest, puis la Direction générale de la coopération internationale, pour conclure cette belle carrière à Téhéran ».

Archétype du diplomate professionnel d’envergure – parlant hongrois en Hongrie et persan en Iran -, il impressionnait, à la fois par son extrême courtoisie et sa profonde maîtrise des dossiers les plus complexes. La semaine dernière encore, il travaillait au manuscrit inachevé d’un livre de mémoires au beau titre de – Des atomes, des souris et des hommes – Histoire de la relation nucléaire entre la France et l’Iran.

Extrait : « L’histoire que je vais raconter est irrémédiablement la mienne, pour au moins deux raisons. La première tient à mon choix initial, évidemment réducteur, de la raconter du seul point de vue français. Mais, il m’était clair d’emblée que les archives iraniennes me seraient inaccessibles, même dans l’hypothèse où, au prix d’un effort important, j’aurai progressé de plusieurs paliers dans ma familiarité avec la langue persanne. Je la déchiffre, mais à grand peine. Je forme en revanche le vœu qu’un jour, point trop lointain, cette histoire puisse être racontée du point de vue iranien, par un historien iranien. Heureux ceux qui pourront alors lire et mettre en regard les deux histoires. Ils auront la joie de se dire qu’ils ont approché la vérité. La deuxième raison est que j’ai été moi-même associé d’assez près à certains pans de cette histoire, ce qui pèsera malgré tous mes efforts, sur ma façon de la raconter ».

Chaque fois que nous le dérangions, par téléphone ou lors de rencontres plus directes alors qu’il était en plein travail, il prenait toujours grand soin à ménager tout le temps nécessaire pour répondre à nos interrogations, nous expliquant avec grande pédagogie l’Iran compliqué et le reste du monde.

Au-delà de son professionnalisme et de sa gentillesse tous azimuts et tous terrains, c’est un sens profond de la fraternité qui accompagnait sa façon d’être et d’agir. D’autres amis l’ont défini comme une « belle personne ». L’expression est heureuse mais insuffisante pour ce grand Français qui incarne aussi cette pensée de Romain Gary – « le patriotisme, c’est l’amour des siens » – et répétons, un sens aigu de la fraternité, d’une fraternité généreuse et républicaine.

A sa famille, ses amis et ses proches, la rédaction de prochetmoyen-orient.ch adresse ses plus sincères condoléances.

Richard Labévière

source: https://prochetmoyen-orient.ch/