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L’idéal universaliste est une fierté du modèle français. Mais faute d’élites enracinées et d’une situation économique stable, la France semble aujourd’hui arrivée au bout de sa capacité à assurer son ambition assimilationniste.

Nous n’avons plus les moyens de notre ambition assimilationniste

Pascal TRIPIER-CONSTANTIN, Professeur d’éducation physique et sportive

Dans un texte récent, L’Assimilation, une ambition française, Bérénice Levet nous rappelle sous quelle forme la France a fait naître et prospérer le principe d’assimilation des populations émigrées qui se destinaient à rejoindre notre pays. La philosophe l’érige, à juste titre, comme primordial dans l’édification du modèle français. Mais la réalité est tout autre : l’assimilation à la française n’a plus les moyens de ses ambitions. Ce principe est en effet une grande chose que la France propose au monde. Cependant, il se heurte aujourd’hui à un réel qui n’a que faire des grands principes.

Comme l’explique fort bien la philosophe, l’assimilation demande aux nouveaux venus de laisser leurs valises, comprenez leurs codes culturels et sociaux, pour se fondre rapidement dans leur nouvelle communauté de destin qu’est la nation française. Si ce sort réservé aux vagues d’immigration a très bien montré ses vertus durant plusieurs moments de notre histoire, l’abandon de ses racines ancestrales ne peut plus se faire sans douleur profonde. L’actuel rejet de l’assimilation à la française est aussi une protection louable face à la nudité économique, sociale et politique qu’elle engendrerait.

Pour accepter d’arracher sa peau anthropologique de naissance, un acte douloureux s’il en est, il faut avoir confiance en l’avenir du pays d’accueil, confiance en sa faculté d’offrir une vie décente. Or, la France depuis quarante ans ne génère plus de force de vie nécessaire à une société, nécessaire à une nation assimilatrice. Le tableau est sombre : chômage de masse, désindustrialisation, perte de souveraineté, perte de sa monnaie, déconstruction de la nation et de l’identité française, tyrannie de la méritocratie, bref, perte de tous ses leviers réels d’assimilation. Dans le même temps, les vagues migratoires successives sont de plus en plus larges et viennent de plus en plus loin. La France n’y arrive plus.

Les descriptions de Christophe Guilluy parlent juste, dans la capacité très humaine des classes populaires en place, d’accomplir dans le réel – au quotidien – l’assimilation des populations fraîchement arrivées, qui sont, elles aussi, des classes populaires. Les Gilets Jaunes nous ont montré comment eux-mêmes sont dans l’incapacité de construire durablement leurs propres vies. Alors comment ces classes populaires pourraient-elles rendre attractive la vie à la française ?

Le beau principe d’assimilation décrit, en effet, une très haute idée de l’Homme. Raphaël Doan, auteur du livre : Le rêve de l’assimilation : de la Grèce antique à nos jours, nous explique que l’esprit universaliste français ne sait pas faire autre chose, tout en reconnaissant la difficulté lorsqu’une civilisation assimilationniste décline.

Dans la réalité, l’assimilation à la française s’effondre dans la France de ce début de XXIème siècle. Nous n’avons pas renoncé. Néanmoins, par la force des choses, la France n’a tout simplement plus les moyens de ses ambitions d’assimilation, lâchée par une élite méritocratique détachée du bien commun, de sa communauté de destin, qui pourtant l’avait fait naître et grandir. Depuis quarante ans, les décisions prises au plus haut niveau jouent contre la France.

Dans un tel contexte, peut-on encore croire à une assimilation digne de ce nom ? Nous n’avons pas renoncé à l’assimilation, ce sont les classes dirigeantes méritocratiques qui ont renoncé à la France et aux français. Ce qui est autrement plus grave.

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