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Derek Chauvin, George Floyd, Justice, procès, Racisme, violences policières
L’avocat de la famille de George Floyd a salué un verdict marquant un «tournant dans l’Histoire» après l’annonce de la condamnation de Derek Chauvin.
Par Le Figaro avec AFP

Le verdict est tombé. Derek Chauvin a été déclaré coupable du «meurtre» de George Floyd. Le verdict a été lu mardi 20 avril après-midi (heure locale) au tribunal de Minneapolis. Le jury s’était retiré la veille à huis clos après avoir entendu les ultimes arguments de l’accusation et de la défense. Les délibérations ont duré dix heures et demie sur deux jours. Déjà renvoyé des forces de l’ordre, l’agent de 45 ans, masque filtrant sur le visage, n’a pas manifesté d’émotion particulière à l’énoncé du verdict.
Les 12 jurés – sept femmes et cinq hommes — d’origines ethniques diverses ont déclaré Derek Chauvin coupable des trois chefs d’accusation pour lesquels il comparaissait. Le policier, menotté, a été immédiatement écroué. L’annonce du verdict a suscité une explosion de joie devant le tribunal. L’avocat de la famille de George Floyd a pour sa part salué un verdict marquant un «tournant dans l’Histoire». «Coupable! Une justice obtenue dans la douleur a finalement été accordée à la famille de George Floyd. Ce verdict est un tournant dans l’Histoire», a réagi l’avocat Ben Crump.

La famille de George Floyd a accueilli la nouvelle de la condamnation de Derek Chauvin par des cris de joie et de soulagement, peut-on voir dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.
«Je sens des larmes de joie, tellement ému qu’aucune famille dans l’Histoire ne soit auparavant arrivée aussi loin», a déclaré dans une vidéo Rodney Floyd, l’un des frères de George, en dédiant ce verdict «à tous ceux qui ont été dans la même situation». «Nous avions besoin d’une victoire dans ce dossier, c’était très important et nous l’avons eue. Nous allons peut-être respirer un peu mieux maintenant», a-t-il ajouté, faisant écho à son frère.
Joe Biden s’est exprimé depuis la Maison-Blanche dans la soirée. Dans un discours solennel, il a appelé l’Amérique à lutter contre le racisme qui «entache» son âme. «L’heure est venue pour ce pays de se rassembler», a ajouté le président américain. «Le verdict de culpabilité ne fera pas revenir George» mais cette décision peut être le moment d’un «changement significatif». À ses côtés, Kamala Harris, a déclaré son «soulagement». «Cela n’enlève toutefois pas la douleur», a poursuivi la première vice-présidente noire de l’histoire des États-Unis. «Les Américains noirs, particulièrement les hommes noirs, ont été traités à travers ce pays comme s’ils n’étaient pas des hommes», a lancé l’ex-sénatrice. «Nous devons encore réformer le système.»
Peu après l’énoncé du verdict, tous deux avaient appelé par téléphone la famille Floyd, pour lui signifier leur «soulagement». «Vous êtes une famille incroyable. J’aurais aimé être là pour vous prendre dans mes bras», a déclaré Joe Biden. «Aujourd’hui marque un jour de justice en Amérique», a ajouté Kamala Harris, première vice-présidente noire des États-Unis, lors du même appel. «L’Histoire se souviendra de ce moment.»
Sentiment partagé par la foule rassemblée près de l’endroit où George Floyd est mort, qui a laissé éclater sa joie.
L’ancienne secrétaire d’État de Barack Obama, Hillary Clinton, a été parmi les premières personnalités à réagir sur Twitter. «La famille de George Floyd et la communauté avaient besoin que son assassin soit tenu pour responsable. Aujourd’hui, ils ont obtenu la reconnaissance de cette responsabilité. Pour toujours, les vies noires comptent», a-t-elle écrit.
«Aujourd’hui, un jury à Minneapolis a fait ce qu’il fallait faire», a commenté l’ancien président démocrate Barack Obama sur Twitter. «Mais si nous sommes honnêtes, nous savons que la vraie justice va bien plus loin qu’un seul verdict dans un seul procès», a ajouté le premier président noir des États-Unis, en appelant à poursuivre «le combat» pour lutter contre le racisme et les violences policières. «On ne peut pas s’arrêter là.»
«La couleur de peau détermine encore bien trop souvent comment quelqu’un est traité dans presque toutes les sphères de la vie américaine», a souligné un autre ancien président démocrate, Bill Clinton. «Si le verdict ne nous ramènera pas George Floyd, il peut nous aider à empêcher d’autres morts insensées et nous rapprocher du jour où nous serons tous traités de la même manière», a-t-il ajouté.
«George Floyd était venu à Minneapolis pour chercher une vie meilleure. C’est finalement sa vie qui a rendu notre ville meilleure», a tweeté le maire Jacob Frey.
«Grâce à vous, et grâce aux milliers, aux millions de gens qui ont manifesté à travers le monde pour la justice, votre nom restera à jamais synonyme de justice», a déclaré la présidente démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, devant le Capitole peu après le verdict.
«J’ai été consterné par la mort de George Floyd et je salue ce verdict», a tweeté le Premier ministre britannique Boris Johnson. «Mes pensées ce soir vont à la famille de George Floyd et à ses amis.»
La peine de Derek Chauvin connue dans deux mois
Le policier de 45 ans était jugé pour meurtre, homicide involontaire et violences volontaires ayant entraîné la mort de George Floyd, qu’il avait interpellé avec trois autres agents pour une infraction mineure le 25 mai 2020. Derek Chauvin comparaissait libre. Le juge Peter Cahill prononcera la sentence lors d’une nouvelle audience prévue dans huit semaines. Derek Chauvin encourt jusqu’à 40 ans de prison mais sa peine pourrait être aggravée si le magistrat conclut à l’existence de circonstances aggravantes. Ses avocats ont à présent 60 jours pour faire appel, et il est fort probable qu’ils le fassent, mais si les chances de leur client sont minces. Les trois anciens collègues de Derek Chauvin – Alexander Kueng, Thomas Lane et Tou Thao – doivent être jugés en août pour «complicité de meurtre».
L’issue de ce procès hors norme inquiétait fortement les autorités qui craignaient des violences si le policier venait à être acquitté. Des soldats de la Garde nationale avaient ainsi été déployés dans l’agglomération, théâtre de manifestations quotidiennes depuis la mort récente d’un jeune homme noir en périphérie de Minneapolis. Daunte Wright, un Afro-Américain âgé de 20 ans, a été tué par une policière blanche lors d’un banal contrôle routier dans la banlieue de cette grande ville du nord des États-Unis. Minneapolis s’était déjà embrasée après la mort de George Floyd, et les commerces se sont de nouveau barricadés derrière des planches en bois cette semaine.
«Il faut s’assurer que la paix et la stabilité soient respectées, mais il est aussi important que la colère de la rue, quoi qu’il arrive, soit transformée de manière positive», avait affirmé lundi soir le gouverneur de l’État, Tim Walz. Plus de 400 personnes avaient ainsi défilé lundi à Minneapolis pour demander la condamnation de Derek Chauvin. Dans la capitale fédérale Washington, les autorités avaient également mis les forces de l’ordre en alerte en prévision de manifestations qui pourraient suivre le verdict. À New York, la police avait assuré qu’elle était prête à intervenir en cas de violences.
Des preuves «accablantes» pour Joe Biden
L’agonie de George Floyd le 25 mai 2020 sous le genou de Derek Chauvin, filmée par des passants, a choqué le monde et suscité des manifestations d’une ampleur historique contre le racisme et les violences policières. «Cette affaire est exactement ce à quoi vous avez pensé au départ, en regardant cette vidéo», avait affirmé lundi le procureur Steve Schleicher dans son réquisitoire. «C’était un meurtre, l’accusé est coupable des trois chefs d’accusation et il n’y a aucune excuse», avait-il assené. L’accusation, qui avait fait défiler à la barre plusieurs témoins issus de la police, avait souligné que ce procès n’était pas celui de l’institution, mais d’un individu qui a «trahi» son serment de policier.
L’avocat de Derek Chauvin, Eric Nelson, avait au contraire appelé les jurés à prendre en compte le contexte d’une interpellation qui, selon lui, dégénère avec un suspect d’un gabarit imposant qui résiste à quatre policiers voulant le maîtriser. Derek Chauvin a agi de manière «raisonnable» compte tenu des circonstances, avait argué l’avocat, en disant que les agents de police étaient «des êtres humains» qui «peuvent faire des erreurs dans des situations très stressantes».
Preuve de l’importance de ce procès, Joe Biden avait pris la parole mardi avant l’énoncé du verdict. Le président américain a estimé que les preuves étaient «accablantes» contre le policier. «Je prie pour que le verdict soit le bon. À mon avis, c’est accablant. Je ne dirais pas cela si le jury ne s’était pas retiré pour délibérer», a-t-il déclaré. La veille, il avait discuté au téléphone avec les proches de George Floyd, selon la Maison Blanche. «J’ai appris à connaître la famille de George (…). C’est une famille bien», a-t-il ajouté, évoquant l’angoisse» de l’attente de la décision du jury pour cette dernière.
Mardi soir, en même temps que le juge à Minneapolis s’apprêtait à prononcer le verdict, une adolescente afro-américaine de quinze ans était abattue de quatre balles par la police dans les rues de Columbus, Ohio (nord est). La rédaction vous conseille